Estimant qu’il ne pouvait plus se développer dans son réseau, un franchisé résilie son contrat et s’acquitte de la pénalité prévue. Il se voit pourtant assigné en justice par son franchiseur qui juge cette résiliation fautive. Les juges donnent raison au franchisé.
Par un arrêt du 16 novembre 2022, la cour d’appel de Paris s’est prononcée dans un litige opposant un franchiseur à un de ses franchisés à propos de la résiliation de son contrat.
Dans cette affaire, l’exploitant – déjà du métier – rejoint l’enseigne en septembre 2014. Il signe un contrat de 7 ans pour l’ouverture d’un point de vente en région parisienne et s’engage notamment au versement d’une redevance forfaitaire de 1 000 € par mois la première année et 1 300 par la suite.
Tout se passe bien au point qu’en 2017, il envisage d’ouvrir un second établissement à l’enseigne dans une autre ville importante du même département.
Il y découvre un premier emplacement que le franchiseur valide mais qui se révèle finalement indisponible. Puis en identifie un autre qui lui semble comparable, mais que le franchiseur n’accepte pas, estimant qu’il ne répond pas suffisamment aux critères de son concept.
Le franchiseur refuse aussi au franchisé de prolonger son premier contrat, de manière à ce que sa date de fin coïncide avec celle du second alors en discussion. Le franchisé explique qu’en cas de non-renouvellement du contrat initial, il ne pourrait pas continuer l’exploitation de son premier établissement, étant tenu par la clause de non-concurrence du second contrat. D’où sa demande. Une demande à laquelle le franchiseur ne voit quant à lui « pas de sens juridique ni économique ».
Suite à sa résiliation unilatérale du contrat, le franchisé verse plus de 67 000 € de redevances au franchiseur
Estimant devant ces différents refus qu’il ne peut plus se développer dans son réseau, le franchisé résilie son contrat avec effet en février 2018. Il prend soin toutefois de respecter la clause qui prévoit, en cas de rupture anticipée, le versement d’une pénalité calculée sur la base du montant des redevances dues jusqu’à la fin prévue de la convention, soit août 2021.
Il adresse à son franchiseur une somme de plus de 67 000 € TTC correspondant à 42,5 mois de redevances restant à courir multipliés par un peu plus de 1 300 € (moyenne calculée sur la réalité des paiements de ses douze derniers mois de collaboration).
Malgré des échanges de courriers entre les parties, une résolution amiable du conflit n’est pas trouvée. Et en décembre 2018, le franchiseur jugeant que la résiliation est « fautive » assigne le franchisé en justice, lui réclamant plus de 200 000 € d’indemnités complémentaires pour « perte de chiffre d’affaires » et « perte de chance » de développer le réseau sur la zone initiale du franchisé, plus 50 000 € pour compenser le préjudice porté à l’image de l’enseigne.
Le franchiseur est débouté par le tribunal de commerce.
Selon la cour, le franchiseur n’a pas commis de faute, malgré ses différents refus
Saisie, la cour d’appel de Paris confirme ce jugement de première instance.
Les magistrats écartent toutefois plusieurs arguments du franchisé. Ils estiment que le franchiseur n’a pas commis de faute en refusant de valider un emplacement. Et pas davantage en refusant d’aligner le terme du contrat en cours avec celui du contrat envisagé.
Ils font observer que le contrat signé en 2014 ne concernait qu’un seul point de vente. Pour l’ouverture d’un second, et la modification du contrat initial, il fallait donc conclure « de nouveaux accords de volonté, lesquels relèvent de la liberté contractuelle ». En clair, le franchiseur avait le droit de ne pas être d’accord avec les projets de son franchisé.
De même, la cour considère qu’il était dans son droit en refusant de « permettre au franchisé d’exploiter un magasin concurrent indépendamment du réseau, quand bien même cette faculté discrétionnaire d’autorisation était précisée (dans le contrat) ».
Le franchisé n’a pas non plus commis de faute en résiliant unilatéralement son contrat
Mais pour les juges, le franchisé était lui aussi dans son droit en optant comme il l’a fait pour la résiliation de son contrat.
Le contrat prévoyait que « dans l’hypothèse où il serait rompu du fait du franchisé, (… celui-ci) s’engageait à payer au franchiseur une somme destinée à compenser le manque à gagner du franchiseur » (suivait le mode de calcul de la dite somme, étant précisé qu’elle ne saurait être inférieure à 30 000 €).
Les juges ne partagent pas l’opinion du franchiseur selon lequel l’expression « du fait du franchisé » devrait s’entendre « comme synonyme de faute du franchisé ». Pour eux, cette clause « a vocation à s’appliquer dans toutes les hypothèses où le contrat serait rompu « du fait du franchisé », (…), que (ce fait) soit fautif ou fortuit, volontaire ou involontaire. »
Il n’est donc « pas nécessaire de déterminer », dans cette affaire, « si la résiliation du fait du franchisé est fautive ou non. »
Le franchiseur est débouté de ses demandes d’indemnités complémentaires de plus de 250 000 €
Quant au paiement de plus de 67 000 € effectué par le franchisé, il est « conforme aux stipulations » du contrat qui ne prévoit pas « l’indemnisation d’un quelconque préjudice supplémentaire ». Le franchiseur est débouté, comme en première instance, de ses demandes sur ce plan.
D’autant qu’aux yeux des juges, sa perte de chiffre d’affaires est « déjà compensée » pour la durée du contrat et « non prouvée » pour la suite, de même que la perte de chance de commercialiser la zone. Enfin « son préjudice d’image n’est démontré ni dans son principe, ni dans son montant. »
A bien lire l’arrêt entre les lignes, on comprend que pour la cour d’appel de Paris, le franchiseur aurait, de son point de vue, intérêt à revoir la rédaction de la clause de résiliation de son contrat.