Une franchisée estime que son franchiseur ne l’a pas assistée dans l’étude de faisabilité de son projet. En tout cas pas à hauteur de ce que, selon elle, son contrat prévoyait. Elle l’estime responsable de son échec et lui réclame d’importantes indemnités. En vain.
La cour d’appel de Montpellier vient de débouter une société franchisée en litige avec son ex-franchiseur à propos de son assistance concernant la faisabilité de son projet.
Dans cette affaire, le DIP (document d’information précontractuelle) est remis à la franchisée au début du mois de juin 2013 et le contrat de franchise est signé un an plus tard en juin 2014.
Des crédits bancaires d’un peu plus de 300 000 € sont obtenus au mois de juillet 2014 et l’établissement s’ouvre dans une nouvelle zone commerciale « bien située au bord d’une voie rapide et dotée d’un parking adapté » (selon les termes de l’arrêt).
Mais en octobre 2015, la société franchisée est placée en redressement judiciaire, puis, en janvier 2016, en liquidation.
Pour la société franchisée, il y a eu défaut à la fois d’information précontractuelle et d’assistance au montage du projet
En juin 2019, le liquidateur assigne le franchiseur en justice, réclamant de le voir condamner à près d’1,4 million d’euros de dommages et intérêts.
Motifs invoqués : le franchiseur « n’a pas respecté son obligation précontractuelle d’information en ne délivrant pas d’état du marché local dans son DIP ».
De même, il n’a « pas respecté son obligation contractuelle d’assistance », notamment « au montage et à la réalisation de l’étude de faisabilité du projet ».
Débouté de ses demandes en première instance, le liquidateur de la société franchisée fait appel.
Pour la cour d’appel, l’absence d’un état du marché local dans le DIP était compensée par la transmission d’un autre document
Saisie, la cour d’appel de Montpellier confirme dans son arrêt du 6 février 2024, le jugement du tribunal de commerce.
Certes, reconnaissent les magistrats, le DIP transmis par le franchiseur ne contenait pas d’état du marché local, contrairement à que prévoit la loi (articles L.330-3-1 et R 330-1 du code de commerce).
Mais l’enseigne a fourni en juillet 2013 à la franchisée une étude de marché effectuée à la demande du franchiseur par une société spécialisée. Étude qui indiquait notamment la localisation précise de la quinzaine de fonds de commerce concurrents en place sur la zone.
Pour la cour « il appartenait à la société (franchisée) (…) de réaliser elle-même une analyse d’implantation plus précise si elle le souhaitait (…) »
Pour les juges, l’assistance à laquelle le franchiseur était tenu ne l’obligeait pas à délivrer une étude de faisabilité
La cour considère également que le franchiseur a respecté l’article 16.1 de son contrat. Article par lequel il s’était engagé, contre une rémunération de 10 000 €, à une « assistance au montage et à l’étude de faisabilité du projet d’installation » de sa franchisée.
Contrairement à ce que soutient le plaignant, estiment les juges, « le contrat de franchise n’exigeait pas du franchiseur l’établissement d’une étude de faisabilité ». Mais seulement « l’obligation d’assister la franchisée dans son installation en termes d’organisation, de financement, communication et concrétisation de celle-ci. » Ce qui n’est pas équivalent.
Selon les magistrats, la société franchisée aurait dû mieux tenir compte de l’étude de marché transmise par le franchiseur
Les magistrats relèvent encore que la société franchisée n’a pas assez tenu compte des conseils figurant en conclusion de l’étude délivrée en juillet 2013 par le franchiseur.
Si le choix de l’emplacement y était validé, la société spécialisée auteur de l’étude soulignait la « nécessité de mettre en place une signalétique adaptée (…) afin que le nouveau magasin soit identifié dans les deux sens de circulation ».
« Il appartenait à la société (franchisée), dûment informée, de pallier ce déficit de visibilité », écrit la cour.
En outre, observe-t-elle, le franchiseur justifie que le fonds de commerce ayant succédé à la société franchisée « est exploité depuis lors sans difficulté ».
Une étude de marché dont la société franchisée critique en vain la qualité, selon la cour
Quant aux critiques du plaignant sur la qualité de l’étude de marché de juillet 2013, les juges relèvent qu’une autre étude, réalisée par une agence de communication trois mois après l’ouverture de l’établissement franchisé, avait abouti à des conclusions semblables.
Validant elle aussi l’implantation et la taille du magasin, cette seconde analyse pointait un « déficit de notoriété » du point de vente et suggérait un plan de communication sur six mois pour « faire connaître et valoriser » son offre.
Pour les magistrats, le plaignant échoue donc à démontrer « le caractère erroné, incomplet et fallacieux » de l’étude contestée par la franchisée.
Le fait que l’enseigne était inconnue dans la région n’a pas convaincu les juges de la responsabilité du franchiseur dans l’échec de la société franchisée
Certes, la société franchisée critique également la qualité de la communication du réseau, rappelant que « la marque était inconnue dans sa région », affirmant que « le design n’était pas vendeur » et « la communication non cohérente ».
Mais pour la cour, ces reproches adressés a posteriori à une enseigne que la société franchisée « a pourtant choisie » « ne peuvent raisonnablement fonder une quelconque responsabilité du franchiseur ».
Franchiseur qui est, aux yeux des juges – on l’aura compris entre les lignes de l’arrêt – tenu en matière d’assistance à une obligation de moyens, mais pas de résultats.
Pour la cour d’appel de Montpellier, « les griefs invoqués par la société franchisée représentée par son liquidateur ne sont (donc) pas fondés ». Ses demandes d’indemnisation sont rejetées.