Depuis une décision de cassation de juin 2020, la nullité d’un contrat de franchise pour prévisionnel trompeur ne peut être prononcée que si le franchiseur l’a lui-même établi et communiqué au franchisé, comme vient de le rappeler la cour d’appel de Douai.
La cour d’appel de Douai a débouté, par un arrêt du 16 décembre 2021, un franchisé qui réclamait notamment la nullité de son contrat et des dommages et intérêts pour prévisionnel trompeur.
Dans ce litige, le contrat est signé en octobre 2010 pour cinq ans. Mais l’activité n’est pas au niveau attendu et ne permet pas la rentabilité. A partir d’octobre 2012, le franchisé ne paie plus ses redevances.
Les relations continuent à se dégrader et en septembre 2016, après avoir rompu avec l’enseigne, le franchisé assigne son ex-franchiseur en justice. Il réclame entre autres la nullité du contrat pour erreur sur la rentabilité. Et de l’ordre de 100 000 € d’indemnisation.
Le franchisé estime avoir été trompé. Il accuse son ex-partenaire de lui avoir fait croire qu’il allait pouvoir atteindre dès la première année un chiffre d’affaires lui permettant d’être rentable. Un niveau de 235 000 € a même, selon lui, été évoqué. Or, le CA réalisé n’a été que de 130 000 € la première année et 170 000 la deuxième au lieu respectivement de 220 000 et 226 000 €, niveaux retenus par le prévisionnel.
Le franchiseur se défend d’avoir assuré à son ex-franchisé qu’il pourrait obtenir de son activité un salaire annuel de 18 000 €. Il indique qu’il n’a pas réalisé le prévisionnel litigieux puisque celui-ci l’a été par un cabinet d’expertise-comptable et qu’il s’est borné pour sa part à donner des informations sur les investissements spécifiques à l’enseigne avant le démarrage de l’activité.
Mis en cause, le cabinet comptable recommandé par le franchiseur et familier du réseau ne s’estime pas non plus « responsable de l’insuffisance de chiffre d’affaires du franchisé »… Puisqu’il a travaillé notamment à partir de données transmises par le franchiseur. Ainsi, dans un courrier de 2010 produit aux débats par le franchisé, l’expert-comptable écrivait, nommant un responsable de l’enseigne, que celui-ci « venait de lui transmettre les éléments » qui allaient lui « permettre d’établir le prévisionnel » et dans un autre courrier de 2012, il indiquait que le CA prévisionnel avait été « évalué par le franchiseur comme mentionné page 3 du dossier ».
Ni le franchiseur, ni l’expert-comptable, selon la cour d’appel
La cour d’appel de Douai refuse pourtant de considérer que le franchisé a été trompé.
Les magistrats en conviennent : « L’espérance de gain étant déterminante du consentement du franchisé, une erreur de celui-ci sur la rentabilité de l’activité entreprise est substantielle et constitue un vice du consentement sanctionné par la nullité du contrat. »
Toutefois ils relèvent, en ligne avec la jurisprudence de la Cour de cassation du 24 juin 2020, que « l’erreur sur la rentabilité d’une franchise ne peut conduire à la nullité du contrat pour vice du consentement du franchisé si elle ne procède pas de données établies et communiquées par le franchiseur. » Or, dans cette affaire « le prévisionnel a été établi par le cabinet comptable mandaté par le franchisé ».
Par ailleurs, toujours selon les juges, le franchisé disposait, outre les chiffres communiqués par le franchiseur « dont la nature exacte n’est pas précisée », des résultats des autres franchisés du réseau, « constituant également des éléments comptables de comparaison pour proposer un prévisionnel ».
Conséquence : « La société du franchiseur n’étant pas l’auteur du dossier prévisionnel, celui-ci ne peut être retenu comme élément fondant une erreur sur la rentabilité de la franchise de nature à permettre de prononcer la nullité du contrat. »
« Au demeurant, ajoute la cour, les résultats comptables (de la société du franchiseur) pour l’exercice 2009, annexés à l’information précontractuelle, présentant un chiffre d’affaires HT de 251 840 euros et un résultat net de 7 843 euros, ne mettent pas en évidence que les prévisions du cabinet comptable étaient grossièrement optimistes »
« Il ne peut donc être prononcé de nullité du contrat de franchise pour erreur sur la substance. »
Pour la cour d’appel de Douai, dans ce litige, ni le franchiseur, ni le cabinet d’expertise-comptable ne sont responsables d’erreur ou de tromperie. Le seul responsable, c’est le franchisé.