Un franchisé mécontent de l’assistance de son franchiseur décide de ne pas renouveler son contrat une fois celui-ci parvenu à son terme et assigne son partenaire en justice. Il n’obtient pas toutes les compensations souhaitées.
La cour d’appel de Rennes a tranché par un arrêt du 4 octobre 2022 un litige survenu entre un franchiseur et un de ses franchisés à l’occasion du non-renouvellement d’un contrat.
Dans cette affaire, le contrat de franchise est signé en décembre 2012 pour 5 ans. Il est reconductible par tacite reconduction sauf dénonciation (par l’une ou l’autre des parties) avec un préavis de six mois.
Vers la fin du contrat, plusieurs problèmes se posent au franchisé. Des éléments indispensables au bon fonctionnement des installations qu’il vend aux consommateurs – et qu’il doit impérativement se procurer via son franchiseur – s’avèrent défaillants. Il doit également faire face au mécontentement de plusieurs clients qui constatent des malfaçons sur les produits livrés.
Mais malgré ses demandes, le franchiseur n’intervient pas. Le franchisé se plaint aussi du logiciel commercial fourni par l’enseigne, de ses retards de livraison (alors qu’il doit payer ces mêmes livraisons à l’avance) et d’une manière générale, d’un défaut d’assistance technique, assistance pourtant indispensable à la bonne marche du concept.
Ne trouvant pas d’issue rapide, le franchisé assigne son franchiseur en justice
Après avoir tenté – sans succès – de vendre son entreprise au franchiseur, le franchisé l’avertit début juin 2017 qu’il ne renouvellera pas son contrat une fois celui-ci parvenu à son terme six mois plus tard.
Mais devant les « incidents de livraison et de qualité » qui se poursuivent, il lui demande de mettre fin au contrat sans attendre et de lever la clause de non-affiliation post-contractuelle qui lui interdit de poursuivre la même activité avec un autre réseau pendant un an dans sa zone d’intervention.
L’activité concernée connaissant un pic pendant l’été, le franchisé est pressé. Pas le franchiseur qui répond le 20 juillet en proposant une réunion en septembre. Tout s’emballe alors. Le franchisé suspend le paiement de ses redevances et le 2 octobre, assigne son partenaire en justice.
Il réclame la résiliation de son contrat aux torts exclusifs du franchiseur, l’annulation de la clause de non-affiliation post-contractuelle incluse dans le contrat et des dommages et intérêts.
La cour d’appel refuse la résiliation aux torts exclusifs du franchiseur
Saisie, la cour d’appel de Rennes refuse de prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchiseur.
Pour la cour, dans la mesure où le franchisé n’a pas résilié son contrat pour inexécution, mais qu’il a simplement décidé de ne pas le renouveler (ce qui était son droit), il doit être débouté de cette demande.
« Il en résulte deux conséquences », indique l’arrêt : « les redevances mensuelles d’assistance prévues par le contrat de franchise sont dues (et) les éventuelles inexécutions par le franchiseur de ses obligations contractuelles ne peuvent donner lieu qu’à l’octroi de dommages et intérêts ».
Les juges reconnaissent que le franchiseur a été défaillant en termes d’assistance…
Ces « inexécutions », la cour les reconnaît. Elle estime ainsi que, face aux dysfonctionnements en série de certains appareils, le franchiseur a commis des fautes. Pour les juges, il n’aurait pas dû se contenter de demander à ses franchisés d’attendre que son fournisseur résolve le problème, « sachant qu’il avait lui-même choisi ce fournisseur et que ses franchisés ne pouvaient s’affranchir de ce choix. » Il « aurait dû envisager des solutions de repli » afin de satisfaire les clients finaux. La cour ajoute que « compte tenu de la saisonnalité des produits », l’action nécessaire était urgente. « Force est de constater que le franchiseur a été défaillant », estiment les magistrats.
Concernant les malfaçons sur les produits installés – constatées par plusieurs clients – la cour relève que, « durant plusieurs mois », le franchisé a demandé en vain à son partenaire « de se déplacer pour formuler un diagnostic, indiquant être dans l’impossibilité de comprendre ce qui se passait ». La seule réponse du franchiseur a été de mettre en cause le fournisseur et d’estimer que, de toute façon, celui-ci ne ferait rien. Cette absence de déplacement (du franchiseur) jointe à son renvoi du franchisé vers le fournisseur apparaît clairement aux yeux de la cour d’appel comme une « inexécution caractérisée du devoir d’assistance » de la part du franchiseur.
…Mais limitent la gravité du préjudice et l’importance des dommages et intérêts
Si la cour écarte les accusations du franchisé en matière de retards de livraison et de mauvais fonctionnement du logiciel commercial – qui ne lui semblent pas démontrées -, elle considère que le franchisé a bien subi un préjudice « tout à la fois matériel, d’organisation et d’image ». Toutefois, « en l’absence de certitude » sur l’origine des malfaçons et « en l’absence des comptes annuels 2017 et 2018, qui auraient pu permettre éventuellement de déterminer les conséquences des manquements allégués (perte de marge, baisse du chiffre d’affaires) », la cour limite à 25 000 € les dommages et intérêts accordés au franchisé, là où il en réclamait plus de 140 000.
La clause de non-affiliation post-contractuelle est annulée
Quant à la clause de non-affiliation post-contractuelle, la cour d’appel l’annule. Aux yeux des magistrats, qui se réfèrent à l’article L 341 du code de commerce, si elle est bien limitée dans le temps (à un an) et dans l’espace (aux trois départements objet du contrat), elle n’est pas « indispensable à la protection d’un savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat de franchise ». En effet, le franchiseur a insisté sur le fait que son savoir-faire spécifique était « protégé par 7 brevets ». Ce qui interdit « l’appropriation de ses recherches par un tiers ». Inutile de le protéger davantage.
Un arrêt pas complètement satisfaisant pour le franchisé
A l’issue de cet arrêt, le franchisé est donc autorisé à poursuivre son activité. Il doit toutefois s’acquitter de plus de 58 000 € de factures impayées (matériels et redevances). Quant aux 25 000 € de dommages et intérêts qui lui sont alloués par la justice, ils sont inscrits au passif de la société franchiseur, placée en liquidation judiciaire depuis 2019.
Dernier point : comme il avait, quelques semaines avant la fin de son contrat non-renouvelé, adressé à de potentiels clients un devis au nom d’une enseigne concurrente, le franchisé est condamné pour non-respect de sa clause de non-concurrence pendant le contrat. Pour le principe, car au lieu d’une sanction pénale prévue au contrat de 100 000 € pour ce genre de faute, il n’est condamné, compte tenu des circonstances, qu’à 3 000 €. En première instance, le tribunal de commerce de Nantes s’était, lui, limité à 100 €. Une somme que les magistrats de Rennes ont trouvée trop modeste pour avoir un sens.
Le franchisé aurait-il obtenu au final de meilleures compensations s’il avait résilié son contrat pour inexécution au lieu d’opter pour son non-renouvellement ? Au vu du raisonnement des magistrats quant à l’estimation de son préjudice, il est permis d’en douter.