« Sur le plan du contrat de franchise, le dialogue va devoir s’instaurer entre franchiseur et franchisés pour adapter les concepts à la nouvelle donne », estime l’auteur, avocat.
Par Matthieu Mercier, Avocat associé (CARCREFF), Maître de Conférences à la Faculté de Droit de Rennes
Un débat très vif existe et persiste dans les réseaux au sujet du paiement des loyers en période de confinement. De nombreuses contributions ont été relayées par Franchise Magazine.
Une question nouvelle devient obsédante : les magasins qui vont réouvrir vont devoir respecter, pour un temps indéterminé, un certain nombre de contraintes sanitaires sur le modèle du protocole diffusé par le Ministère du Travail ou encore à l’aide du guide édité par le Medef (AFNOR SPEC X50-250 téléchargeable gratuitement).
Ainsi, de très nombreux magasins sous enseigne, singulièrement les établissements qui reçoivent du public (ERP) vont devoir réorganiser les flux de personnels et des clients, mettre en place ou proposer des protections, notamment individuelles (masque), adaptées à leur activité, procéder à des nettoyages et désinfections, réorganiser leur mobilier, leur vitrine, le cheminement des clients suivant les normes de distanciation sociale etc…
La question se pose également du niveau de confiance des clients : ces derniers, sans doute traumatisés par la pandémie, hésiteront-ils à venir à nouveau dans nos enseignes ?
Au total, les magasins, une fois réorganisés, vont recevoir moins de clients – on pense spontanément aux établissements de restauration mais la problématique peut être généralisée à tous les commerces en réseaux.
Le chiffre d’affaires va baisser et la rentabilité des enseignes va se poser.
Qu’en penser ? Deux suggestions urgentes sur le plan bailleur / locataire et sur le plan franchiseur / franchisé.
Un dialogue doit se mettre en place avec les bailleurs sur la question des loyers
D’abord, un dialogue doit se mettre en place avec les bailleurs sur la question des loyers, qui est une charge importante dans de nombreuses activités : sort des loyers de la période de confinement, loyers à adapter au fur et à mesure de la reprise de l’activité, nouveau loyer à pérenniser si la pandémie et les précautions associées devaient durer.
Ce dialogue doit questionner, au cas par cas, la valeur locative des locaux : les textes prévoient qu’une telle discussion peut avoir lieu tous les 3 ans dans le cadre d’un bail commercial ou encore lors du renouvellement du bail. Au-delà de ces seules échéances légales, bailleur et locataire pourront se retrouver pour négocier à l’amiable, par un avenant au bail, de nouvelles modalités de loyers, peut-être un nouveau montant provisoire, correspondant au temps de la crise sanitaire et des flux de clientèle limités.
En cas de litige, un expert judiciaire interviendra ; cet expert comparera alors évidemment l’avant et l’après confinement et tiendra compte de l’impact (sans doute souvent à la baisse) sur le loyer des mesures sanitaires que l’entreprise a dû prendre. D’ores et déjà, nous pouvons conseiller aux locataires, franchiseur ou franchisé selon les cas, de collecter des photos, des plans, de faire constater par un huissier la disposition des établissements avant et après la réorganisation imposée par les nouvelles règles d’hygiène.
Par exemple, pour un établissement de restauration, l’huissier pourrait constater le nombre de tables avant et après la réorganisation. Autre illustration, des systèmes de décompte des clients entrants et sortant peuvent être mis en place pour mesurer la variation de la « jauge » des locaux.
Le dialogue va également devoir s’instaurer entre franchiseur et franchisés
Ensuite, sur le plan strict du contrat de franchise, le dialogue va également devoir s’instaurer entre franchiseur et franchisés pour adapter les concepts à la nouvelle donne.
Dans le cadre de son obligation d’assistance, le franchiseur doit accompagner le franchisé dans la réorganisation de son établissement, dans le changement des pratiques, dans l’adaptation des règles sanitaires ; le savoir-faire du franchiseur va parfois (souvent) devoir s’adapter aux nouvelles exigences d’hygiène et à la nouvelle distanciation sociale ; ce savoir-faire devra être mis à jour.
De son côté, le franchisé va devoir faire remonter à la tête de réseau les éléments de terrain, les réactions du marché, le niveau de confiance des clients après le déconfinement et ce, afin que le franchiseur puisse réfléchir à des évolutions et adaptations des services et des produits du réseau.
Dès à présent, les enseignes et les franchiseurs doivent se mettre en rapport avec les franchisés afin que, de concert, le réseau puisse progresser en dépit des difficultés et malgré la crise attendue.
La mise en place d’un dialogue franchiseur / franchisé, peut-être par exemple par la mise en place d’une commission ad hoc dédiée au « déconfinement » comprenant des représentants des franchisés, est indispensable pour pérenniser les réseaux, rassurer les clients de chaque enseigne et éviter la multiplication des contentieux ou des procédures collectives.