Fermer
Secteurs / Activités

      Prévisionnels établis par l’expert-comptable du franchiseur : une bonne idée ? - Brève du 20 septembre 2024

      Brève
      20 septembre 2024

      Deux franchisés dans deux affaires différentes ont échoué en appel à obtenir la nullité de leur contrat, alors qu’ils estimaient avoir été trompés notamment quant au prévisionnel établi par l’expert-comptable de leur franchiseur.

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceDans le premier cas, le franchisé signe son contrat en février 2019. Devant la justice, il en réclame fin 2021 la nullité et d’importantes indemnisations, estimant que son consentement a été vicié.

      Il invoque plusieurs raisons, dont l’erreur provoquée selon lui sur la rentabilité économique du point de vente.

      D’après le franchisé en effet, le prévisionnel « établi par l’expert-comptable du franchiseur présentait des chiffres d’affaires deux fois supérieurs à ceux réalisés en 2019 et 2020 ».  En outre, en novembre 2019, alors que « son taux d’occupation par poste était complet », il n’avait atteint qu’un chiffre d’affaires inférieur de 30 % au seuil de rentabilité.

      Dans son arrêt du 4 juin 2024, la cour d’appel de Montpellier considère qu’il n’y a pas eu vice du consentement.

      Pour les juges, si c’est bien en effet l’expert-comptable du franchiseur qui a établi, dès le mois de mai 2018, un budget prévisionnel, il l’a fait « à partir de l’étude tarifaire et des hypothèses d’activité qui lui ont été fournies lors de sa rencontre avec (le franchisé et son associé) ».

      De plus, pour la cour, il n’est « pas prouvé », au vu des pièces du dossier, que le niveau de chiffre d’affaires permettant de parvenir au seuil de rentabilité n’était « pas atteignable » par le franchisé en novembre 2019.

      Il n’y a donc pas eu, pour la cour, de tromperie de la part du franchiseur. Le contrat est résilié aux torts exclusifs du franchisé.

      Le prévisionnel transmis par l’expert-comptable du franchiseur l’était « à titre indicatif », explique la cour

      Finances Saving Economy concept. Female accountant or banker use

      Le second franchisé reçoit son DIP (Document d’information précontractuelle) en mars 2018 et signe son contrat de franchise en novembre. Mais en 2021, sa société est placée en liquidation judiciaire. Il demande la nullité de son contrat.

      Il estime lui aussi que son consentement a été vicié en raison de l’erreur provoquée sur la rentabilité de l’activité, notion qui était pourtant déterminante pour qu’il s’engage. Or, il n’a pu réaliser que le quart des ventes qui étaient prévues !

      Selon lui, ce prévisionnel « illusoire » émanait d’un « cabinet choisi et rémunéré par le franchiseur ». Et la non-rentabilité était inhérente au concept. Pour preuve : « la déconfiture de très nombreux franchisés » du réseau. Le franchiseur a d’ailleurs été lui-même placé en redressement judiciaire en 2023.

      Dans son arrêt du 9 juillet 2024, la cour d’appel de Poitiers contredit le franchisé.

      Certes, « l’étude prévisionnelle sur cinq ans émanait de l’expert-comptable du franchiseur », admettent les magistrats. « Mais c’est ce qui était prévu au DIP ». Par ailleurs, il était précisé que cette étude « était fournie au franchisé à titre purement indicatif ».

      Pour eux, en outre, « il n’est pas démontré (au vu des données du dossier) que les chiffres d’affaires et résultats de ce prévisionnel (…) étaient manifestement irréalistes ». 

      Le fait que « nombre de franchisés aient été placés en procédure collective dans les années suivantes n’établit pas (non plus), par lui-même, que le concept du franchiseur n’était pas rentable ni ses objectifs atteignables », ajoutent les juges.

      Ils soulignent aussi que, dans ce litige, un concours bancaire a été obtenu ainsi qu’une aide à la création d’entreprise, ce qui, à leurs yeux, contribue à écarter la piste du prévisionnel grossièrement erroné…

      Pour la cour, le consentement du franchisé n’a pas été vicié. Il n’y a pas lieu d’annuler son contrat ni de lui accorder des dommages et intérêts.

      La plupart des spécialistes de la formule recommandent aux candidats à la franchise de s’adresser sans hésiter, si on le leur propose, aux experts-comptables du franchiseur, car « ils connaissent bien la franchise et le réseau » et seront donc, a priori, de bon conseil pour les prévisionnels. On voit que cela ne fonctionne pas toujours.

      >Référence des décisions citées :

      -Cour d’appel de Poitiers, 9 juillet 2024, n° 24/00079

      -Cour d’appel d Montpellier, 4 juin 2024, n° 22/01548