En février 2021, la cour d’appel de Paris annule une clause de non-concurrence post-contractuelle dans un contrat de concession, estimant qu’elle tombe sous le coup de la loi Macron. Erreur, juge la Cour de cassation.
Dans un arrêt du 30 août 2023, la Cour de cassation a tranché un litige à propos d’une clause de non-concurrence post-contractuelle dans un contrat de concession.
Dans ce litige, des contrats similaires sont signés – par le même concessionnaire avec la même enseigne – en mars et juillet 2011 pour une durée de 5 ans.
En 2014, pour divers motifs de mécontentement liés notamment à ce qu’il estime être une concurrence déloyale du concédant pendant le contrat, le concessionnaire assigne son partenaire en justice, réclamant des dommages et intérêts.
En mars et juillet 2016, les contrats arrivent à échéance et ne sont pas renouvelés.
En février 2019, le tribunal de commerce de Paris donne globalement raison à la tête de réseau, déboute le concessionnaire de ses demandes d’indemnité et le condamne au contraire à verser 600 000 € de pénalité à son ex-partenaire pour violation de la clause de non-concurrence post-contractuelle.
La clause litigieuse prévoyait que le concessionnaire s’engageait, pendant une durée d’un an après la fin du contrat quelle qu’en soit la cause, à ne poursuivre aucune activité concurrente à celle du concédant sur son territoire d’exclusivité, que ce soit dans un point de vente ou via un site Internet. Toute violation donnait droit immédiatement à une indemnité d’au moins 200 000 €. Ainsi, sans doute parce que trois points de vente étaient concernés, le tribunal a fixé l’indemnité à 600 000 €.
Car, pour le tribunal de commerce, cette clause était parfaitement « licite (…) »
Pour la cour d’appel de Paris, la clause de non-concurrence post-contractuelle n’était pas valide
Ce n’est pas l’avis de la cour d’appel de Paris, sollicitée par le concessionnaire.
Devant la cour, celui-ci réclame que la clause soit réputée « non-écrite » en vertu de la loi du 6 août 2015, dite loi Macron, devenue sur ce point l’article L.341-2 du code de commerce.
Et précisément, les magistrats parisiens relèvent que l’article 31-II de la loi dispose qu’elle s’applique à l’expiration d’un délai d’un an à compter de sa promulgation.
« Il s’en déduit, écrit la cour d’appel dans son arrêt du 3 février 2021, qu’un an après la promulgation de la loi (donc à partir du 6 août 2016), toute clause ayant pour effet (…) de restreindre l’exercice de la liberté commerciale de l’exploitant est réputée non écrite. »
Or, les contrats en litige signés pour 5 ans en 2011 sont arrivés à leur terme en mars et juillet 2016 et n’ont pas été renouvelés. C’est à dire que la clause de non-concurrence post-contractuelle d’une durée d’un an « était bien en cours lors de l’entrée en vigueur (de la loi Macron) ».
Dans la mesure où dans ces contrats, la clause de non-concurrence portait à chaque fois sur tout un département et non sur les seuls locaux ou les terrains de l’exploitant comme prévu par cette fameuse loi Macron, cette clause doit, pour la cour d’appel, être réputée non-écrite.
La loi prévoit en effet que pour être valable, ce type de clause doit répondre à quatre conditions cumulatives, dont cette limitation dans l’espace. Et il suffit qu’une des quatre conditions ne soit pas remplie pour que la clause ne soit pas valide.
En conséquence, la cour d’appel de Paris (Pôle 5, chambre 4) a conclu en 2021 qu’il n’y avait pas lieu d’imposer au concessionnaire d’indemniser sa tête de réseau des 600 000 € prévus par le jugement de première instance.
Pour la Cour de cassation, la loi Macron ne saurait s’imposer à des contrats signés avant le 6 août 2016
C’est cet arrêt de la cour d’appel de Paris que la Cour de cassation, sollicitée par la tête de réseau, remet en question.
Les magistrats de la plus haute juridiction française rappellent d’abord l’article 2 du code civil, selon lequel « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif. » Donc, « sauf rétroactivité expressément stipulée par le législateur, la validité des contrats reste régie par la loi sous l’empire de laquelle ils ont été conclus. » En l’occurrence pas la loi Macron, puisqu’en 2011 elle n’était pas encore promulguée.
« En statuant » comme elle l’a fait, « en l’absence de disposition expresse du législateur » (qui n’a pas prévu de rétroactivité de cette loi), « la cour d’appel (n’a pas respecté) les textes (auxquels elle a fait référence). »
Résultat : la Cour de cassation annule sur ce point l’arrêt d’appel et « renvoie l’affaire devant la cour de Paris autrement composée », selon la formule consacrée.
Le concessionnaire peut donc a priori se préparer à devoir verser des dommages et intérêts à son ancien concédant pour ne pas avoir respecté sa clause de non-concurrence post-contractuelle qui, en fonction de la législation en vigueur au moment de la signature du contrat en 2011, ne tombait pas sous le coup des dispositions plus restrictives de la loi de 2015.
Une loi Macron qui s’impose à tous les contrats de concession (de franchise et autres formules d’association) signés depuis le 6 août 2016 mais pas à ceux signés antérieurement !