Dans un communiqué, les principales fédérations du commerce, dont la Fédération française de la franchise et la Fédération du commerce coopératif et associé, mettent en garde contre les effets d’un projet de règlement européen de réduction des délais de paiement.
Régulièrement mobilisée ces dernières années sur des sujets de préoccupation pour ses adhérents comme la hausse des loyers commerciaux, ou encore la crise énergétique, les la Fédération française de la franchise (FFF) vient de prendre la parole sur la question des délais de paiement. La FFF (qui représente 1 972 réseaux et 84 497 points de vente franchisés, générant 828 178 emplois directs et indirects) vient en effet de cosigner un communiqué du Conseil du commerce de France (CdCF). Aux côtés d’une trentaine de fédérations du commerce(1), dont la Fédération du commerce coopératif et associé (FCA) (qui représente 180 enseignes nationales, 32 286 entrepreneurs associés et 50 681 points de vente), la FFF y met en garde contre les effets d’un projet de règlement européen de réduction des délais de paiement.
Les fédérations ont pris la parole au nom de leurs réseaux adhérents sur la question des délais de paiement
« A l’initiative du Commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, la Commission européenne a dévoilé le 12 septembre 2023 une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne « concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales » », rappellent en préambule les organisations signataires. Ce projet prévoit notamment une modification des délais de paiement légaux en ramenant le délai maximum de 60 à 30 jours. Or, en France, « l’essentiel des entreprises de commerces ont des accords contractuels avec leurs fournisseurs étendant le paiement à 60 jours date d’émission de la facture ou à 45 jours fin de mois », comme les y autorise la loi de modernisation de l’économie (LME) du 4 août 2008.
« Ces délais de paiement ont une réalité économique : ils permettent de partager entre le commerçant et son fournisseur le poids financier du stock, plaident les fédérations du commerce. Quand un stock de marchandise a une rotation supérieure à son délai de paiement, cela se concrétise par un besoin en trésorerie (BFR : besoin en fonds de roulement). Réduire le délai de paiement revient donc à modifier l’équilibre commerçant/fournisseur (nonobstant la chaine amont de production) et obligera le commerçant à chercher un financement bancaire, toujours aléatoire en période de crise surtout pour financer de la trésorerie. Le commerçant n’ayant pas la possibilité d’étendre les délais de paiement de ses clients BtoC qui paient comptant, le projet de règlement met clairement à risque les commerces les plus fragiles. »
Les nouvelles règles fragiliseraient les entreprises du commerce, alertent les fédérations d’enseignes
Concrètement, la FFF, la FCA et les autres organisations signataires redoutent que les nouvelles règles produisent un double effet : « Cela va mécaniquement augmenter les retards de paiement en mettant la pression sur la trésorerie des commerçants et cela va menacer la survie des entreprises les plus fragiles qui devront faire face à des problèmes de liquidité très importants alors que les délais de paiement sont un outil efficace du développement des acteurs économiques à chaque maillon de la chaîne », écrivent-elles. Estimant que, si ce projet était adopté, « la ponction de trésorerie effectuée au détriment des commerçants français serait de l’ordre de 25 à 30 Mds€ ».
Certains secteurs d’activité seraient particulièrement impactés, comme par exemple le bricolage, où « une réduction de 30 jours (passage de 60 jours à 30 jours) du délai de paiement fournisseur augmenterait le besoin de trésorerie du commerçant d’environ 350 000 € ». Ou encore le prêt-à-porter, où le BFR est de 40 jours de stock : « l’augmentation du délai de paiement porterait ce BFR à 70 jours », alertent les représentants des commerçants.
Les nouvelles règles pénaliseraient également certaines formes d’organisation. En effet, « dans les réseaux de commerçants indépendants comme la franchise ou le commerce coopératif et associé, les franchiseurs ou les groupements de commerçants octroient des délais de paiement souvent supérieurs à 30 jours à leurs franchisés ou adhérents (qui sont des TPE dans leur grande majorité) », rappelle le communiqué. Les entreprises concernées pourraient donc subir, si le projet était adopté, « un impact direct sur leur trésorerie avec une augmentation de leur besoin en fonds de roulement, ceci ayant pour conséquence la fragilisation de l’ensemble de ces réseaux ».
Compte tenu de ces risques, le Conseil du Commerce de France « souhaite le maintien des règles actuelles en matière de délais de paiement avec la possibilité contractuelle de prévoir des délais de paiement de 60 jours date d’émission de la facture ou 45 jours fin de mois ». Et demande au gouvernement français « d’agir en ce sens auprès des instances européennes ».