Cofondateur en 2006 et directeur général de Pret Pro, réseau de courtage en financement spécialisé en franchise, Benoit Fougerais répond à nos questions sur son activité et la meilleure manière pour un futur franchisé de financer son projet.
Plus que jamais, les candidats à la franchise doivent compléter leur apport personnel.
Combien de mandataires regroupez-vous dans votre réseau de courtage en financement ? C’était 32 en 2018, vous en vouliez 100 en 2021, où en êtes-vous ?
Nous fédérons 40 mandataires. C’est moins que prévu en effet, car nous avons focalisé le 1,3 million d’euros que nous avons levé en 2018 en priorité sur la mise au point des solutions de financement pour les franchiseurs, sous forme d’outils informatiques. Mais nous recrutons. Nos mandataires sont tous rattachés à l’un des 22 centres d’affaires Pret Pro implantés dans l’Hexagone.
Avec combien de franchiseurs ou têtes de réseau travaillez-vous ?
Nous travaillons avec 250 enseignes de franchise et autres formules de commerce organisé. Cette activité représente 55 % de notre chiffre d’affaires. Le reste est réalisé avec des porteurs de projets indépendants hors enseigne.
Comment a évolué votre chiffre d’affaires en 2020 ?
Nous avons enregistré de l’ordre de 30 % de croissance. C’était 53 % en 2019.
Parmi les enseignes avec lesquelles vous travaillez, quelle est la proportion de jeunes réseaux ?
Les jeunes réseaux de moins de trois ans représentent 50 %. Les autres ont de 3 à 5 ans et plus de 5 ans. Nous travaillons aussi avec des réseaux anciens.
Est-ce que cette proportion évolue en ce moment ?
Non, elle est constante depuis nos débuts.
Qui vous apporte les dossiers ? Uniquement les franchiseurs ?
Les franchiseurs nous apportent environ 60 % des dossiers de futurs franchisés mais nous collectons aussi directement les candidats sur nos sites spécialisés par ville et par métier. Enfin, nous travaillons avec de nombreux apporteurs d’affaires, experts-comptables, avocats, vendeurs de fonds de commerce, etc. Il nous arrive d’avoir déjà en mains un dossier avant même que le franchiseur nous le transmette…
« Nous accompagnons de plus en plus de salariés des réseaux. Et beaucoup d’opérations de reprise dans l’hôtellerie-restauration. »
En 2020, votre activité a été impactée par la crise sanitaire. Vous avez enregistré, selon votre site internet, 300 demandes de financement en janvier-février, puis 100 en avril-mai et 150 en juillet-août. C’est remonté à partir de septembre et vous étiez en novembre-décembre à 250 demandes par mois. C’était combien en 2019 ?
En janvier 2019, nous étions sur une ligne de 150 à 200 demandes de financement. Mais nous doublons pratiquement chaque année. Attention, par demandes nous entendons des demandes pré-qualifiées, c’est à dire après avoir écarté celles qui ne nous paraissent pas pouvoir aboutir, soit presque la moitié de celles que nous recevons.
Quelle part de ces demandes de financement concernent respectivement le développement, la création et la reprise d’entreprise ?
Les créations représentent environ 60 % des demandes et les reprises 20 à 25 %. Mais les créations ont tendance à diminuer alors que les opérations de cession/reprise augmentent. Nous avons d’ailleurs mis en place un département transmission pour les franchiseurs afin de répondre à ce phénomène. Le reste se répartit entre le financement pour l’achat de murs, de matériels, de véhicules, pour le développement par croissance externe, etc.
Quel est le profil des candidats franchisés qui vous sollicitent en ce moment ?
Nous accompagnons à la fois des professionnels qui ont vendu leur affaire et en prennent une plus importante et des créateurs salariés issus du métier. Nous voyons aussi de plus en plus de salariés du réseau qui se lancent et dont nous pouvons traiter la demande, notamment en leur proposant des outils leur permettant de compléter leur apport personnel.
Quels sont les secteurs où vous constatez beaucoup de projets ? Et ceux qui se tarissent aujourd’hui ?
Nous ne voyons plus actuellement de projets de création dans l’hôtellerie-restauration. En revanche, il y a dans ce secteur de plus en plus d’opérations de cession par des professionnels qui veulent quitter l’activité. Et nous trouvons en face des entrepreneurs que cela intéresse. Ils sont en général déjà du secteur, des multifranchisés par exemple, et en profitent pour racheter des concurrents. Mais on voit aussi arriver des néo-repreneurs, car il y a de vrais opportunités à saisir par des cadres récemment licenciés ou faisant partie d’un plan de départs volontaires de leur entreprise.
Comment voyez-vous l’année 2021 de ce point de vue ? Ça repart ? Dans quoi ?
Nous accompagnons en ce moment des projets de création dans des secteurs comme l’automobile, les supérettes, les services, immobilier par exemple, le B to C. En revanche, plus rien dans la mode (prêt-à-porter, etc.)
« Les banquiers prêtent toujours aux futurs franchisés mais se montrent plus curieux et exigeants. »
Comment se comportent les banquiers aujourd’hui face aux projets de franchise ?
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les banques prêtent en ce moment. Et c’est normal. Il ne faut pas oublier qu’en moyenne, 65 % du Produit Net Bancaire vient des intérêts perçus par les banques sur les sommes prêtées. Alors oui, les banques prêtent, mais, évidemment, elles regardent les dossiers plus en détail, se montrent plus exigeantes en termes d’apport personnel et vont refuser plus facilement des dossiers mal présentés ou pas accompagnés par un professionnel du financement. Actuellement, 78 % des dossiers que nous présentons sont acceptés. Une proportion en légère hausse. Je précise que nous ne sommes pas rémunérés par les banques.
Est-ce que les dossiers de franchise passent aujourd’hui avec 30 % d’apport personnel, voire moins dans certains cas ?
Un dossier de reprise peut passer avec 15 à 20 % d’apport seulement (et même 10 à 15 pour l’achat de murs), mais pour une création d’entreprise, aujourd’hui, 25 % ne suffisent plus. C’est pourquoi nous avons recours à des techniques consistant à améliorer l’apport des candidats. Il y a les aides régionales bien sûr. Mais surtout, nous travaillons avec une centaine de financeurs qui nous apportent des solutions de leasing, de cofinancement, de contre-garantie ou de financements participatifs. Un candidat peut, par exemple, faire baisser le montant de l’apport personnel nécessaire à son projet en louant du matériel au lieu de l’acheter, ce qui diminue d’autant son investissement global. Ou faire appel à du crowdfunding (argent rémunéré sous forme de dons), crowdlending (argent collecté sous forme de prêt) ou crowdequity (participation au capital). Notre intervention à ce niveau permet d’élaborer pour nos clients futurs franchisés un plan de financement structuré. (Nous développons notre propre site de crowdlending : belend.fr)
Est-ce que les banques ont tendance à prendre encore plus de garanties qu’avant ?
Nous ne l’observons pas. Le futur franchisé n’échappera pas toutefois à la demande de caution personnelle. Certaines banques accepteront parfois d’en limiter l’effet sur trois ou quatre ans et pas sur sept ans mais pas toutes. Le nantissement sur le fonds de commerce est aussi très fréquent comme la possibilité de bloquer le compte courant. Mais rien ne change de ce point de vue.
Est-ce que les délais de réponse des banques augmentent ?
Nous sommes en moyenne à 27 jours. Les banquiers nous posent davantage de questions. Mais les délais restent les mêmes. En revanche nous savons que des porteurs de projets accompagnés seulement par leur franchiseur peuvent parfois attendre nettement plus longtemps. J’ai l’exemple de l’un d’eux qui attendait depuis trois mois !
Où en sont les taux ?
Nous constatons une légère remontée des taux. Mais ils sont toujours inférieurs à 1 %, ce qui très bas.
Pour chaque dossier, si vous contactez vos 11 banques partenaires, combien de « oui » obtenez-vous en moyenne ? Ce nombre a-t-il évolué en 2020 ? Va-t-il évoluer encore en 2021 ?
Sur un dossier nous allons solliciter 5 ou 6 réseaux bancaires et nous aurons 4 réponses positives. Si le dossier est un peu juste, nous étendons la demande. Nous interrogeons les pôles franchise des banques, qui répercutent à l’agence bancaire concernée et c’est elle qui prend la décision finale. Ensuite notre client franchisé choisit. C’est lui qui nous rémunère, uniquement si le financement est accordé. Ce taux voisin de 80 % de réponses positives aux dossiers que nous présentons reste constant.
« Si la banque voit qu’il y a du financement participatif, elle va partager le risque plus facilement. »
Qu’est-ce qui va faire qu’un dossier va être accepté ou refusé en 2021 ? Qu’est-ce qui va être plus déterminant encore que d’habitude ?
L’apport personnel bien sûr et le fait de présenter un plan de financement structuré : si la banque voit qu’il y a du financement participatif, elle va « partager le risque » plus facilement. Ce qui compte aussi c’est la visibilité de l’enseigne, si elle a mis en place des aides et du soutien face aux effets de la crise sanitaire par exemple. Enfin, il ne faut pas oublier par exemple dans les dossiers de restauration-hôtellerie de minorer les prévisionnels de 30 % par rapport à l’habitude. (Pour les autres secteurs, ce n’est pas nécessaire).
Les banques vont-elles regarder de plus près le bail commercial et l’impact du loyer sur le CA ?
Non. Le loyer à payer alors qu’on ne rentre pas de chiffre d’affaires, c’est le problème d’aujourd’hui. Mais l’activité va repartir. Ce ne sera plus le cas demain. Les banques ne regardent pas ce point-là.
« Il faut une vraie étude de marché réalisée par une société spécialisée et un prévisionnel validé par un expert-comptable spécialisé en franchise. »
Que valent les études de marché réalisées aujourd’hui dans des conditions de grande incertitude sur l’avenir ? Comment faire pour que leurs conclusions soient convaincantes ?
L’étude de marché réalisée par le franchisé dans son coin ne nous semble pas suffisante. Avant on pouvait encore s’appuyer sur elle, maintenant il faut une vraie étude réalisée par des professionnels. Il y a trop d’incertitudes. Nous le conseillons à nos clients : rapprochez-vous des sociétés spécialisées comme Territoires et Marketing et d’autres (nous ne sommes liés à personne en particulier).
Même chose pour les prévisionnels ?
Bien entendu. C’était déjà vrai avant, ça l’est encore plus aujourd’hui. Le prévisionnel doit être validé absolument par un expert-comptable. Et si cet expert est recommandé par le franchiseur, ce n’est pas un problème, au contraire, puisqu’il connaît les ratios de l’enseigne et la situation des franchisés. En ce qui nous concerne, c’est positif, on passe moins de temps à discuter du prévisionnel.
Que discutez-vous sur les prévisionnels ?
Par exemple si l’on veut négocier un différé d’amortissement de 3 ou 6 mois, cela va avoir un impact sur le plan de trésorerie. On voit cela avec l’expert-comptable.
Nous voyons également trop de prévisionnels clôturés au 31 décembre de l’année d’ouverture du franchisé. Or, la loi autorise 24 mois (à condition qu’il n’y ait pas deux 1er janvier). Donc nous recommandons que le premier bilan soit arrêté au 31.12 n + 1 (2021 au lieu de 2020). Si le franchisé a ouvert en septembre, son premier bilan portera ainsi sur 16 mois et pas sur 4 et cela peut tout changer, car s’il a besoin de réinvestir et que son premier bilan est négatif, la banque ne pourra plus rien faire. Voilà par exemple une de nos interventions. Mais nous recommandons aux franchiseurs de se faire référencer auprès d’un réseau d’expertise-comptable spécialisé en franchise (In Extenso, KPMG ou Fiducial).
« Pour réussir son dossier, mieux vaut se faire accompagner par un courtier en financement spécialisé en franchise et non rémunéré par les banques. »
Qu’est-ce qui doit être particulièrement soigné encore aujourd’hui dans le dossier de financement d’un candidat franchisé ? La présentation du projet personnel ?
La présentation du dossier en général. Celle du franchiseur (avec un focus sur ce que l’enseigne fait face au Covid), celle du projet et bien sûr du porteur de projet. Nous ne pouvons pas dire dans quelle proportion, mais nous sommes certains d’une chose : cela pèse vraiment dans la décision de la banque.
Est-ce que le fait d’être au chômage et de toucher les Assedic peut constituer un plus ?
Oui. Évidemment, si le modèle économique permet au dirigeant de se rémunérer d’emblée, pas de souci. Mais ce n’est pas toujours le cas. Et le fait de percevoir des indemnités pendant 18 à 20 mois permet de ne pas peser sur la rentabilité. D’ici là, la structure aura généré du chiffre d’affaires et sera devenue rentable. Un prévisionnel sans rémunération du dirigeant au début, cela peut constituer un gros plus dans un dossier.
Pour résumer, quel principal conseil donnez-vous à un candidat franchisé qui veut se lancer en 2021 pour lui permettre d’obtenir son financement ?
Aujourd’hui, si l’on se franchise, c’est parce qu’on n’a pas envie de partir tout seul. C’est pour cela que l’on s’adosse à un franchiseur. Alors au futur franchisé d’aller au bout de cette démarche. Et de s’adresser à une structure spécialisée pour trouver son emplacement, à un spécialiste du marketing pour son étude de marché, à un expert-comptable pour son prévisionnel et à un courtier en financement non rémunéré par les banques pour trouver les moyens financiers nécessaires. Demain, pour réussir, il faudra se faire accompagner encore plus qu’avant. Il faudra s’entourer d’experts. S’entourer, s’entourer, s’entourer !