Suite à l’intervention de la Cour de cassation, la cour d’appel de Paris revoit sa copie. Contrairement à ce qu’elle avait jugé en 2020, elle valide la clause du contrat Éléphant Bleu qui oblige le franchisé sortant à repeindre son point de vente dans les six mois avec d’autres couleurs que le bleu et le blanc s’il veut poursuivre son activité.
C’est une source de litige qui ne se tarit pas depuis des années. Régulièrement, certains franchisés parvenus à la fin de leur contrat avec l’enseigne de lavage-auto Éléphant Bleu sortent du réseau mais conservent leur activité et certains signes distinctifs de l’enseigne, notamment les couleurs caractéristiques bleu et blanc, alors même que leur contrat le leur interdit.
Ils contestent en effet la validité de cette clause qui les contraint, dans les six mois après leur sortie du réseau, à repeindre leur établissement dans d’autres couleurs.
Et pourtant, un arrêt de la Cour de cassation de 2014 a déjà donné raison au franchiseur sur ce point. Mais le débat continue.
Faut-il obligatoirement repeindre son point de vente après la sortie du réseau ?
Les adversaires du franchiseur invoquent le caractère excessif de cette contrainte et la banalité des couleurs bleu et blanc, ordinairement associées aux activités de lavage, pour considérer que la clause est nulle et non avenue.
C’est encore ce qu’ont estimé deux sociétés franchisées ayant signé leurs contrats de trois ans en 2005, approuvées par le tribunal de commerce de Nancy le 8 septembre 2017 et par la cour d’appel de Paris le 1er juillet 2020.
Mais, suite à l’arrêt de la Cour de cassation, qui l’a contredite le 16 février 2022, la cour d’appel de Paris inverse aujourd’hui totalement sa position.
Pour la partie franchisée, l’interdiction d’utiliser le bleu et le blanc après le contrat est excessive
Devant la cour d’appel, la partie franchisée renouvelle ses arguments. Pour elle, « l’interdiction d’utiliser les couleurs bleu et blanc sans limitation de durée constitue un engagement perpétuel qui doit être annulé en vertu du principe général de prohibition de tels engagements. »
Elle ajoute qu’une telle interdiction est « largement disproportionnée à l’objectif poursuivi de se prémunir d’un risque de confusion dans l’esprit du consommateur. » Elle serait donc sans cause et dépourvue d’effet.
Par ailleurs, cette clause portant sur des teintes symboliques de propreté, usuelles dans le secteur, « revient à interdire au franchisé de s’affilier après son contrat à un réseau utilisant le même code couleur, ce qui constitue une entrave à son activité » et une violation du règlement européen sur les accords verticaux.
Pour le franchiseur, le franchisé peut toujours concurrencer le réseau qu’il a quitté
La société Hypromat qui développe l’enseigne Éléphant Bleu répond que l’article contesté du contrat de franchise « n’est pas une clause de non-concurrence ou de non-rétablissement, mais une obligation destinée à faire enlever après le contrat les signes de ralliement d’un réseau auquel le franchisé n’appartient plus et qu’il peut parfaitement concurrencer sous d’autres couleurs ». Il n’y a donc pas de raison d’invoquer le règlement européen qui traite de l’interdiction d’exercer une activité concurrente.
La partie franchiseur ajoute qu’il ne s’agit « pas d’une obligation perpétuelle, mais d’une obligation ponctuelle de faire, dont la validité a été admise plusieurs fois par la jurisprudence ainsi que par l’ADLC (l’Autorité de la Concurrence) à laquelle son contrat de franchise a été soumis. »
Enfin, selon l’enseigne, cette interdiction « n’empêche pas l’ancien franchisé de s’affilier à un autre réseau car ces couleurs ne sont utilisées par aucune autre franchise de centres de lavage rapide de véhicules ».
La cour d’appel de Paris s’aligne sur la Cour de cassation et sur la défense de l’Éléphant
S’alignant presque mot pour mot sur la Cour de cassation, la cour d’appel de Paris rend justice au franchiseur. « En l’état du litige et des pièces versées aux débats », elle ne voit pas en quoi la clause contestée « constituerait une obligation perpétuelle et une atteinte disproportionnée au principe de la liberté d’entreprendre au regard des intérêts légitimes du franchiseur à obtenir la dépose de l’enseigne à la fin du contrat ».
La partie franchisée, qui n’avait ni déposé l’enseigne, ni repeint son point de vente dans les six mois après la fin de son contrat est donc déboutée de ses diverses demandes de remboursement d’argent, notamment des 15 000 € qu’elle a finalement dépensés pour, selon elle, « des travaux superflus ».