La franchise et le commerce organisé apparaissent comme des solutions favorisant la reconversion professionnelle des femmes, en vue d’atteindre la parité parmi les chefs d’entreprise.
En 2020, en France, quatre créateurs d’entreprises individuelles sur dix étaient des femmes, selon une étude publiée par l’Insee en février 2021. Une proportion stable depuis 2015, après avoir connu une croissance importante, passant de 29 % en 1987 à 33 % en 2000. En franchise également, la part des femmes parmi les chefs d’entreprise franchisés tourne autour de 40 % depuis plusieurs années (38 % en 2018, 40 % en 2019). Une représentativité là aussi en progression (33 % en 2004, 35 % en 2005). La franchise est d’ailleurs considérée par beaucoup comme un bon tremplin pour la création d’entreprise au féminin. Comme peut l’être également la coopérative : « Aujourd’hui, le Groupement Les Mousquetaires compte 44 % d’adhérentes dans le métier Equipement de la Maison et 15 % de Pdg soit une soixantaine de femmes chefs d’entreprise (en solo ou en couple mais, au sein du couple, la femme est Pdg) », nous expliquait en mars 2021 Anne Lafitte-Maïques, adhérente Bricomarché à Nogent-le-Rotrou et Mortagne-au-Perche.
La parité : un objectif et un mouvement naturel
« Cette proportion augmente très rapidement depuis quelques temps, souligne Anne Lafitte-Maïques. Au début, j’étais la seule femme membre du bureau, mais nous avons atteint la parité au sein du conseil d’administration depuis janvier 2021. La parité n’est pas une obligation mais un objectif, et aussi un mouvement naturel : les femmes ont toute leur place dans l’entreprise, comme au sein du couple, et toutes les compétences pour assumer les mêmes fonctions que les hommes. Plus ça va, plus les femmes osent : c’est assez naturel. Je défends la place de la femme, et la parité à compétences égales car il faut que chacun puisse accéder à des fonctions au niveau de ses compétences. Donc naturellement, les femmes doivent être en proportions égales. »
« D’après ma propre expérience, on devient entrepreneuse parce qu’on est bien dans cet état d’esprit et pour se détacher des contraintes de la vie classique de salariée, raconte Claire Lanneau, Dirigeante fondatrice Groupe Babychou Services, franchiseur dans la garde d’enfants à domicile. Au départ, c’est pour ça que j’ai créé mon entreprise : j’ai été salariée pendant une dizaine d’années, j’ai mené une vie de femme cadre avec deux enfants. Avec aussi toute les contraintes de la vie familiale, où la femme continue de porter le plus de tâches et d’occupation mentale. »
Claire Lanneau dit avoir créé Babychou à 32 ans quand elle a compris qu’elle aurait du mal à évoluer dans une entreprise classique, pour contourner le fameux « plafond de verre » qui limite l’ascension professionnelle des femmes : « C’est plus compliqué pour une femme d’atteindre des niveaux de responsabilité dans les entreprises, explique-t-elle. La création d’entreprise est une voie qui permet à une femme de sortir du salariat et de conquérir une liberté matérielle ; la liberté aussi de mener sa vie comme elle le veut. »
Parmi les franchisés Babychou, on compte actuellement 75 % de femmes et 25 % d’hommes : « On aimerait bien en avoir plus d’hommes, mais les métiers de l’enfance sont perçus comme des métiers féminins, déplore sa fondatrice. Il faut davantage communiquer sur la parité, expliqué qu’il n’y a pas de métier spécifiquement réservé aux femmes. »
Sur le secteur l’équipement de la maison, Anne Lafitte-Maïques rencontre la problématique inverse : « Dans notre métier qui est proche du bâtiment, on rencontre encore des difficultés à recruter des femmes », reconnaît-elle. Là encore, le chemin semble encore long pour parvenir à une représentation égale des hommes et des femmes.
« La création d’entreprise est une voie qui permet à une femme de sortir du salariat et de conquérir une liberté matérielle, de mener sa vie comme elle le veut. »
Claire Lanneau, Babychou Services
Ces croyances qui limitent la création au féminin
« Depuis plusieurs années, il y a une vraie action politique sur le sujet pour amener une mixité nécessaire, souligne Laurence Vernay, avocate associée chez TGS France et Présidente de l’association Femmes Cheffes d’entreprises Pays de la Loire de 2012 à 2018. C’est aussi un sujet économique car les femmes sont plus facilement éloignées de l’emploi or, les femmes entrepreneures créent déjà un emploi : le leur, et au moins un autre. »
Cette spécialiste de l’entrepreneuriat féminin identifie un certain nombre de freins à la création d’entreprise par les femmes. D’une part des freins endogènes : « Même si ça bouge, il y a encore des stéréotypes, des croyances limitantes liées au fonctionnement social et sociétal, qui renvoie l’image de la femme parfaite, de la mère de famille, de la bonne élève… Cela ne crée pas un rapport au risque, à la confiance en soi, à la confiance en sa capacité à faire sans un collectif, à faire seule, détaille Laurence Vernay. Du coup, les femmes se posent davantage la question : est-ce que je suis légitime ? Est-ce que je suis à la hauteur pour prendre des responsabilités ? Ce rapport au risque, à l’ambition peut limiter la création d’entreprise. »
Laurence Vernay distingue également des freins de nature exogène : « Il existe notamment un facteur sociétal : même si les hommes jouent de plus en plus un rôle dans la famille, on est encore malgré tout dans un cadre où l’évolution sociale est majoritairement laissée aux hommes. L’évolution professionnelle repose encore plus souvent sur les hommes que sur les femmes : ce sont elles qui suivent et qui s’occupent des enfants, même si c’est en train de changer. »
« Peut-être que les femmes ont moins de modèles de femmes chefs d’entreprise car dans la société, l’image prédominante du sachant, économiquement parlant, c’est l’homme, complète Claire Lanneau. Sur ce plan, il y a tout un travail à faire depuis l’enfance, à la télévision… De fait, les femmes ont moins confiance en elles car elles sont sous influence : de leur famille, de leur conjoint, de leur père, qui vont leur dire de ne pas prendre de risque, afin de les protéger. »
« Même si on est en train de changer d’ère, pendant longtemps, l’entrepreneuriat était un métier d’homme. Aujourd’hui, les femmes se sentent plus concernées, se félicite Corinne Gicquel, fondatrice de Reconversion en franchise, qui accompagne les femmes vers l’entrepreneuriat. Les femmes n’ont pas confiance en elles : c’est un frein général. Elles ont peur de ne pas être à la hauteur : « Est-ce que je saurai faire ? ». C’est pourquoi neuf sur dix veulent être accompagnées, selon notre enquête sur l’entrepreneuriat féminin à l’ère de la Covid. Les femmes veulent entreprendre, mais elles ne veulent pas être isolées. »
« Les femmes se posent davantage la question : Est-ce que je suis à la hauteur pour prendre des responsabilités ? Ce qui peut limiter la création d’entreprise. »
Laurence Vernay, TGS France
Une question de moyens… ou d’ambitions ?
« Les femmes, en couple ou seules, ont un rapport à la sécurité plus fort donc, quand une femme entreprend, son business plan sera souvent beaucoup moins ambitieux que celui d’un homme », pointe Laurence Vernay. « Il existe un blocage par rapport à l’argent : les femmes n’ont pas facilement accès au capital, confirme Corinne Gicquel. Les femmes ont en général moins d’apport mais souvent, elles vont aussi chercher des aides, peaufiner leur dossier, se renseigner sur les outils qui existent. »
Si les femmes sont plus prudentes que les hommes, c’est aussi parce qu’elles n’ont pas les mêmes attentes, selon la fondatrice de Reconversion en franchise : « Elles ne visent pas un gros investissement car leur motivation, c’est avant tout de s’épanouir dans un métier qui a du sens et qui correspond à leurs valeurs. »
« La franchise est une solution clé en main qui correspond à l’état d’esprit des femmes : il y a un support, on est accompagnée, on ne part pas de zéro. »
Corinne Gicquel, Reconversionenfranchise.com
La franchise facilite l’entrepreneuriat féminin
Pour Claire Lanneau, « la franchise est une voie de succès et d’excellence pour certaines femmes. Elle facilite la création d’entreprise au féminin parce que cela casse les codes d’être plus protégée au départ. Et aussi parce que la pression de l’entourage est moins forte quand il s’agit d’entreprendre dans un cadre. »
« Les piliers de la franchise correspondent à l’état d’esprit des femmes, résume Corinne Gicquel. La franchise est une solution clé en main : il y a un support, on est accompagnée, on ne part pas de zéro. Pour les femmes qui quittent leur mari et qui doivent travailler, changer de région, de vie… ce n’est pas facile : la franchise facilite cela. » Tout comme la coopérative et les autres forme de commerce organisé.
« Pour entreprendre en tant que femme, il faut oser se faire confiance, ne pas avoir peur de se tromper, de recommencer bref, d’être persévérante, conclut Anne Lafitte-Maïques. Il faut aussi voir le côté positif, avoir un objectif précis, et prendre le temps nécessaire pour y arriver. Ce qui importe le plus, c’est la motivation : savoir pourquoi on se lève tous les jours, avoir un vrai objectif, et être habité au quotidien par cette motivation. J’aime ce que je fais, c’est une grande chance : c’est le secret pour réussir ! »