L’auteur attire l’attention sur une décision récente de la Cour de cassation, qui pourrait selon lui avoir d’importantes répercussions, notamment en rendant plus difficile lors d’éventuels litiges avec leurs franchiseurs la stratégie de défense des franchisés demandant la nullité de leur contrat.
Dans les contentieux qui opposent franchiseurs et franchisés, beaucoup de ces derniers tentent d’échapper à une condamnation en soulevant en défense, la nullité du contrat de franchise.
C’est l’exception classique de nullité bien connue des plaideurs. Elle se fonde en général sur le dol, et notamment la violation de la loi Doubin.
Un récent arrêt de la Cour de Cassation semble devoir remettre en cause le bien-fondé d’un tel système de défense (1° Civ, 20 mai 2009, Sté Epargne Actuelle c/ Santé Equilibre Performance).
Une société cède à une autre un cabinet de courtage. Une seconde convention est ensuite régularisée entre les parties, destinée à régler le sort de certaines commissions.
Le cédant assigne le cessionnaire en paiement. Ce dernier se défend en soulevant l’exception de nullité de la seconde convention.
La Cour d’Appel rejette l’exception de nullité en précisant que celle-ci « peut seulement jouer pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte juridique qui n’a pas encore été exécuté ».
L’arrêt est cassé d’une manière assez surprenante :
« Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si la nullité invoquée était une nullité relative alors que seule une telle qualification la rendait inopposable en cas d’exécution de l’obligation découlant de l’acte, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ».
Autrement dit, un acte ayant reçu un commencement d’exécution ne peut plus être annulé si la nullité invoquée est relative.
Or, on sait que le dol d’un franchiseur ne peut constituer qu’un cas de nullité relative. Il est donc légitime de s’interroger sur le trouble que pourrait jeter cet arrêt dans le contentieux de la franchise.
Cette décision peut s’expliquer simplement : la nullité absolue est une nullité d’ordre public, destinée à protéger l’intérêt général. La nullité d’un acte entaché de nullité absolue ne peut donc jamais être couverte.
Au contraire, la nullité relative n’est destinée qu’à protéger des intérêts privés. Seule la partie lésée peut se prévaloir de cette nullité, ou y renoncer expressément ou tacitement (article 1338 du code civil). L’exécution volontaire de l’acte constitue ainsi un cas de ratification tacite et, partant, de renonciation à exercer l’action en nullité.
Mais pour que cette renonciation soit valable, encore faut-il que l’acte ait été exécuté volontairement postérieurement à la découverte du vice, ainsi que le précise l’alinéa 2 de l’article 1338.
D’une manière très étonnante, la Cour de Cassation ne s’embarrasse pas de telles subtilités. Elle laisse entendre que tout acte ayant reçu un commencement d’exécution ne peut plus être attaqué en nullité pour dol, peu important que la partie lésée ait eu connaissance du vice lorsqu’elle a exécuté le contrat.
Cet arrêt assez peu orthodoxe, puisqu’il viole l’article 1338 du code civil, ravira les franchiseurs et mettra de nombreux franchisés dans l’embarras.
Reste à savoir si cette position de la Chambre civile de la Cour de cassation se verra confirmée par d’autres arrêts, notamment par la chambre commerciale. Toujours est-il que cette jurisprudence, destinée par la Cour à une large publicité, pourrait bien bousculer la physionomie du contentieux de la franchise.