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      Peut-on faire confiance aux études de marché délivrées par un prestataire du franchiseur ? - Brève du 20 août 2021

      Brève
      20 août 2021

      Un franchisé signe son contrat sur la base d’une étude de marché réalisée par une société spécialisée  recommandée par le franchiseur. Placé en liquidation car il n’a pas atteint les niveaux de CA prévus, il estime que sa confiance a été abusée. Il est débouté en appel de ses demandes de nullité du contrat et d’indemnités à l’encontre de ses deux ex-partenaires.

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLa cour d’appel de Pau vient, le 22 juillet 2021, de trancher en défaveur d’un ex-franchisé un litige l’opposant à son franchiseur et à une société spécialisée dans les études de marché.

      Dans cette affaire, le contrat est signé en juin 2014 et l’établissement franchisé ouvert quelques mois plus tard. Peu avant, en avril 2014, une société spécialisée, prestataire de nombreux réseaux dans le secteur d’activité concerné  et recommandée par le franchiseur, a délivré au candidat franchisé un avis sur site – soit, selon ses propres termes, une « pré-étude de marché » – indiquant, pour son point de vente, un CA potentiel compris entre 1,6 et 1,9 million d’euros par an.

      Dès le premier exercice toutefois, l’écart entre cette prévision et le réel dépasse les 30 %. Et, selon le franchisé, la situation ne fait que se dégrader par la suite pour afficher de lourdes pertes d’exploitation. Placée en procédure de sauvegarde en avril 2016, la société franchisée se retrouve en liquidation judiciaire en décembre de la même année et son contrat résilié en même temps par le tribunal de commerce.

      Pour le franchisé, cet échec est dû à la société d’études de marché qui lui a délivré des prévisions « impossibles à atteindre » et au franchiseur qui lui a conseillé de s’adresser à elle. Pour lui, son consentement  a été vicié. Le contrat de franchise doit donc être annulé et d’importantes sommes d’argent doivent être versées à sa société, notamment en remboursement des 200 000 € de dépenses spécifiques liées au concept et afin de lui permettre de s’acquitter des montants qui lui restent à rembourser à la banque auprès de laquelle plus de 800 000 € ont été empruntés.

      « Ne pas confondre un simple avis sur site avec une véritable étude de marché et son budget prévisionnel détaillé », expliquent les juges

      Saisie, la cour d’appel déboute le franchisé sur toute la ligne. Les magistrats constatent d’abord que le plaignant « ne démontre pas de lien juridique » entre la société d’études de marché et la société du franchiseur. « Le seul fait que plusieurs franchisés (du même réseau) aient eu recours à l’analyse (de la même société d’études de marché) pour établir un avis sur site ne signifie pas qu’il y ait un quelconque lien de droit ou de fait entre les deux sociétés et encore moins une collusion pour tromper ou induire en erreur le futur franchisé », précise l’arrêt.

      Par ailleurs, le franchisé est « un homme d’affaires avisé qui a d’ailleurs souscrit un autre contrat avec le même franchiseur dans une autre région ». « Il connaît donc parfaitement le monde des affaires pour ne pas confondre une étude de marché avec des comptes prévisionnels détaillés et un simple avis sur site* pour déterminer si la localisation d’un commerce est favorable à l’exploitation du commerce envisagé. »

      Après avoir noté que le DIP (Document d’information précontractuel) délivré par le franchiseur « ne faisait pas l’objet de critiques », la cour d’appel relève la stipulation précise contenue dans le contrat selon laquelle le franchisé était « informé de la nécessité pour lui de réaliser une véritable étude du marché local sans se contenter du simple état local de ce marché transmis par le franchiseur, de rédiger avec beaucoup d’attention et de conseils un budget prévisionnel ». De même, il était « invité à soumettre à titre confidentiel ses réflexions et l’information précontractuelle à des conseils juridiques et comptables (spécialisés en franchise)»

      Pour la cour d’appel, dans ce litige, les chiffres prévisionnels de « l’avis sur site » n’étaient pas entachés d’erreur

      Devenir-Franchise-Etude-Marche-PrevisionnelsOr, selon la cour, le franchisé « s’est borné à souscrire le contrat de franchise sur le seul  avis sur site  de la société (spécialisée), commandé par sa propre société franchisée et non sur un budget prévisionnel établi par un expert-comptable maîtrisant le système de franchise. »

      « Dès lors, déduit la cour d’appel de Pau, aucun élément n’établit que les chiffres prévisionnels mentionnés dans l’avis sur site  étaient entachés d’une erreur grossière qui entraînerait la nullité du contrat de franchise pour vice du consentement en application de l’article 1110 du code civil. »

      Et ce n’est pas tout. Les magistrats de Pau ajoutent que ce document délivré par la société d’études de marché en avril 2014 – et contesté par le franchisé depuis – précisait clairement ne pas engager la responsabilité de la société du franchiseur. Il indiquait par ailleurs que ses hypothèses portaient « sur le CA prévisionnel réalisable au terme de la deuxième année pleine d’exploitation ».  « Or, indique l’arrêt,  dès juin 2016, le contrat de franchise était résilié, ce qui ne permet pas de déterminer si le prévisionnel annoncé pour la fin de la deuxième année d’exploitation était atteignable ou non »…

      Résultat : la cour d’appel confirme le jugement de première instance. Le contrat de franchise n’est pas annulé et aucune indemnité n’est accordée à la société franchisée et au franchisé lui-même.

      Références de la décision :

      Cour d’appel de Pau, 22 juillet 2021, n° 18/03703

      *Selon la société spécialisée, cet « avis sur site », présenté comme une « pré-étude de marché » est destiné à « mettre en évidence le potentiel d’une implantation afin de permettre une prise de décision rapide ». Il est réalisé « sous deux semaines » et comprend « la présentation de l’emplacement et la définition géomarketing des zones de chalandise, une quantification des potentiels d’actifs et de résidents (structure des âges, niveau de revenus, catégories socio-professionnelles…), une présentation de l’environnement concurrentiel (principales enseignes), un bilan des forces et faiblesses de votre site et la détermination d’une fourchette de votre chiffre d’affaires prévisionnel, analyse renforcée par un déplacement sur le site convoité. »

      La même société propose aussi une « étude de site » réalisée en trois semaines qui comprend en plus des postes précédents notamment une « étude des autres sources de clientèle, une mesure de l’intensité concurrentielle directe et indirecte ainsi qu’une analyse d’une éventuelle redondance consistant à déterminer l’impact de votre nouveau point de vente sur votre réseau actuel ».