Deux récentes décisions d’appel relatives à des litiges portant sur des contrats de partenariat ont apporté à la question des réponses contradictoires. L’occasion de se reporter, pour y voir plus clair, à ce que dit exactement la loi.
La loi sur l’information précontractuelle s’applique-t-elle, oui ou non, aux contrats de partenariat ?
Plus pratiquement, une tête de réseau qui propose de signer un contrat de partenariat doit-elle transmettre à ses futurs partenaires un DIP (Document d’information précontractuelle) 20 jours au moins avant la signature du contrat définitif ou le versement de toute somme d’argent (pour réserver une zone d’implantation par exemple ? )
« Non » a répondu le 9 février 2022 la cour d’appel de Bordeaux pour qui « seule la franchise » serait concernée… « Oui » avait affirmé au contraire la cour d’appel d’Amiens dans une décision du 26 janvier précédent.
Pour être plus précis, voici ce que l’on peut lire dans l’arrêt de la cour de Bordeaux : « En conséquence, le contrat n’encourt aucune nullité du fait de l’absence de délivrance d’une information précontractuelle, qui n’est imposée par la loi que pour les contrats de franchise. »
Tandis que la cour d’Amiens a écrit : « La société (tête de réseau) qui ne conteste pas être soumise aux dispositions des articles L.330-3 et R.330-1 du code de commerce issus de la loi Doubin, applicable aussi bien aux contrats de partenariat que de franchise (…) »
La loi est claire : aucune formule de commerce en réseau n’est désignée, toutes peuvent être concernées
Que dit le texte de loi, cité pourtant in extenso par les deux cours d’appel ? « Toute personne qui met à la disposition d’une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d’elle un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l’exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l’intérêt commun des deux parties, de fournir à l’autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s’engager en connaissance de cause. »
Ce document, c’est le DIP (Document d’information précontractuelle) dont le contenu est également précisé par un texte de loi.
Il n’est donc pas question d’une formule du commerce organisé en réseau plutôt que d’une autre. En réalité, toutes peuvent relever de la loi, à partir du moment où le contrat prévoit à la fois la « mise à disposition d’une enseigne » ou équivalent et l’exigence d’un « engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l’exercice de l’activité ».
La franchise n’est donc pas la seule à être visée. Quant au partenariat, comme la concession, la commission-affiliation ou la coopérative, il peut parfaitement y être assujetti. Il n’en est en tout cas pas exclu expressément.
Les contrats de partenariat peuvent être soumis à la loi sur l’information précontractuelle, mais ce n’est pas automatique
Est-il pour autant concerné de façon systématique ? Pas davantage. D’autant plus que, au contraire des autres formules, il n’existe pas de définition juridique du partenariat.
Autant la franchise par exemple se caractérise par la mise à disposition par le franchiseur tout à la fois d’une enseigne, d’un savoir-faire et d’une assistance pendant le contrat, trois éléments qui lui sont indispensables, autant le partenariat n’a pas à répondre à des exigences bien précises. Les têtes de réseau sont libres en fait de proposer ce qu’elles veulent.
Comme les autres, les contrats de partenariat peuvent donc parfaitement échapper aux exigences de la loi sur l’information précontractuelle. Il suffit que la tête de réseau ne réclame pas d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour la distribution de ses produits ou services par exemple (la quasi-exclusivité correspond généralement à une exclusivité à 80 %). Ou qu’elle ne mette pas son enseigne à la disposition de ses partenaires.
De ce point de vue, le cas tranché par la cour d’appel d’Amiens est d’ailleurs à la limite. Dans ce litige, la tête de réseau n’imposait pas en effet à ses partenaires d’apposer au fronton de leur boutique la marque de ses produits. Mais simplement une enseigne en partie commune au réseau et en partie personnalisée du type « Aux Délices de… (prénom du commerçant) ».
Comme cela s’accompagnait d’une demande d’engagement d’approvisionnement de ses produits à hauteur de 80 % (quasi-exclusivité), la cour d’appel a approuvé la tête de réseau d’avoir transmis un DIP à son partenaire.
DIP ou pas, vous devez enquêter avant de vous engager
Vous l’avez compris, si votre future tête de réseau vous propose un contrat de partenariat, elle peut donc tout à fait vous transmettre un DIP, comme le ferait un franchiseur, un commettant (commission-affiliation), un concédant ou une enseigne développée en coopérative. Mais il n’est pas forcément anormal qu’elle ne vous en délivre pas.
Dans tous les cas, que vous puissiez ou non disposer d’un DIP pour vous informer, que votre futur partenaire soit ou non concerné par la loi sur l’information précontractuelle, vous avez intérêt à enquêter sérieusement sur la rentabilité de son concept et la bonne santé des membres de son réseau avant de vous engager avec lui.
La plupart des experts en conviennent : le DIP peut aider à la bonne compréhension d’un réseau. Il ne répond toutefois pas à toutes les questions et il faut aller au-delà dans l’investigation pour éviter de se tromper. Qu’il s’agisse de franchise ou de partenariat.