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      Information précontractuelle : les limites de la loi Doubin - Brève du 28 octobre 2024

      Brève
      28 octobre 2024

      Un franchisé évoquant le non-respect de la loi Doubin échoue jusqu’en cassation à obtenir la nullité de son contrat. Alors que, selon lui, dans la période pré-contractuelle, le franchiseur a dissimulé des informations déterminantes sur les sociétés franchisées de son réseau placées en procédure collective.

      Devenir-Franchise-DIPLa Cour de cassation a rejeté le pourvoi d’un franchisé qui estimait avoir été trompé par son franchiseur, entre autres sur la réalité des difficultés rencontrées par son réseau.

      Dans ce litige, le contrat de franchise est signé en novembre 2014 mais les résultats de la société franchisée se révèlent inférieurs aux prévisions et en février 2017, c’est la rupture : le franchisé met fin à la convention.

      En 2019, il s’adresse à la justice afin d’obtenir la nullité du contrat ainsi que des remboursements et des dommages et intérêts à hauteur de 330 000 €.

      Selon le franchisé, le nombre réel de procédures collectives dans le réseau lui a été caché

      Pour le franchisé – c’est l’un de ses principaux arguments -, le franchiseur n’a pas respecté son obligation d’information précontractuelle telle que fixée par l’article L.330-3 du code de commerce (Loi Doubin *).

      Il ne l’a pas informé complètement de l’historique du réseau dans le DIP qu’il lui a remis (Document d’information précontractuelle). Il ne lui a pas, notamment, indiqué le nombre exact de sociétés franchisées frappées de procédure collective.

      Certes, le franchiseur a signalé – parmi les unités franchisées sorties du réseau dans l’année précédant la signature du contrat – 5 sociétés dans ce cas. Or, selon le franchisé, c’est plutôt le chiffre de 22 qu’il aurait fallu retenir sur la période 2013-2014.

      Le franchisé ajoute que l’état du réseau au moment du procès « illustre son échec, comme l’importance du turn-over enregistré par l’enseigne », le nombre d’unités franchisées étant « passé de 110 à une trentaine ».   

      Pour la cour d’appel, le franchiseur a respecté la loi Doubin en ne donnant des informations sur les sorties de réseau que pour l’année précédant la délivrance du DIP

      Débouté par le tribunal de commerce de Nanterre, le franchisé l’est également par la cour d’appel de Versailles en 2022.

      Les magistrats rappellent tout d’abord que l’article R.330-1 du code de commerce* donné en référence par le franchisé impose au franchiseur, entre autres, de faire figurer dans le DIP « le nombre d’entreprises (franchisées) qui ont cessé de faire partie du réseau au cours de l’année précédant celle de la délivrance du document (DIP) ». Lequel doit préciser « si le contrat est venu à expiration ou s’il a été résilié ou annulé ».

      Ils en déduisent que, dans ce litige, le DIP ayant été remis selon eux en octobre 2014, le franchiseur n’était pas obligé de transmettre des données concernant les sorties de réseau antérieures au mois d’octobre 2013.

      De même, la loi n’impose pas aux franchiseurs de signaler les éventuelles procédures collectives intervenues dans le réseau franchisé

      Les juges d’appel ajoutent que le franchiseur n’était pas davantage tenu d’informer son futur partenaire des éventuelles procédures collectives ayant concerné ses franchisés, y compris dans les 12 mois précédant la délivrance du DIP, puisque cette précision n’est pas exigée par la loi.

      En outre, après examen des pièces fournies par le franchisé, ils contestent ses chiffres et au lieu de 10 procédures collectives sur la période octobre 2013-octobre 2014, ils n’en trouvent que 5, comme le franchiseur.

      Pour eux, celui-ci a donc délivré une information sincère comportant même des précisions auxquelles il n’était pas tenu. Il n’y a donc pas eu de sa part volonté de tromper, donc pas de dol et pas de vice du consentement. Le contrat de franchise n’a pas à être annulé.

      La Cour de cassation rejette le pourvoi du franchisé

      Cour de cassation juridique franchiseDevant la Cour de cassation, la défense du franchisé affirme qu’en ne lui donnant pas d’information sur la réalité du réseau pour les deux années 2013 et 2014, alors que celle-ci « était susceptible d’avoir une incidence déterminante sur le consentement de la société (franchisée) », le franchiseur ne lui a pas permis de s’engager en toute connaissance de cause et, en lui donnant raison, la cour d’appel n’a pas respecté la loi.

      Mais la plus haute juridiction française ne suit pas cette argumentation. Elle retient simplement que « le franchiseur a informé le franchisé, de manière sincère, du nombre d’entreprises ayant fait l’objet d’une procédure collective dans les douze mois précédant la remise du DIP ».

      La cour d’appel a donc eu raison, au regard de la loi Doubin, de considérer qu’il n’y avait pas eu de « réticence dolosive (de la part) du franchiseur ».

      Comme elle confirme également la décision d’appel écartant les griefs formulés par le franchisé à l’égard du franchiseur en matière de prévisionnel, la Cour de cassation rejette le pourvoi du franchisé.

      Selon une spécialiste du droit, le franchisé n’aurait pas dû dans son cas invoquer la loi Doubin

      « Il aurait probablement été plus judicieux pour le franchisé, estime Anouk Bories, dans la Lettre de la distribution de septembre 2024, de s’émanciper totalement du droit spécial (Loi Doubin), d’aucun secours en (l’occurrence), pour se placer exclusivement sur le terrain du droit commun des vices du consentement et de tenter de démontrer la réticence dolosive. »

      Car dans ce litige, poursuit la spécialiste, maître de conférences à l’université de Montpellier, « le franchiseur a passé sous silence l’existence de procédures collectives précédant la période de douze mois antérieurs à la remise du (DIP), dont il fait peu de doute que leur connaissance était déterminante du consentement du franchisé. »

      >Référence des décisions citées :

      -Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique, 26 Juin 2024, pourvoi n° 23-11.499

      -Cour d’appel de Versailles, 12ème Chambre, 1er décembre 2022, RG n°  21/00326

      *La loi Doubin du 31 décembre 1989 est devenue l’article L.330-3 du code de commerce. L’article R.330-1 du même code est issu du décret d’application de la loi publié le 4 avril 1991.