Plusieurs franchisés du même réseau contestent le fait de devoir payer les frais de fonctionnement du site marchand de leur enseigne. Dans la mesure où le franchiseur se sert déjà, selon eux, de leurs redevances publicitaires pour cela. A la lecture de leur contrat, la cour d’appel les contredit.
Qui du franchiseur ou des franchisés doit payer les frais de fonctionnement du site marchand de l’enseigne ? C’est la question qu’a eu à trancher la cour d’appel de Paris le 8 janvier 2020 dans un conflit surgi à ce sujet entre un franchiseur et plusieurs de ses franchisés. Et en fait, comme on va le voir, tout dépend de ce que prévoit le contrat et de la lecture que l’on en fait.
En jeu : des commandes qui génèrent, à partir du site marchand, 40 % du chiffre d’affaires des franchisés
Dans ce litige, le franchiseur, s’est engagé par contrat à « présenter » les établissements de ses franchisés sur son site internet marchand et à leur « permettre de traiter les commandes faites par les consommateurs désireux d’être livrés (des produits de l’enseigne) à l’intérieur de (leur) zone géographique ». Des commandes qui, selon les franchisés, génèrent 40 % de leur chiffre d’affaires.
Le contrat précise aussi que, dans la mesure où le franchiseur lui apporte une clientèle, chaque « franchisé accepte que (le chef de réseau) finance en partie le site au moyen du fonds publicitaire » constitué par les redevances versées par les franchisés.
Dans les faits, une autre partie des frais de fonctionnement du site, liée à la transmission des commandes en ligne aux franchisés ainsi qu’au traitement des réclamations des clients (remboursement des commandes annulées etc.), est assurée par un prestataire extérieur choisi par le franchiseur. Un prestataire payé directement par les franchisés.
Problème : le réseau d’une quarantaine de points de vente souffre de « dysfonctionnements répétés » du site causés par le prestataire en question. Au point qu’en 2016, le franchiseur décide de son remplacement par une nouvelle société. C’est là que le litige se noue.
La plupart des franchisés acceptent le changement. Mais quelques-uns s’y opposent. Les différends débouchent sur des actions en justice, au terme desquelles la cour d’appel de Paris est saisie.
Les franchisés contestataires ne veulent pas payer « deux fois la même chose » au franchiseur
Les franchisés plaignants estiment notamment qu’ils n’ont pas à payer le nouveau prestataire, dans la mesure où ils ont déjà versé des sommes à son prédécesseur qu’ils n’auraient pas dû lui verser (vu les dysfonctionnements subis).
Par ailleurs, ils considèrent que si le contrat de franchise prévoit bien que le franchiseur doit « en partie » assurer le fonctionnement du site grâce aux redevances des franchisés, rien ne dit, « aucun article ne précise » que la partie restante doit être à la charge de ces mêmes franchisés.
Enfin, les plaignants estiment que la nouvelle société prestataire, liée à la société du franchiseur, est une coquille vide. De plus, elle réclame le paiement de services qui étaient auparavant assurés par des membres du personnel du franchiseur (une salariée spécialisée dans la gestion des dysfonctionnements du site est passée d’une société à l’autre). Ils en déduisent que le franchiseur « ne peut maintenant, par sa filiale interposée, facturer deux fois la même chose ».
En conséquence, plaidant l’existence d’une « contrepartie dérisoire ou illusoire », ils réclament la nullité des contrats du nouveau prestataire. Par ailleurs, invoquant avoir subi une « violence économique » pendant la période où, en conflit ouvert avec eux, le franchiseur leur a interdit tout accès au site marchand de l’enseigne et aux commandes des consommateurs, ils demandent une indemnité afin de compenser la perte d’exploitation subie.
Pas de « contrepartie illusoire » ni de « violence économique », selon la cour d’appel de Paris
La cour d’appel de Paris les contredit sur toute la ligne.
Pour les magistrats, les termes du contrat précisent que le franchiseur « doit seulement permettre au franchisé de traiter la commande en ligne », c’est-à-dire « lui fournir le moyen nécessaire pour y parvenir ». Le franchiseur ne s’est « jamais engagé à y procéder lui-même ». « Il n’est aucunement prévu, ajoutent-ils, que le franchiseur, qui supporte le coût de l’hébergement du site, finance aussi les frais de gestion des commandes en ligne, relatifs notamment aux transferts des commandes du site aux points de vente, à la réception des réclamations et à leur traitement »
Par ailleurs, les plaignants « ne démontrent en aucune façon que la société (du nouveau prestataire) serait une coquille vide. Il apparaît que les prestations de service réalisées (par elle) ne sont pas mises à la charge de la société du franchiseur par le contrat de franchise ». La contrepartie n’est donc pas « illusoire », tranche la cour.
Quant à la « violence économique », qui « suppose qu’une partie profite de la situation de dépendance de l’autre pour lui imposer des conditions anormales », ce n’est, selon les juges, « pas le cas » ici. Car la situation des sociétés franchisées « ne caractérise pas un état de dépendance ». De même les « conditions générales proposées par (le nouveau prestataire) ne présentent aucun caractère anormal et les (franchisés) n’ont consenti, en les signant (après une période de refus), aucun avantage excessif ou anormal ». Enfin, « la menace de suspendre le service des commandes en ligne ne peut être considérée comme illégitime et constituer une violence ».
Les franchisés se voient donc déboutés de toutes leurs demandes.