Une franchisée en liquidation judiciaire estime avoir été trompée par les données chiffrées fournies par son franchiseur. Or, celui-ci n’a transmis que des hypothèses, estime la cour d’appel de Versailles. Il n’est donc pas responsable de l’échec de sa franchisée, qui est déboutée.
La cour d’appel de Versailles vient de débouter, le 24 octobre 2019, une franchisée qui réclamait la nullité de son contrat pour cause de prévisionnel trompeur.
Dans cette affaire, le DIP est remis en avril 2014, la société franchisée crée en juin, le contrat de franchise signé en août et l’établissement ouvert en janvier 2015.
Mais au lieu d’un chiffre d’affaires attendu supérieur à 1,2 million d’euros pour les 12 premiers mois, la société franchisée n’atteint que 600 000 € sur 9 mois, soit, projeté sur un an, 63 % du prévisionnel.
Résultat : après avoir ouvert, en août 2015 une procédure de redressement judiciaire, le tribunal de commerce place la société franchisée en liquidation en juillet 2016.
Pour la franchisée, cet échec est dû au franchiseur qui lui a, notamment, transmis « des comptes prévisionnels fantaisistes », de sorte qu’elle a été « induite en erreur quant à la rentabilité de son activité future ».
« Un avant-projet n’est pas un véritable compte de résultat prévisionnel »
La cour réfute en détails cette accusation. Pour les magistrats, le franchiseur « n’a pas remis de comptes prévisionnels, mais uniquement un avant-projet daté du 10 avril 2014, soit 15 jours avant la remise du DIP ». Un document contenant deux tableaux dont l’un intitulé « hypothèse de compte de résultat ».
Cet avant-projet, souligne la cour, était « accompagné d’un courriel du même jour par lequel le franchiseur demandait à la franchisée de « bien tout contrôler et (de lui) donner (son) accord par retour de mail avant de transmettre (le document) à (son) expert-comptable afin que ce dernier (lui) monte un dossier complet pour les banques ».
L’avant-projet comportait en outre un avertissement indiquant qu’il était établi à partir de données issues du réseau mais « sans une étude de marché pour infirmer ou confirmer nos hypothèses ».
La cour note encore que la mention « document non contractuel à valeur indicative » figurait en bas de chaque page.
Pour les magistrats, ces faits « suffisent à démontrer (que ce document) ne peut constituer en aucune manière un véritable compte de résultat prévisionnel ». Ils ajoutent que c’est l’expert-comptable du franchisé qui a établi l‘« étude prévisionnelle » destinée aux banques.
37 % de chiffre d’affaires en moins : le franchiseur n’y est pour rien, tranche la cour
Par conséquent, à leur avis, si le chiffre réalisé par la franchisée est « nettement inférieur aux prévisions », cela « ne peut être imputé » au franchiseur « qui a émis toutes les réserves utiles » et « n’a fourni que des hypothèses », lesquelles « devaient être infirmées ou confirmées par une étude de marché qui incombait à la société franchisée ». Laquelle « ne l’a pas réalisée ».
Et, même si l’expert-comptable, à qui l’avant-projet paraissait « très ambitieux » a obtenu par téléphone une confirmation du franchiseur sur le fait que le chiffre était « tout à fait tenable au vu du marché et des réalisations antérieures », cela paraît aux juges « insuffisant pour conforter (son) étude prévisionnelle ».
Conclusion de la cour d’appel : « aucune erreur sur la rentabilité (n’est) imputable au franchiseur. » La demande de nullité du contrat de franchise formulée par la société franchisée est donc rejetée. De même que les demandes d’indemnités des associés personnes physiques qui auraient été « les conséquences de cette nullité ».
La société en liquidation ne recevra donc pas les 940 000 € qu’elle réclamait en remboursement des sommes investies dans l’affaire. Le compte courant d’associé ne sera pas non plus restitué à la personne qui l’a alimenté. La franchisée ne récupérera pas son emprunt de 120 000 €. Elle ne sera pas non plus indemnisée pour le préjudice moral qu’elle estime avoir personnellement subi.