La Cour de cassation vient de rappeler à la fois que la création d’une association de défense des franchisés est un droit fondamental et qu’une clause de non-concurrence post-contractuelle doit être suffisamment limitée dans l’espace.
La Cour de cassation vient de rendre, en matière de création d’une association de franchisés et de non-concurrence post-contractuelle, une décision qui intéressera tous les acteurs de la franchise.
Dans ce litige, deux contrats avaient été conclus au printemps 2009 pour l’ouverture de deux établissements dans deux grandes villes. Mais, en décembre de la même année, le franchiseur résiliait les contrats et assignait le franchisé en justice.
Parmi les motifs : la création d’une association de défense des franchisés qu’il jugeait contraire au contrat et la violation de la clause de non-concurrence post-contractuelle qui liait le franchisé.
Créer une association de défense des franchisés n’est pas déloyal
Le 3 mai 2017, la cour d’appel de Paris validait la résiliation des contrats et condamnait le franchisé. Pour les magistrats d’appel, il avait, en créant l’association et son site internet, porté « atteinte à l’image de marque du réseau » (en reprenant « sans autorisation » le nom de l’enseigne dans le nom de l’association) et affecté « gravement les intérêts du franchiseur ». Car le but poursuivi était de « regrouper, assister et soutenir les franchisés » dans toutes leurs démarches, y compris judiciaires contre leur partenaire. Une attitude manifestant « une défiance certaine », ce qui constituait aux yeux des juges « un manquement à une obligation essentielle au contrat de franchise » (l’obligation de loyauté).
Dans son arrêt du 28 novembre 2018, la Cour de cassation annule l’arrêt d’appel sur ce point, invoquant notamment « l’article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des liberté fondamentales ». La plus haute juridiction française considère que « le seul fait de créer et participer à une association de défense des intérêts des franchisés, constitutif d’une liberté fondamentale” ne saurait être reproché au franchisé. Qui n’a ainsi, ni porté atteinte à l’image du réseau ni affecté gravement les intérêts du franchiseur.
Une clause de non-concurrence post-contractuelle excessive
Dans son arrêt, la cour d’appel de Paris avait également condamné le franchisé à plus de 600 000 € (dont 36 000 de clause pénale proprement dite) pour avoir violé la clause de non-concurrence post-contractuelle et poursuivi son activité plusieurs années après la fin du contrat. Pour la cour, la clause de non-concurrence du franchiseur était valable car limitée dans l’espace à l’objet du contrat et à une durée d’un an après sa fin. Les pénalités prévues étaient donc dues.
La Cour de cassation estime au contraire, que la cour d’appel aurait dû “rechercher si l’interdiction d’exercer” la même activité et de « s’affilier à un réseau concurrent » … dans un rayon de 150 kilomètres autour de l’établissement “n’apportait pas une restriction excessive à la liberté d’exercice de la profession (du franchisé)”.
Enfin la cour d’appel avait condamné le franchisé à 25 000 € de dommages et intérêts pour avoir, en poursuivant en dehors du réseau l’activité pendant au moins 5 ans sur l’une des deux villes, “gêné le franchiseur dans sa recherche d’un nouveau franchisé”.
La Cour de cassation considère, au contraire qu’il s’agit là de motifs “impropres à caractériser une faute” de la société franchisée.
La cour d’appel de Paris devra revoir sa copie
L’arrêt d’appel est donc cassé sur ces différents points. La résiliation des contrats aux torts exclusifs du franchisé est remise en cause. De même, ses demandes concernant le remboursement de ses droits d’entrée et la perte de sa marge brute (rejetées en appel) devront être reconsidérées. L’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Paris “autrement composée”.