Un franchiseur estimait que l’un de ses franchisés avait abusivement refusé de renouveler son contrat et n’avait pas respecté le droit de préemption de l’enseigne. La cour d’appel de Paris le déboute de ses demandes de dommages et intérêts.
La cour d’appel de Paris a tranché, le 13 janvier 2021, un litige entre un franchiseur et un de ses franchisés ayant quitté le réseau.
Le premier reprochait au second d’avoir « abusé de son droit de ne pas renouveler son contrat » et d’avoir vendu son fonds de commerce à un tiers sans respecter le droit de préemption de l’enseigne. Il réclamait en justice plus de 230 000 € de dommages et intérêts pour le premier grief et plus de 1 million d’euros pour le second.
Dans cette affaire, le contrat est signé en 2010 pour 7 ans, sans tacite reconduction. Le texte précise que, parvenus au terme de leur relation, les parties seront libres de négocier un nouveau contrat en faisant connaître leur intention au moins 6 mois avant l’échéance (ici la date du 30 juin 2017).
Des discussions ont lieu dans les délais. Mais les co-contractants ne parviennent pas à s’entendre. Le franchisé reproche à son partenaire de se comporter comme s’il était face à une nouvelle candidature et non à un renouvellement. Et le 20 juin, il l’informe de sa décision de ne pas signer de nouveau contrat, puis cède son fonds de commerce hors du réseau le 18 juillet.
Le franchisé avait le droit de ne pas renouveler son contrat, estiment les juges
Pour le franchiseur, qui l’assigne en justice, il y a eu lors de la négociation entamée pour le renouvellement du contrat et rompue selon lui brutalement, une manœuvre du franchisé qui doit être sanctionnée.
Au contraire, pour la cour, au vu des courriers échangés entre septembre 2016 et juin 2017, le franchisé n’a pas été incorrect.
Les magistrats notent ainsi sa « constance » à préciser que la signature d’un nouveau contrat n’était pour lui qu’éventuelle et dépendait des propositions du franchiseur. Lesquelles ne lui donnaient pas satisfaction, notamment sur la durée, le taux de redevance et les conditions de sortie en cas de vente du fonds de commerce, même s’il avait obtenu des améliorations sur d’autres sujets.
Pour les juges qui ont examiné en détail le contenu des échanges, « il ne peut en être déduit », de la part du franchisé, « une intention de nuire ou un comportement déloyal (…) en particulier une stratégie (qui aurait consisté à) faire traîner les négociations sans aucune intention de signer un nouveau contrat. » Pas d’abus donc et pas de sanction.
Selon la cour, il n’y a pas eu non plus de fraude au droit de préemption du franchiseur
Mais le franchiseur a un autre argument : si le franchisé a vendu aussi rapidement son affaire après la fin de son contrat, c’est que des négociations avaient forcément été entamées avant, sans respect donc pour le droit de préemption du franchiseur. (C’est-à-dire le droit, tant que les relations contractuelles existent, de se substituer à l’acquéreur à des conditions d’achat identiques).
La preuve ? Le franchisé avait déjà réglé la question du droit de préemption des salariés (qui doit l’être deux mois avant la cession), il avait donné congé à son bailleur le 9 juin et l’extrait Kbis en annexe 1 de l’acte de cession était daté du 1er juin (entre autres) pour une fin de contrat au 30 juin.
Pour la cour, ces éléments qui « peuvent révéler (en effet…) une négociation en cours quelques jours avant la fin du contrat de franchise (…) ne sont cependant pas suffisants pour établir des manœuvres frauduleuses de la part (du franchisé dans le but de) tromper son franchiseur et contourner le droit de préemption de celui-ci. »
Pour les juges, le franchisé n’a pas caché, lors de la négociation, son intention d’arrêter son activité et de vendre son fonds à moyen terme. Par ailleurs, la négociation de la cession a pu se dérouler dans un temps très court car (notamment) il n’y a pas eu de compromis de vente, l’acquéreur est un groupe important doté de capacités de financement propres, le fonds a été cédé à un prix inférieur à sa valorisation, les salariés informés le 11 juillet ont renoncé à leur droit au rachat dès le 12 et le bail annulé le 9 juin a été renouvelé par l’acquéreur.
Pour la cour d’appel, une « fraude au droit de préemption du franchiseur (…) n’est (donc) pas démontrée ».
Les magistrats confirment le jugement du tribunal de commerce de Paris de 2018 qui avait débouté le franchiseur de ses demandes de dommages et intérêts.