Un franchisé demandait la résiliation de son contrat. Il estimait que son consentement avait été vicié parce qu’il n’avait pas disposé des éléments nécessaires pour évaluer sérieusement le potentiel de son projet. La cour d’appel de Rennes le déboute en rappelant que la loi fixe des limites à la transparence imposée aux franchiseurs en matière d’information précontractuelle.
Un arrêt de la cour d’appel de Rennes en date du 2 février 2021 vient une nouvelle fois de le démontrer. Il est difficile d’obtenir la nullité ou la résiliation d’un contrat pour vice du consentement du franchisé.
Dans ce litige, la convention est signée en septembre 2011 et l’établissement franchisé ouvert un an plus tard. Il s’agit d’un des premiers contrats de la chaîne, qui a opté pour un développement dans cette formule depuis moins d’un an (2010).
Après deux années d’exploitation, le franchisé sollicite la résiliation anticipée de son contrat. A l’évidence, les affaires ne marchent pas comme prévu. En mars 2015, sa société est placée en redressement judiciaire. En mai, c’est la liquidation.
Dans son rôle, le liquidateur assigne le franchiseur en justice, en demandant la résiliation du contrat pour dol, le remboursement du droit d’entrée et des redevances pour plus de 68 000 € et des dommages et intérêts à hauteur de 476 000 €.
Le franchisé contestait la qualité des comptes transmis par le franchiseur avec le DIP
Devant la cour, le plaignant accuse le franchiseur d’avoir trompé son partenaire en ne lui ayant pas transmis, avec le DIP (Document d’information précontractuelle), les comptes réels de ses sociétés, « mais de simples tableaux dont la véracité ne pouvait pas être vérifiée, les comptes n’étant pas déposés et le franchiseur ayant refusé de transmettre les liasses fiscales ».
Plus précisément encore, le liquidateur reproche à la tête de réseau d’avoir transmis des chiffres d’affaires récents d’unités en propre déjà matures alors que seuls les comptes de la première année d’ouverture de ces points de vente auraient permis au franchisé de mesurer exactement le potentiel de son affaire lors de son lancement.
Par ailleurs, le DIP mentionnait comme atteignable par le franchisé un CA annuel d’environ 750 000 €, ce qui n’a pas été le cas dans la réalité.
Autres reproches adressés au franchiseur : il n’aurait pas respecté ses engagements en matière d’assistance au démarrage, qu’il s’agisse du choix du local, des travaux « réalisés en dépit du bon sens avec absence de ventilation » pour un coût « dépassant les prévisions » ou encore des visites régulières promises – « mais pas effectuées » – dans les deux ans qui ont suivi l’ouverture.
Au vu des pièces dont ils disposent, les juges estiment que le franchiseur a été transparent
Que s’est-il passé ? Le franchiseur débutant a-t-il oralement embelli la mariée pour recruter plus facilement l’un de ses premiers partenaires ? L’a-t-il laissé ensuite un peu tout seul face aux difficultés ? Le franchisé a-t-il omis de s’adresser à un expert spécialiste de l’activité et/ou de la franchise pour réaliser ses propres prévisions ? Les deux partenaires ne se sont-ils pas entendus pendant le contrat ? Les juges, en tout cas, se prononcent à partir des pièces dont ils disposent. Et, en l’occurrence, rejettent les accusations du liquidateur.
Pour les magistrats de Rennes, il n’y a pas eu de dol, pas de tromperie. Le franchiseur a transmis, pour chacun de ses huit points de vente en propre, dépendant chacun d’une société différente, le bilan et le compte de résultat des deux dernières années, documents « portant le cartouche d’une société d’expertise comptable dont les coordonnées étaient précisées. ».
De même, la date de création et les conditions d’exploitation de chaque établissement ont été indiquées (avec détail des activités). Ce qui – on peut le souligner – va au-delà de ce que demande la loi, qui se borne à la transmission des comptes de la société franchiseur (souvent une holding) et pas des points de vente en propre ou du pilote (ce que l’on peut regretter, mais c’est ainsi).
Bien sûr, on peut comprendre aussi le souhait du liquidateur concernant les comptes correspondant à l’année d’ouverture des points de vente en propre. Mais là non plus, comme le font remarquer les magistrats, ce n’est pas ce que prévoit la loi qui se limite aux deux derniers exercices.
Selon la cour, le franchisé disposait de tous les éléments nécessaires
Quant au CA potentiel de 750 000 € pour le franchisé indiqué par le DIP, il était en effet apparemment optimiste, mais, relèvent les juges, les comptes annexés au DIP indiquaient des niveaux « très inférieurs pour deux des huit sociétés, ». Pour eux, il n’y a « donc pas eu dissimulation ».
En outre, les banquiers ont refusé de financer le projet sur la base de 750 000 € et ont contraint le franchisé à descendre ses prévisions à 650 000. Cette information, versée aux débats par le franchiseur, « démontre, selon la cour, que l’attention du franchisé a été attirée sur les résultats pouvant être attendus de son activité ». A ce propos, les magistrats font observer qu’il ne leur a pas communiqué le dossier prévisionnel de sa société.
La cour d’appel conclut sur ce chapitre en rappelant que « le DIP n’exonère pas le candidat franchisé d’établir son propre dossier prévisionnel ». Selon les juges, « compte tenu des éléments portés à sa connaissance », « le professionnel chargé d’assister (le franchisé) dans la réalisation de ses comptes (prévisionnels…) disposait de tous les éléments nécessaires pour apprécier dans quels délais les CA et les marges des établissements exploités en propre pouvaient raisonnablement être reproduits par le candidat à la franchise. »
Le représentant du franchisé s’est-il trompé de stratégie en matière de procédure judiciaire ?
Quant à la question de l’assistance au démarrage, qui, selon le liquidateur, était déterminante dans l’engagement du franchisé, la cour estime « manquer de pièces » pour pouvoir suivre l’accusation dans ses conclusions. Pas de facture ni de description pour les travaux, pas de traces de réclamation concernant leur réalisation, aucune page du « manuel opérationnel » versée aux débats et pas non plus de reproches formulés par écrit sur le manque d’assistance pendant les deux premières années après la signature du contrat (dont une année de préparation et une d’exploitation).
Enfin, « s’il est certain que le franchiseur ne justifie pas avoir réalisé le nombre annuel de visites mentionné dans son DIP, cette difficulté témoignerait éventuellement d’une mauvaise exécution du contrat mais serait sans rapport avec un défaut d’information préalable au consentement donné par le franchisé (…) » Car « aucune pièce ne témoigne, de la part du franchiseur, d’une volonté délibérée et antérieure au contrat de ne pas exécuter son obligation d’assistance au détriment de son franchisé. »
La cour d’appel confirme donc le jugement de première instance qui avait débouté le liquidateur de ses demandes. La résiliation du contrat, les remboursements et les dommages et intérêts lui sont refusés.
Peut-être le liquidateur aurait-il pu obtenir quelque somme d’argent en dommages et intérêts s’il avait plaidé la mauvaise exécution du contrat et pu prouver un manque d’assistance du franchiseur. En tout cas, il a, après beaucoup d’autres, échoué dans la voie décidément très étroite du vice du consentement, toujours aussi difficile à démontrer.