La cour d’appel de Versailles vient de refuser à un franchisé d’annuler son contrat. Pour les magistrats, l’écart de 50 % enregistré sur trois ans entre prévisions et réalité du chiffre d’affaires n’est pas la preuve d’une faute du franchiseur.
La cour d’appel de Versailles vient de refuser, le 11 septembre 2018, d’annuler un contrat de franchise pour tromperie.
Le contrat est signé en 2010 pour 7 ans. Le magasin ouvre l’année suivante. Problème : au lieu des 450 000 € de chiffre d’affaires prévus la première année, le couple de franchisés démarre difficilement, n’atteignant que 220 000 € sur le premier exercice de 15 mois. Les années suivantes sont meilleures, mais cela ne suffit pas. Comme le notent les juges, sur trois ans le CA « ne dépasse pas 50 % des prévisions ». Malgré les efforts financiers des franchisés et une aide du franchiseur, le bilan est déposé et la liquidation judiciaire de la société prononcée en 2014.
Devant la cour d’appel, le franchisé demande la nullité de son contrat pour erreur sur la rentabilité provoquée par le franchiseur. En raison d’une mauvaise information précontractuelle et de la transmission de chiffres trompeurs.
Vous avez dit tromperie ?
Les magistrats de Versailles refusent d’annuler le contrat pour une série de raisons :
-1/Le DIP (Document d’Information Précontractuelle) transmis par le franchiseur ne contenait, selon eux, aucune erreur « fournissant un état du marché local théorique et son potentiel ainsi que la liste de tous les concurrents implantés sur la ville »,
-2/Le franchiseur avait averti dans son projet de contrat qu’il appartenait au franchisé « de faire procéder à toute étude préalable de marché en fonction du choix qu’il (faisait) de sa zone, d’implantation ». Autrement dit : au franchiseur l’état, au franchisé l’étude de marché,
-3/Le contrat de franchise précisait qu’en « aucun cas la responsabilité du franchiseur ne pourra être recherchée, ni engagée en cas de non-réalisation des prévisions »,
-4/Le prévisionnel litigieux mentionnait clairement que la simulation avait été établie « sur la base des éléments communiqués par le franchisé » et n’était « qu’indicative et non contractuelle »,
-5/Les franchisés ne contestent pas avoir participé à l’élaboration du prévisionnel qui proposait un objectif initial de 470 000 à 500 000 € de CA (ramené à 450 000 par le franchiseur)
-6/Un expert-comptable a été associé à la préparation de ce prévisionnel, « ce qui tend à démontrer son sérieux » (aux yeux des juges).
-7/Le franchisé avait exercé dans le même secteur d’activité « des fonctions de dirigeant d’entreprises pendant 12 ans ». Il était donc « un professionnel averti ».
-8/Enfin, le DIP « comportait la liste de tous les franchisés du réseau avec leurs coordonnées de sorte que le franchisé qui a disposé d’un an entre la remise du DIP et la signature du contrat pouvait contacter d’autres franchisés et s’assurer de la rentabilité de la franchise ».
« Aie confiance, mais vérifie »…
L’existence d’un écart entre prévisions et réalité, fut-il de 50 % sur trois ans, ne constitue donc pas aux yeux des magistrats « la preuve d’un défaut de sincérité ou de l’irréalisme manifeste des prévisions, le franchisé se devant d’apprécier la valeur et la faisabilité des promesses de rentabilité qui lui sont faites dans la mesure où celles-ci ne comportent, de la part du promettant, aucune obligation de résultat. »
Le contrat n’est donc pas annulé et le franchisé n’obtient ni les remboursements ni les dommages et intérêts qu’il réclamait en compensation de son échec.
Le message est clair: même quand le franchiseur paraît sérieux et qu’un climat de confiance (voire d’enthousiasme) préside aux pourparlers, tout candidat à la franchise se doit au minimum de lire attentivement ce qu’il signe et de bien vérifier ses intuitions avant de s’engager.