Le projet de loi de Frédéric Lefebvre pour renforcer les droits des consommateurs contient un article choc visant les pratiques d’affiliation des réseaux de distribution. Sur plusieurs points, il suit l’Avis de l’Autorité de la Concurrence de décembre 2010 qui réclamait plus de liberté pour les affiliés.
Frédéric Lefebvre, secrétaire d’Etat en charge notamment du commerce, a présenté mercredi 1er juin en Conseil des Ministres un projet de loi dont l’article premier vise les réseaux de distribution.
Destiné à être, à terme, inséré dans le Code de commerce à la suite de la loi Doubin, ce texte fait suite aux recommandations de l’Autorité de la Concurrence, en date du 7 décembre dernier, concernant les contrats d’affiliation des groupes de la distribution alimentaire.
Faciliter les changements d’enseigne des affiliés
Objectif de cet article de loi, selon le ministère : « faciliter le changement d’enseigne » des affiliés, afin de permettre aux consommateurs de « bénéficier de l’impact positif sur les prix (…) d’une concurrence plus vive entre les distributeurs ».
Techniquement, « il s’agit de faciliter la sortie du réseau en limitant la durée des contrats d’affiliation et des clauses post-contractuelles de non-concurrence ». De même, « il s’agit de redonner de la clarté aux relations contractuelles existantes dans ces réseaux et regroupements ».
Améliorer l’information précontractuelle des candidats
Pour ce faire, le texte gouvernemental, qui devrait être examiné « début juillet » par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, prévoit tout d’abord l’amélioration de l’information pré-contractuelle des candidats à l’affiliation.
La convention d’affiliation devrait dorénavant être « formalisée par un document unique » comprenant non seulement le classique contrat d’enseigne, mais aussi par exemple le contrat d’approvisionnement, et précisant la durée de tous ces accords ainsi que la date d’échéance de la convention dans son ensemble. (Seul le contrat de bail, qui obéit à d’autres règles, n’est pas concerné).
Un texte obligatoire pour la grande distribution alimentaire
S’il vise, a priori, tous les réseaux de distribution, ce texte sera « obligatoire » seulement pour certains d’entre eux (la grande distribution alimentaire en fait).
Un décret indiquera précisément « les secteurs d’activité pour lesquels et les seuils de surface et de chiffre d’affaires en deçà desquels » il pourra « être dérogé à cette obligation ».
Ce même décret qui sera « pris après avis de l’Autorité de la Concurrence« précisera également « le délai dans lequel les conventions d’affiliation obligatoires (pourront) être résiliées avant leur échéance ». Et surtout, il fixera, pour ces réseaux, « la durée maximale » de la convention « qui ne (pourra) être supérieure à dix ans ». On se rappelle que l’ADC a, pour sa part, recommandé 5 ans. Une durée, qui, on le sait, pose problème à plusieurs des groupes concernés. Autre précision : la convention ne pourra en aucun cas être renouvelable par tacite reconduction.
Un décret à venir limitera la durée des contrats
Toujours pour ces réseaux, les droits d’entrée éventuels ne pourront pas être payés en bloc à la fin de l’échéance, mais plutôt au début (lors de la signature du contrat). En cas d’étalement du paiement, les versements dus au titre de la dernière année ne pourront « excéder 20 % du total ». Il s’agit là, comme l’a souhaité l’ADC, de lever un frein aux sorties de réseaux des affiliés.
Pour finir, les clauses de non-concurrence post-contractuelles ne pourront dépasser un an et ne pourront s’appliquer qu’aux biens et services objet de la convention « et aux terrains et locaux à partir desquels » la convention a été souscrite. Ce dernier point est conforme aux recommandations de l’ADC et au droit européen dans son interprétation la plus stricte. Il décevra, toutefois, les avocats des affiliés qui souhaitent eux une suppression pure et simple de ces clauses.
La nouvelle loi s’appliquerait à partir du 1er juillet 2012
Ce texte de loi, qui devrait, selon le site du ministère, « être adopté d’ici la fin de l’année » entrera en vigueur pour les contrats conclus à compter du 1er juillet 2012. Les groupes concernés auront jusqu’au 1er janvier 2014 pour « remplacer » leurs contrats actuels par des conventions conformes.
Plusieurs des recommandations de l’ADC ne sont pas reprises par le projet de loi. Par exemple, celles qui concernaient les droits de priorité ou de préemption de l’enseigne. Leur limitation a soulevé la plus vive inquiétude des groupements. Ils ont manifestement été entendus. De même, l’ADC souhaitait que la participation des franchiseurs au capital de leurs franchisés soit davantage encadrée. Le projet de loi n’en parle pas.
Il n’empêche, le ministre vient d’afficher, guère plus de 6 mois après la publication de l’Avis de l’ADC, une volonté de légiférer qui va faire grincer bien des dents, sans forcément donner satisfaction à ceux qui voudraient plus de concurrence entre les grands groupes de la distribution alimentaire.