Le savoir-faire d’un franchiseur n’a pas besoin d’être original. S’il permet à des néophytes d’apprendre un nouveau métier, sa réalité est démontrée. C’est en tout cas la position, récemment confirmée, de la Cour de cassation.
La Cour de cassation vient de rendre, en matière de savoir-faire du franchiseur, une décision éclairante pour tous les acteurs de la franchise. Le 3 mai 2012, elle a cassé partiellement trois arrêts de la cour d'appel de Paris du 9 février 2011. Ces arrêts concernaient des ex-franchisés Pétrin Ribeïrou en litige avec leur franchiseur.
Pour la cour d'appel, qui avait prononcé la nullité du contrat de franchise, le savoir-faire du franchiseur était « dépourvu de toute substantialité ». Suivant les conclusions de certains experts, les magistrats de Paris avaient estimé que « le procédé de panification, (…) bien connu des boulangers (n'était) qu'une adaptation des méthodes traditionnelles (permettant) d'obtenir des gains de productivité ».
La conception de la Cour de cassation est visiblement différente. « En se déterminant ainsi, écrivent les Hauts Magistrats, sans rechercher si le savoir-faire transmis, à la date du contrat, ne comportait pas un ensemble de techniques, informations et services qui permettait à la société (du franchisé) dépourvue de toute formation ou expérience dans le domaine de la boulangerie, de prendre en main un tel commerce en mettant en œuvre des procédés qu'elle n'aurait pu découvrir qu'à la suite de recherches personnelles longues et coûteuses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ».
En conséquence, la Cour casse et annule les arrêts du 9 février 2011, en tout cas dans leurs conclusions touchant à l'annulation du contrat. Elle renvoie les parties devant la cour d'appel de Paris « autrement composée ». Qui, sauf surprise, devrait s'aligner. La position de la Cour de cassation n'est d'ailleurs pas nouvelle. Elle confirme celle déjà prise, le 20 septembre 2011, à propos de la même enseigne et de son savoir-faire.
S'il n'apparaît qu'en filigrane, le message de la Chambre commerciale, économique et financière de la Cour de cassation est clair. Il va également bien au-delà du seul litige tranché ici. Pour la Haute Cour, le savoir-faire d'un franchiseur (de boulangerie en l'occurrence) ne se mesure pas seulement en termes de savoir-faire « métier » (la manière de fabriquer le pain), mais aussi (et peut-être surtout) en termes de savoir-franchiser (c'est-à-dire la capacité à transmettre ce métier à des néophytes).
Références : Cass, com 11-14.289, 11-14.290, 11-14.291