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      Document d’information précontractuelle : les erreurs à éviter

      Dernière mise à jour le 23 janvier 2025

      Pour choisir un réseau, l’étude du DIP est indispensable. Mais elle n’est pas suffisante. Vous devrez aller au-delà si vous voulez vraiment être bien informé.

      Devenir-Franchise-DIPSi vous envisagez de rejoindre un réseau de franchise, concession, coopérative, licence de marque ou commission-affiliation, vous devez le savoir : le DIP – document d’information précontractuelle – est obligatoire. Votre tête de réseau doit vous le délivrer « 20 jours au moins » avant la signature de votre contrat ou tout versement d’argent, pour une réservation de zone par exemple. C’est la loi.

      Le but du législateur a été de protéger le futur franchisé (ou affilié, etc.) d’éventuels abus et la plupart des têtes de réseaux respectent les règles. Mais mieux vaut éviter certaines erreurs, comme l’illustrent plusieurs décisions de justice rendues récemment.

      Attention au délai de 20 jours

      Premier point de vigilance : le délai de 20 jours. C’est un minimum pas toujours respecté par les franchiseurs. Certains ne vous transmettent le DIP qu’au dernier moment, la veille voire le jour-même de la signature du contrat en vous demandant de l’antidater. Accepter n’est pas dans votre intérêt. D’abord parce que, si vous attribuez une fausse date au document, vous aurez beaucoup de difficultés en cas de litige à convaincre les juges que vous ne l’avez pas vraiment voulu. Ensuite parce que cette démarche peut, de la part de votre futur partenaire, annoncer d’autres écarts. La cour d’appel de Paris a ainsi annulé par un arrêt du 21 février 2024 le contrat d’un franchiseur qui avait transmis son DIP la veille de la signature du contrat. DIP dans lequel les chiffres annoncés pour les investissements spécifiques liés au concept s’étaient révélés par la suite bien inférieurs à la réalité. Au point que cela avait empêché le franchisé d’obtenir son financement…

      Bien évaluer le contenu

      Devenir-Franchise-Loi-DoubinAutre erreur à ne pas commettre : ignorer le DIP. Son contenu, qui a été détaillé par décret (à consulter ici), peut se révéler précieux. Il donne des indications sur « l’ancienneté et l’expérience de l’entreprise, l’état et les perspectives de développement du marché concerné, l’importance du réseau d’exploitants » et diverses clauses du contrat dont un projet doit être annexé au DIP. Mieux vaut y porter attention et au moins vérifier que tous les renseignements prévus par la loi y figurent.

      Même si c’est assez rare heureusement, il arrive qu’un DIP vous soit transmis avec de nombreuses zones d’ombre. La cour d’appel de Grenoble a ainsi sanctionné par un arrêt du 30 novembre 2023 une enseigne qui avait remis à sa future partenaire un DIP non daté ne contenant « aucun élément relatif au marché local » et, concernant la présentation du réseau, seulement la liste des villes sans préciser « ni le nom, ni l’adresse des entreprises établies en France, ni leur mode d’exploitation, ni la date de conclusion ou de renouvellement de leurs contrats », contrairement à ce qu’exigent les textes. Une dissimulation d’autant plus coupable que nombre de ces entreprises connaissaient des difficultés financières.

      Si le DIP que vous recevez vous semble aussi incomplet, s’il contient des données qui vous paraissent obsolètes, si vous avez un doute, faites-le analyser par un avocat spécialisé dans la défense des franchisés ou passez votre chemin. De toute façon, le délai légal de 20 jours avant la signature du contrat (qui seul vous engage) n’est qu’un minimum. Vous pouvez prendre plus de temps pour vous renseigner.

      Marché local et rentabilité

      Il ne faut pas croire non plus, à l’inverse, que le DIP serait suffisant. Il ne donne pas accès à toutes les informations dont vous avez besoin avant de vous engager. Ainsi, sur votre futur marché, le DIP doit contenir une « présentation de (son) état général et local (…) et de (ses) perspectives de développement », c’est-à-dire au moins des données sur la population et la concurrence dans votre future zone. Mais il ne faut pas confondre cela avec une véritable étude d’implantation comportant une estimation de votre chiffre d’affaires potentiel. Cette étude plus poussée et nécessaire reste à effectuer, comme l’a encore indiqué, après bien d’autres, la cour d’appel de Rennes dans un arrêt du 10 septembre 2024. Les juges ont rappelé d’abord que ce type d’étude de faisabilité « n’a jamais fait partie des documents prévus par (la loi), l’affilié étant le seul juge de l’opportunité de son investissement.» Et dans le litige tranché, alors que le commissionnaire-affilié se plaignait du caractère « lacunaire » sur le sujet du DIP lui ayant été transmis, ils ont estimé qu’il « aurait pu (pour sa part) avoir la prudence de faire une étude de marché précise des possibilités de vente (des produits) de la marque dans (sa ville) ».

      Couverture du Guide Dalloz de la franchiseLa tête de réseau n’est pas tenue, non plus, de fournir dans son DIP des informations sur la rentabilité de son concept pour ses partenaires. Ce que déplorent le professeur de droit Nicolas Dissaux et l’avocate des franchisés Charlotte Bellet dans leur « Guide de la franchise » paru chez Dalloz en 2021. Il est dommage, selon eux, que les textes n’imposent pas au franchiseur de transmettre les comptes de résultats de ses unités pilotes. « De même, on peut regretter que la loi n’ait pas imposé la communication des chiffres réalisés par les entreprises qui font partie du réseau, ou, tout au moins, par celles d’entre elles qui exploitent un fonds dans des conditions similaires à celles projetées ». Toutes données que vous devrez donc rechercher par vous-même si vous voulez éviter les mauvaises surprises.

      La question des sorties de réseau

      Autre limite du DIP selon ces auteurs : les informations concernant les sorties du réseau, qui peuvent pourtant s’avérer éclairantes sur les éventuelles difficultés rencontrées sur le terrain par les exploitants. La loi demande aux responsables d’enseigne d’indiquer dans leur DIP « le nombre d’entreprises (franchisées, etc.) qui ont cessé de faire partie du réseau dans l’année qui a précédé la délivrance du document », lequel doit « préciser si le contrat est arrivé à expiration ou s’il a été résilié ou annulé. » Mais « les raisons exactes de ces (départs) n’ont pas à être fournies », regrettent les experts. De même à leurs yeux, la période limitée aux douze derniers mois « paraît fort courte ». La cour d’appel de Versailles (approuvée par la Cour de cassation) a ainsi considéré après examen qu’il n’y avait rien à redire à un DIP dans lequel le franchiseur signalait cinq sorties de réseau de sociétés franchisées en difficultés survenues dans l’année précédant sa transmission, alors que le franchisé en comptait pour sa part vingt-deux au total sur une période de deux ans.

      Nouvelle tendance

      D’une manière générale, il y a peu de cas où les juges sanctionnent une tête de réseau pour DIP défectueux, surtout quand le partenaire est déjà du secteur d’activité ou connaît bien sa ville d’implantation. Pour obtenir l’annulation du contrat, il doit prouver en quoi les manquements à la loi ont vicié son consentement et ce n’est pas toujours évident.

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      Maître François-Luc Simon, Associé-gérant du cabinet Simon Associés

      La justice évolue toutefois. Comme l’a souligné Maître François-Luc Simon, conseil de nombreux franchiseurs, le 21 novembre 2024 lors d’un webinaire (disponible en replay) consacré par son cabinet à la jurisprudence franchise de l’année, une nouvelle tendance s’est fait jour ces derniers mois. « Les juges se sont prononcés dans plusieurs décisions (…) en se référant non seulement au dispositif de la loi sur le DIP mais aussi au droit commun des contrats. »

      La Cour de cassation a ainsi rendu le 26 juin 2024 une décision importante, qu’elle a publiée dans son bulletin, invalidant un arrêt de la cour d’appel de Paris. Elle est allée plus loin que la stricte application de la loi sur le DIP. Ce texte n’oblige pas en effet le franchiseur à fournir des informations sur les difficultés de ses franchisés, pas plus qu’à mettre à jour son DIP après l’avoir délivré. Or, dans cette affaire, le contrat a été signé huit mois après le DIP. Et dans ce laps de temps, selon le franchisé, le réseau a enregistré de nombreux échecs dont il ne s’est pas vanté.

      En s’appuyant sur l’article 1116 (ancien) du code civil, la plus haute juridiction française a reproché à la cour d’appel de ne pas avoir « recherché comme elle y était invitée si (le franchiseur) n’avait pas gardé intentionnellement le silence sur les procédures collectives survenues (alors) et si cette information n’aurait pas dissuadé la société (franchisée) de contracter ».

      François-Luc Simon a été très clair en réponse à une question sur le sujet : « Même si un événement important survient 48 heures seulement avant la signature du contrat, il faut le signaler au partenaire et en cas de doute, ajouter un nouveau délai de 20 jours ». On le voit la prudence est de mise, côté franchiseur, en matière de DIP. Les futurs franchisés, affiliés, etc. peuvent s’en inspirer pour eux-mêmes.

      Les textes à connaître

      *Code de commerce

      La loi sur le DIP ou loi Doubin du 31 décembre 1989 est devenue l’article L.330-3 du code de commerce. Son décret d’application, qui liste en détail les informations à communiquer, publié le 4 avril 1991, est désormais l’article R.330-1 du même code. Prenez connaissance de ces textes avant de lire votre DIP.

      *Code civil

      Voir notamment l’article 1112-1 qui commence ainsi : « Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. »