Suivant une description précise de son franchiseur, un franchisé retient un emplacement bien situé au cœur d’une capitale régionale. En liquidation judiciaire trois ans plus tard, il estime que la responsabilité de son partenaire est engagée et réclame d’importantes indemnités. Il est débouté.
Le tribunal de commerce de Paris s’est prononcé, le 12 octobre 2022, dans un litige opposant un franchiseur à un de ses ex-franchisés à propos d’un emplacement n’ayant pas donné satisfaction.
Dans cette affaire, le contrat de franchise est signé en février 2016 pour l’exploitation d’un point de vente dans une des principales artères d’une capitale régionale à proximité d’une grande place.
La demande de l’enseigne en termes d’implantation est très précise et définit les limites de la rue dans laquelle l’ouverture doit avoir lieu. Trouvé par le franchisé, le local est validé par le franchiseur.
Mais le démarrage est difficile. Pour des raisons indépendantes des deux parties, l’ouverture du point de vente est retardée de plusieurs mois. Après l’été, le franchisé constate une importante baisse de fréquentation de sa rue et de son chiffre d’affaires. Fin 2016, les pertes de sa société dépassent 75 000 €.
Les deux années suivantes, le chiffre demeure – autour de 220 000 € -, bien inférieur aux prévisions et les pertes continuent : 23 000 € en 2017, 15 000 en 2018.
L’exploitant échoue à revendre son entreprise à un autre membre du réseau. Les relations avec son franchiseur s’enveniment. Et le 22 juillet 2019, la liquidation judiciaire de sa société est prononcée.
Pour le franchisé, la responsabilité du franchiseur est engagée dans le choix de l’emplacement
Pour le franchisé qui assigne son franchiseur en justice, son échec est dû à la mauvaise qualité de l’emplacement choisi sur les indications de la chaîne.
Par ailleurs, la concurrence d’un autre franchisé de la même enseigne présent sur la ville et celle du franchiseur en matière de ventes hors-boutique sont selon lui également à l’origine des difficultés qui ont entraîné sa cessation de paiement.
Enfin, le franchiseur « n’a rien trouvé à redire au dossier prévisionnel » monté par le franchisé. Il réclame en conséquence d’être indemnisé pour le préjudice subi. A hauteur de 417 000 € pour sa société – en compensation de la perte du fonds de commerce et des gains manqués – plus 131 000 € correspondant à ses apports.
Le tribunal de commerce de Paris le déboute de toutes ses demandes.
Pour le tribunal, le franchiseur n’a pas manqué à son devoir de conseil sur le local retenu
Concernant le choix de l’emplacement, les juges notent d’abord que, si le franchiseur a bien conseillé la localisation, « c’est (le franchisé) qui a choisi et retenu le local, sans pression aucune de la part du franchiseur qui n’a fait que le valider au final ». Et ils ajoutent : « Aucune pièce ne démontre que l’emplacement, au moment où il a été choisi était mal placé ou inadapté au projet ».
Ils tranchent ensuite une polémique entre les parties sur le fait de savoir si oui ou non les modifications du plan de circulation de la ville à l’été 2016 sont à l’origine de la baisse du nombre des passants dans la rue. Bien que cet argument du franchiseur ait été « balayé d’un revers de main » par les défenseurs du franchisé, le tribunal l’estime au contraire « tout à fait crédible ». La preuve ? La chute de la valeur du droit au bail payé 365 000 € en 2016 et ne valant plus que 140 000 € en 2019. Une chute qui serait corroborée, selon un document fourni par le franchiseur, par une baisse de l’ordre de 40 % des flux de circulation dans la partie de la rue concernée.
Les juges consulaires notent encore que l’attention de la société franchisée a été attirée par le franchiseur « à plusieurs reprises sur la lourdeur de l’investissement en droit au bail associé à un loyer annuel élevé qui risquait de limiter sa capacité de faire face aux aléas toujours possibles. »
Enfin, le tribunal relève que le DIP donnait un état clair de la concurrence, avec la présence d’une dizaine de points de vente dont celui de l’autre franchisé de la même enseigne. Pour les juges, les associés de la société franchisée « restaient les seuls à même de prendre leur décision en fonction de leur analyse de l’ensemble de la concurrence. »
En conséquence, pour le tribunal de commerce de Paris, le franchisé « ne démontre pas que le franchiseur aurait manqué à son devoir de conseil concernant le choix de l’emplacement ».
Aucune indemnité n’est accordée à la société franchisée en liquidation ni au franchisé lui-même
Le tribunal écarte par ailleurs les accusations du franchisé en matière de prévisions de rentabilité. Là non plus, il n’y a pas, pour les juges, de manquement du franchiseur à son devoir de conseil.
De même, il n’y a pas eu de concurrence déloyale de la part du franchiseur sur les ventes hors-boutique, le contrat de franchise précisant que l’exclusivité d’implantation concédée au franchisé ne s’étendait pas à ce type de ventes.
En outre, le franchisé n’a « pas à se plaindre du refus du franchiseur de lui transférer une partie de sa propre clientèle (hors-boutique) » pour l’aider à faire face aux imprévus. « Aucune obligation » de ce genre ne figurant au contrat.
Le franchisé aurait donc tort de considérer avoir été abandonné à son sort. Car, pour les juges, le franchiseur n’a pas manqué à son devoir d’assistance : des visites ont eu lieu, des conseils ont été donnés, etc.
Finalement, aucune indemnité n’est accordée ni à la société franchisée, ni à ses associés, ni au franchisé personne physique qui invoquait aussi la perte de 70 000 € de salaire.
Le franchisé est en outre condamné pour rupture du contrat, mais seulement à un euro symbolique
Le tribunal condamne par ailleurs le franchisé en raison de sa rupture du contrat. Mais, usant de leur droit en la matière, les juges réduisent à l’euro symbolique l’indemnité de 75 000 € prévue au contrat.
Ils estiment en effet que, dans cette malencontreuse affaire, le franchisé a « engagé des capitaux importants tandis que le franchiseur n’a pris aucun risque financier (comparable), son engagement correspondant uniquement à des efforts d’accompagnement. »
Le tribunal relève encore qu’il s’agissait d’une création et que ni le franchiseur ni un autre franchisé de l’enseigne n’ont repris l’emplacement, « ce qui ne peut que confirmer que le projet était difficile compte tenu de la concurrence ».
Maigre consolation pour un jugement dont le liquidateur, le franchisé et ses associés ont fait appel.