La cour d’appel de Paris vient de condamner deux franchisés Dépil Tech de Lyon pour exercice illégal de la médecine. Leur activité d’épilation à la lumière pulsée doit cesser, leurs contrats sont résiliés et, contrairement à ce qu’ils souhaitaient, ils ne recevront aucune indemnité de leur franchiseur.
La cour d’appel de Paris vient de condamner, le 7 septembre 2018, deux franchisés Dépil Tech dans un litige les opposant à un centre de médecins lyonnais et en partie à leur franchiseur.
La cour désavoue complètement le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 9 novembre 2016, dont l’enseigne Dépil Tech se félicitait.
Les magistrats relèvent d’abord que l’arrêté de 1962 – qui interdit aux non-médecins toute forme d’épilation sauf celles pratiquées « à la pince ou à la cire » – constitue toujours le « droit positif » français.
La cour est très claire : « Ce texte n’a fait l’objet d’aucune abrogation. » Et « c’est en vain que (les franchisés) arguent (de sa) désuétude. » En outre, même si « d’autres documents (…) tels que des rapports remis au Sénat ou des réponses à des questions parlementaires, (…) font ressortir l’existence de débats sur la nécessité d’abroger (le texte), (ils) ne sont pas de nature à l’abroger tacitement. » « Il est également indifférent, note encore la cour, que des appareils à lumière pulsée soient librement commercialisés, permettant à chacun de réaliser des actes d’épilation avec le matériel ainsi acheté. »
Interdiction pour les franchisés Dépil Tech de pratiquer l’épilation à la lumière pulsée…
Pour la cour d’appel de Paris (Pôle 5, chambre 2), il y a donc bien eu, de la part des franchisés Dépil Tech, « pratique illégale de la médecine ». Et « concurrence déloyale » à l’égard du centre de médecins. Et peu importe que celui-ci utilise le laser et les franchisés Dépil Tech la lumière pulsée, puisqu’ils visent tous la même clientèle à la recherche d’une dépilation définitive.
En conséquence, la cour « fait interdiction (aux franchisés) de pratiquer ou de faire pratiquer des actes d’épilation autres que ceux (…) à la pince à épiler ou à la cire par des personnes non autorisées à exercer la médecine en France et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée ».
…Et sanctions financières pour concurrence déloyale à l’égard des médecins
Elle condamne également les franchisés à « réparer les préjudices causés » par cette concurrence déloyale en versant chacun 15 000 € au centre médical.
« La société Dépil’Tech qui, en sa qualité de franchiseur a participé aux actes de concurrence déloyale (…) en fournissant aux franchisés les moyens de leur exercice » est condamnée « in solidum » au paiement de ces sommes
Pour les juges, les franchisés Dépil Tech se sont engagés en connaissance de cause…
Mais ce n’est pas tout. Les franchisés demandaient qu’en cas de condamnation (et donc de sanction financière), le franchiseur soit contraint de les assumer pour eux. Ils réclamaient en outre l’annulation de leurs contrats (pour tromperie) ou sa résolution (pour « transmission de savoir-faire illicite ») et d’importantes indemnités (près de 500 000 € pour l’un d’eux).
La cour d’appel écarte les différents motifs invoqués à l’appui de ces demandes. Les magistrats relèvent notamment que les documents transmis par le franchiseur avant la signature du contrat indiquaient « expressément la problématique juridique posée (au secteur de l’épilation) et (…) reproduisait les termes exacts de l’arrêté de 1962 ». Même si le franchiseur proposait aussi « une lecture personnelle de la législation en affirmant que (…) la technique de la lumière pulsée (n’était pas) un mode d’épilation à visée médicale ».
Pour les magistrats, « les franchisés, professionnels de l’épilation, étaient (donc) parfaitement informés de (l’arrêté de 1962). (…) Ils ne pouvaient ignorer que l’interprétation de ce texte donnée par la société Dépil Tech était sujette à contestation. Ils avaient la connaissance de cette problématique dès la conclusion des contrats de franchise et ont fait le choix non seulement de contracter mais de poursuivre leur activité durant plus de 5 années alors même qu’ils avaient été mis en demeure de cesser par (le centre médical lyonnais). »
…Leur franchiseur n’aura donc pas à les indemniser
Les franchisés n’obtiennent donc aucun transfert de leurs condamnations sur leur franchiseur.
Par ailleurs, leurs contrats de franchise sont résiliés « puisqu’ils ne peuvent se poursuivre » (dans la mesure où ils portent sur une activité illicite).
En revanche, aucune annulation pour tromperie ou autre résolution n’est prononcée. Et le franchiseur n’est condamné à aucune indemnisation de ses franchisés. Pour la cour, « l’information donnée par la société Dépil Tech sur l’interprétation qu’elle faisait des textes en vigueur n’exonérait pas les (franchisés) de vérifier les textes applicables et de s’assurer en leur qualité de professionnels qu’ils ne commettaient pas d’actes illégaux (…) ».
Le litige ira-t-il devant la Cour de cassation ? C’est possible. Même si, sur le fond, celle-ci a déjà eu, encore récemment, l’occasion de préciser sa position.