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      Rupture des magasins franchisés avec un fournisseur : la tête de réseau est-elle responsable ? - Brève du 31 août 2022

      Brève
      31 août 2022

      Que se passe-t-il lorsque, soudain, un fournisseur se voit évincé par les magasins d’un réseau qu’il approvisionne ? Le fait que ces établissements appartiennent à des sociétés juridiquement différentes de la tête de réseau est-il un élément suffisant pour exonérer celle-ci de toute responsabilité ? Pas forcément, répond la Cour de cassation.

      Cour de cassation juridique franchiseLa Cour de cassation s’est prononcée le 22 juin 2022 dans un litige opposant une tête de réseau à l’un des fournisseurs des magasins de l’enseigne.

      Le litige commence lorsque les 43 points de vente jusque-là approvisionnés par ce fournisseur, cessent soudain leurs commandes. S’estimant évincé sur décision de la tête de réseau, le fournisseur s’adresse à la justice pour obtenir une compensation du préjudice subi.

      Le 13 janvier 2021, la cour d’appel de Paris le déboute de ses demandes. Selon elle, les 43 magasins appartenant à 36 sociétés différentes, « pourvues de personnalités juridiques autonomes et distinctes de (la tête de réseau) », dont des franchisés et des concessionnaires indépendants, il n’y a pas de raison de rendre celle-ci responsable de quelque rupture brutale que ce soit. D’autant que toutes les factures émises par le fournisseur l’ont été à l’intention des 36 sociétés livrées et non à celle de la tête de réseau.

      C’est cet arrêt que la Cour de cassation annule. Pour la plus haute juridiction française, « la circonstance que les établissements en cause aient eu une personnalité juridique distincte de celle de la société (tête de réseau) n’excluait pas que celle-ci doive répondre d’une rupture des relations commerciales qu’elle leur aurait, de fait, imposée ».

      La Cour précise : « Il appartenait (à la cour d’appel) de rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si ces sociétés disposaient, quel que soit leur statut, d’une autonomie de décision quant au choix de leurs fournisseurs et, le cas échéant, la poursuite de leur relation commerciale avec ceux-ci. »

      De quelle autonomie de décision disposaient les magasins ? demande la Cour

      Comme le fait remarquer Clémence Mouly-Guillemaud, professeur de droit à l’université de Montpellier, dans le numéro de juillet-août de la Lettre de la Distribution, les conséquences ne sont pas égales, pour le fournisseur évincé, selon que la responsabilité de la tête de réseau est établie ou non.

      « L’analyse isolée de chaque relation risque de révéler que certaines sont trop précoces ou trop discontinues pour être jugées établies et celles-ci n’appelleront pas de préavis », explique l’universitaire. « Surtout, la part de chacune d’elles dans le chiffre d’affaires du fournisseur évincé sera faible et n’occasionnera pas un long préavis. Rien de tel si ces 36 (ou 43) relations sont analysées en un unique courant d’affaires car celui-ci bénéficiera de l’ancienneté de la relation la plus ancienne et sera suffisamment stable pour que tous les flux d’affaires, même précoces ou discontinus, soient pris en compte. (Enfin), le cumul des montants de l’ensemble des relations devrait identifier une part importante du chiffre d’affaires du partenaire évincé. »

      L’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Paris autrement composée. Les chances de succès final du plaignant semblent toutefois bien minces.

      Comment prouver en effet de l’extérieur l’absence d’autonomie réelle de décision des 36 sociétés concernées ? Le plaignant a avancé comme principal argument la « concomitance » des achats effectués comme de la rupture des relations par l’ensemble des magasins à l’enseigne.

      « Il est à craindre que la seule concomitance des ruptures soit insuffisante à établir l’absence d’autonomie des membres du réseau dans la décision de rompre sans prévenance suffisante leurs relations », estime la spécialiste du droit de la distribution.

      La tête de réseau – qui n’a pas directement signé de contrat avec la société du fournisseur – sera-t-elle finalement sanctionnée ? Rien n’est moins sûr.

      >Référence de la décision :

      -Cour de cassation, chambre commerciale financière et économique, 22 juin 2022, numéro de pourvoi : 21-14.230