La Cour de cassation vient de valider la requalification d’un contrat de franchise en contrat de travail. Bien que le franchiseur n’ait pas imposé les prix de vente de ses marchandises à sa franchisée.
La Cour de cassation a confirmé, le 16 septembre dernier, une décision d’appel accordant le statut de gérante de succursale à une ex-franchisée qui le réclamait.
Selon le franchiseur, il n’y avait pas lieu pourtant de requalifier ainsi son contrat de franchise (de 2007) puisque deux des conditions prévues par le Code du travail n’étaient pas remplies :
-1.Le local dans lequel exerçait l’exploitante n’était, selon l’enseigne, plus agréé par elle (puisque ne correspondant plus, depuis 1997, aux normes qu’elle recommandait).
-2.Les prix de vente des marchandises n’étaient pas imposés, mais simplement conseillés (seul un prix maximum étant imposé – en cas de campagne promotionnelle – comme le droit européen de la concurrence l’autorise).
La Cour n’a pas retenu cette argumentation et a approuvé la cour d’appel de Bordeaux. Selon laquelle, d’abord, « en poursuivant la relation contractuelle puis en concluant un contrat à durée indéterminée », malgré la non-conformité du local aux normes de l’enseigne, celle-ci « avait nécessairement maintenu son agrément pour toute la période contractuelle ». (La Cour retient aussi que le franchiseur avait refusé sans justification six propositions de transfert du local de la franchisée.)
Quant aux prix de vente, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette également les arguments du franchiseur. Peu importe que ses pratiques puissent être licites au regard du droit de la concurrence. Cette « circonstance (…) est dépourvue de lien avec la prise en considération (…) de l’existence de prix imposés aux gérants de ses succursales »…
La Cour de cassation ouvre un boulevard aux franchisés
Autrement dit la notion de prix imposés ne serait pas la même selon le droit de la concurrence et le droit du travail ?
Cette décision – publiée par la Cour dans son bulletin afin de souligner son importance – a fait réagir les avocats et commentateurs du droit de la franchise.
« Le fournisseur exclusif ou quasi-exclusif (de marchandises) qui fournit ou agrée le local de son distributeur et lui impose des conditions de commercialisation des produits ne saurait lui prodiguer un simple conseil sur les prix sans tomber du même coup sous l’emprise du droit social« , analyse Maître Anne-Cécile Martin (Université Paris 13) dans la « Lettre de la distribution ».
Tandis que, dans la « Lettre des réseaux », Maître François-Luc Simon ajoute : « Les distributeurs indépendants (franchisés, affiliés, concessionnaires, etc.) devraient invoquer de plus en plus souvent les dispositions protectrices de l’article L.7321-2 du Code du travail relatif au statut de gérant de succursale, tant il est vrai que, par cette décision, la Cour de cassation facilite considérablement les conditions d’application de ce texte. »
En l’espèce, la requalification du contrat s’accompagne d’une condamnation du franchiseur à payer à son ex-franchisée des heures supplémentaires, une indemnité conventionnelle de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (soit au total plus de 75 000 euros).
A lire aussi sur le sujet :
-Un contrat de commission-affiliation requalifié en contrat de travail
-Des contrats de franchise requalifiés en contrat de travail
-Un contrat d’adhésion requalifié en contrat de travail
-Tous les articles sur Contrat de travail