Un franchiseur vient de voir un de ses contrats annulé par la Cour de cassation. Pour avoir transmis des prévisionnels « irréalistes » à un futur partenaire. Mais aussi pour avoir omis de signaler à ce candidat, intéressé par une implantation en région, que la première – et alors seule – unité franchisée non-parisienne du réseau était en difficulté…
Le 3 avril 2012, la Cour de cassation (chambre commerciale) a pris plusieurs décisions qui concernent la franchise. L'une d'elles rappelle les tables de la loi en matière d'informations précontractuelles en confirmant un arrêt de la cour d'appel de Paris de janvier 2011.
Dans ce litige, opposant un franchiseur à un ex-franchisé, la cour pointe deux erreurs majeures du franchiseur. D'abord la transmission (lors des faits, en 2000), de prévisionnels « irréalistes » à son futur partenaire. En l'occurrence des chiffres d'affaires de 380 000 euros en année 1 et 487 000 euros en année 2 pour un seul point de vente, alors que la société franchisée, à la tête de plusieurs unités, « ne dépassera jamais 356 000 euros après plusieurs années d'exercice » (constat des juges).
De même, la rentabilité ne sera pas au rendez-vous. Des pertes récurrentes de plusieurs dizaines de milliers d'euros prenant la place des 18 à 20 % de résultat d'exploitation évoqués initialement.
Informations « sciemment occultées »
Deuxième erreur du franchiseur, toujours commise dans cette phase précontractuelle : l'omission d'informations essentielles au consentement du futur partenaire. Ainsi, le réseau fait-il état, dans le DIP (Document d'Information précontractuelle) remis au franchisé le 15 mai 2000 « de 7 points de vente (…) dont 6 à Paris et un seul situé en province, à Lyon ». Or, précisément, la société lyonnaise qui a ouvert cette unité en 1994 a connu des difficultés et subi des pertes qui vont la conduire, en juin 2000, à la cessation d'activité.
Une situation qu'aux yeux des magistrats, le franchiseur « ne pouvait ignorer ». « En faisant figurer cette franchise lyonnaise dans sa documentation, écrivent les juges d'appel, (le franchiseur) montrait à (son futur partenaire) que le modèle économique de (sa franchise) était viable en province, en dépit (…) de prix de vente (au consommateur) moins élevés et de frais de transport (des) marchandises et de (…) gestion des stocks plus élevés que ceux pratiqués et supportés par les points de vente situés à Paris ». Or, le contrat du franchisé prévoyait justement… « l'exploitation de plusieurs points de vente en province ».
Contrat annulé
Pour la Cour de cassation, le franchisé a donc été amené à s'engager « sur la foi des informations fausses et trompeuses communiquées par le franchiseur ». Plus : celui-ci a « volontairement déformé la réalité du réseau en occultant sciemment les difficultés de son développement en province, procédant à une rétention d'informations essentielles mettant en cause la viabilité de l'exploitation ».
« La cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir le caractère déterminant des manœuvres déployées », a donc, selon la Haute-Cour, « fait l'exacte application des articles L 330-3 du code de commerce (Loi Doubin) et 1116 du code civil ».
En conséquence, le contrat de franchise concerné est annulé et le franchiseur devra verser quelque 389 000 euros à son ex-partenaire. A noter : peu après cette tentative du début des années 2000, le réseau concerné, spécialisé dans la fabrication et la vente de produits haut de gamme, a renoncé à tout développement en province, pour se consacrer à Paris et à l'international.