Quels sont aujourd’hui les principaux points à vérifier, les questions à poser à un franchiseur avant de rejoindre son enseigne et de signer son contrat ?
Chacun l’a remarqué : la crise sanitaire a compliqué le parcours des candidats franchisés. « Avant, nous pouvions leur conseiller de vérifier surtout que le franchiseur était un créateur impliqué dans son concept, qu’il disposait de la surface financière nécessaire et d’équipes répondant aux besoins d’assistance et d’animation d’un réseau, observe Maître Olga Zakharova-Renaud, avocat des franchisés au cabinet BMGB. C’étaient des gages de sérieux. Maintenant que l’on a vu certains mastodontes placés en liquidation judiciaire, il n’y a plus de certitude. »
Pour la spécialiste, membre du collège des experts de la Fédération Française de la Franchise (FFF), « les petites franchises de cavalerie légère » ont souvent fait la preuve dans la période récente d’une meilleure réactivité. Désormais, il faudra donc, selon elle, évaluer notamment « la capacité de l’enseigne à prendre rapidement des décisions, à s’adapter aux évolutions du marché ».
En quoi le franchiseur a-t-il aidé ses franchisés ?
Expert-comptable et directeur des relations extérieures de Fiducial, Éric Luc estime pour sa part qu’outre les points habituels visant, comme avant, à mesurer la solidité du réseau, tout candidat à la franchise a intérêt aujourd’hui à questionner son éventuel futur partenaire sur les actions qu’il a menées pendant le confinement et depuis : « A-t-il mis en place des services nouveaux comme le click and collect, des e-formations, des Webinars pour expliquer les mesures de Prêts Garantis par l’État et de chômage partiel, en quoi a-t-il aidé ses franchisésdans leur gestion au quotidien ? Sait-il combien d’entre eux ont obtenu un PGE ? En a-t-il lui-même obtenu ? Qu’a-t-il fait en termes de négociation des loyers ? Est-il intervenu auprès des bailleurs ? A-t-il pu négocier les redevances de logiciels par exemple (non utilisés pendant la fermeture des points de vente). De même a-t-il apporté des réponses sur les redevances d’animation, notamment quand elles étaient fixes ou quand le contrat prévoyait un minimum garanti ? Ont-elles été annulées, reportées ? Si sur ces questions le discours est limpide, c’est bon signe. »
Comment a-t-il actualisé son savoir-faire ?
Membre du collège FFF, Éric Luc conseille aux candidats de s’informer également sur les nouveautés de la rentrée : « Qu’est-ce que le franchiseur a proposé de plus ? Une nouvelle offre, la conquête de nouveaux marchés ? Qu’a-t-il fait pour aider les franchisésà redémarrer ? L’enseigne a-t-elle animé son site Facebook ou est-elle restée en sommeil ? Et comment circule l’information en interne ? Parce que, dans certains cas, cela n’a pas été fameux. » L’expert en convient, il faudra sur tous ces points interroger les franchisés eux-mêmes – « certains parmi ceux recommandés par l’enseigne et d’autres choisis au hasard » – afin de vérifier les dires de la tête de réseau.
Dans le même ordre d’idées, Olga Renaud attire l’attention sur le montant du droit d’entrée. « Il rémunère entre autres l’accès au savoir-faire qui doit procurer un avantage concurrentiel immédiat, rappelle l’avocate. Il importe donc d’évaluer comment le franchiseur l’a actualisé, s’il a trouvé les bonnes solutions logistiques, de nouveaux partenariats, etc. Et donc si l’avantage concurrentiel est toujours bien là. »
État du marché, état du réseau
On l’a compris, la prise de risque est plus importante aujourd’hui qu’hier, même dans les secteurs d’activité qui ne sont pas trop atteints, voire qui semblent bénéficier de la situation. « La tâche du franchisé qui s’engage actuellement va être compliquée, avertit Olga Renaud. Car si son affaire va mal demain et qu’il se retrouve devant un tribunal, le juge retiendra qu’il ne pouvait pas ignorer les difficultés dans lesquelles il s’est engagé. » La spécialiste du droit conseille donc plus que jamais aux candidats de mener leur enquête et d’aller au-delà du cadre légal prévu. « Concernant l’état du marché et ses perspectives de développement, le franchisé devra obtenir de l’enseigne qu’elle fournisse une analyse tenant compte de l’impact de la crise sanitaire. Et qu’elle fasse un effort de prospective. Concernant l’état du réseau et notamment le nombre de sorties, il faudrait disposer d’une situation au moins à fin 2019 pour savoir si la chaîne était fragilisée ou non avant la crise. Car l’impact de cette dernière ne sera visible dans les DIP que pour 2021, quand il faudra commencer à rembourser les PGE (Prêts Garantis par l’État) ». L’avocate conseille même de faire ces demandes par écrit afin de pouvoir prouver le moment venu que le franchisé a bien respecté son obligation de se renseigner.
« Même si la loi ne l’y contraint pas, le franchiseur devrait communiquer le taux de renouvellement de ses franchisés, complète Éric Luc, indiquer l’ancienneté moyenne de ses membres, combien sont là depuis 3, 5, 7 ans, etc. De même, l’enseigne devrait être transparente sur l’évolution de son nombre d’unités partenaires. » Il s’agira de déclarations, certes, mais faciles à vérifier selon l’expert. « Il suffit de se reporter aux annonces faites sur internet dans les interviews successives accordées aux médias spécialisés. Quant à l’ancienneté, avec la liste des franchisés que l’on vous communique et leur numéro de Siret (qu’il faut réclamer), on peut tout savoir rapidement. »
Ventes sur Internet : au profit du seul franchiseur ?
La crise sanitaire a changé la donne aussi concernant la part des ventes sur Internetdans le chiffre d’affaires des franchises. « De nombreux réseaux repensent leur modèle de distribution sur le Web ainsi que le montage, depuis la participation aux frais jusqu’à la répartition des fruits de cette activité, relève Olga Renaud pour qui le bénéfice de ces ventes ne peut être réservé au seul franchiseur. » Si, selon elle, certaines enseignes jouent le jeu en aiguillant depuis leur site le client et le produit de la vente vers les franchisés moyennant une contrepartie raisonnable, d’autres en revanche « proposent sur leur site des prix de vente au public inférieurs au niveau où les marchandises sont vendues à leurs franchisés ». Il faut donc se renseigner sur la manière dont les choses sont organisées pour cet aspect de l’activité qui va prendre de plus en plus d’importance. « Surtout quand le contrat prévoit une clause d’exclusivité territoriale », ajoute l’avocate.
L’écart entre les prix pratiqués par le franchiseur sur son site et ceux du franchisé en magasin constitue une source de litiges évitable. Éric Luc cite le cas d’une chaîne de franchise où les consommateurs venaient essayer en magasin les produits qu’ils achetaient ensuite sur le site de l’enseigne 10 à 15 % moins cher. Désormais, le prix est le même chez le franchisé et sur Internet (et sur le site, la livraison est à régler en plus).
« Il faut aussi faire très attention lorsque l’activité dépend en partie d’une plate-forme de réservation et/ou de livraison type Deliveroo ou Uber Eats, qui se rémunère à hauteur de 30 % sur le produit de la vente, alerte encore l’expert-comptable. Si vous vendez votre burger 10 € et qu’il est proposé à 11 sur la plate-forme, en fait c’est comme si vous le vendiez 8 €. Il faut donc qu’à ce niveau-là vous vous en sortiez toujours. » Et cela ne concerne pas uniquement les activités de restauration.
Quelles structures de dialogue ?
La situation économique nouvelle a mis aussi en évidence un point fondamental : la qualité du dialogue dans le réseau. « Aujourd’hui l’existence d’une structure dédiée prend toute son importance », souligne l’avocate. Bien sûr beaucoup de franchisés se sont débrouillés seuls, beaucoup d’échanges ont eu lieu « à la base » grâce aux groupes WhatsApp. « Mais le dialogue a été plus efficace là où des associations de franchisésexistent et sont reconnues par la chaîne, argumente l’associée du cabinet BMGB. Dans une célèbre enseigne de services automobiles, la direction faisait un point quotidien avec l’association et cela a été très utile »,
« Je connais un réseau composé par moitié de succursales et d’unités franchisées, ajoute-t-elle à titre d’exemple. Le dirigeant – qui est aussi producteur – a fermé tous ses points de vente et s’est retrouvé avec un stock de produits périssables qu’il ne devait normalement pas vendre à ses franchisés. Eh bien eux, qui avaient décidé de rester ouverts, ont accepté d’acheter ses marchandises, malgré des délais de péremption plus courts que d’ordinaire. Tout le monde y a gagné. Cela s’est négocié grâce à l’association. »
Organisation du dialogue, ventes sur Internet, état du réseau et du savoir-faire, assistance et capacités d’adaptation du dirigeant, les experts en conviennent : plus que jamais vous devez vous montrer vigilant avant de vous engager.
L’avis de l’avocate : « Des clauses à surveiller »
« Il convient de bien lire son contrat avec son conseil, qui l’analysera dans sa globalité », souligne Olga Zakharova-Renaud, avocat des franchisés au cabinet BMGB.
Les contrats de franchise contiennent souvent à la fin deux clauses de renonciation à des articles du Code civil entrés en vigueur depuis la réforme de 2016. En signant, les parties renoncent à réviser les conditions financières (dont les redevances).
Cela a permis à certains franchiseurs de continuer à en réclamer alors que les franchisés ne réalisaient aucun chiffre d’affaires. Il convient donc de bien lire son contrat avec son conseil, qui l’analysera dans sa globalité.
Il ne sera pas forcément possible de refuser ces clauses. Mais, si dans le réseau existe une association de franchisés forte et reconnue, il sera plus facile de discuter avec le franchiseur. N’hésitez pas à la contacter afin de mieux vous renseigner avant de signer.