Afin d’examiner l’importance des relations sociales et de la communication au sein d’un réseau de franchise sociale, l’auteur a interviewé 67 personnes (co-fondateurs, personnel du siège, franchisés…) : voici les principaux résultats de sa recherche.
Par Rozenn Perrigot, Professeur à l’Université de Rennes 1 (IGR-IAE Rennes et CREM-CNRS), Professeur Affilié à Rennes School of Business
Dans un article académique récemment publié dans International Journal of Retail & Distribution Management, j’ai examiné l’importance des relations sociales et de la communication au sein du réseau Jibu, en menant une série d’entretiens approfondis avec 67 personnes (co-fondateurs, personnel du siège, franchisés, revendeurs et clients en Ouganda et au Rwanda).
Jibu est un réseau rassemblant 122 franchisés qui disposent d’équipements permettant la purification de l’eau et sa mise en bouteille, et plus de 2100 revendeurs qui commercialisent ces bouteilles d’eau aux clients de leurs territoires dans l’objectif de leur apporter commodité et proximité. Jibu a vendu plus de 174 millions de litres d’eau potable ces dernières années au Burundi, en République Démocratique du Congo, au Kenya, au Rwanda, en Tanzanie, en Ouganda et au Zimbabwe. Jibu contribue ainsi à l’atteinte de l’objectif de développement durable n°6 de l’Organisation des Nations Unies, à savoir « eau propre et assainissement ».
La franchise sociale est l’application de la franchise au secteur social, afin d’atteindre des objectifs sociaux en complément d’objectifs commerciaux. Autrement dit, la franchise sociale consiste à offrir des produits et/ou services de base, de qualité et à des prix abordables, à des clients qui n’auraient normalement pas accès à ces produits/services. Elle couvre les secteurs de la santé, l’éducation, l’eau et l’assainissement, l’énergie, la productivité agricole, etc. La première dimension sociale de la franchise sociale est donc liée aux clients.
Jibu, et son organisation « pyramidale », permet aussi aux franchisés et aux revendeurs de créer leurs propres emplois et d’avoir des revenus pour soutenir leurs familles. La deuxième dimension sociale de la franchise sociale est donc liée aux franchisés et revendeurs.
Cette recherche a permis de mettre en exergue une autre spécificité de la franchise sociale : l’importance des relations sociales et de la communication interne au sein de ces réseaux. Celles-ci doivent être encouragées, notamment en top down (de haut en bas, animateurs vers franchisés), en bottom up (de bas en haut, ex. revendeurs vers franchisés) et horizontalement (ex. entre franchisés). Cela donne aux franchisés et revendeurs, ainsi qu’aux clients, le sentiment de « faire partie d’une grande famille ».
Cette recherche contribue à faire connaître ce phénomène de franchise sociale dans les pays en développement, et en Afrique en particulier. Cette étude peut servir de guide aux entrepreneurs qui veulent lancer un concept de franchise dans le secteur social et réussir à développer et gérer leur réseau, en gardant à l’esprit l’importance des relations sociales et de la communication interne. Ce travail peut aussi aider les candidats à la franchise qui souhaitent ouvrir une entreprise dans le secteur social à prendre conscience du fait qu’ils feront partie d’une « famille » et auront de nombreuses interactions avec les personnes du siège, les autres franchisés, les éventuels revendeurs et les clients. Ils doivent avoir cet esprit d’équipe pour réussir. Enfin, cette recherche peut aider les gouvernements nationaux et locaux des pays en développement à mieux comprendre le fonctionnement de la franchise sociale et ainsi faire confiance aux franchiseurs et franchisés pour les aider à répondre aux besoins fondamentaux des communautés locales, comme l’eau potable, l’énergie, l’éducation et la santé.