Selon l’auteur, L’ADC émet de sérieuses réserves sur la validité et légitimité des clauses dans les contrats de franchise au regard de l’analyse factuelle des savoir-faire des enseignes alimentaires (Avis du 7.12.2010)
L’ADC émet de sérieuses réserves sur la validité et légitimité des clauses dans les contrats de franchise au regard de l’analyse factuelle des savoir faire des enseignes alimentaires (Avis du 7.12.2010)
Le débat n’est pas nouveau. Inlassablement, les partisans du Pour et du Contre font valoir depuis des années leurs arguments. Les Pour invoquent la protection du savoir-faire, paravent théorique que l’autorité de la concurrence démonte clairement en stigmatisant l’absence, dans les faits, de justification des clauses de non-concurrence ou non-affiliation du fait du peu de différenciation d’une enseigne à une autre, l’absence d’originalité d’une bonne partie des savoir-faire revendiqués par les franchiseurs.
L’Avis porte certes sur le secteur des enseignes d’alimentation, mais il est transposable dans tous les secteurs de la franchise de distribution, constituant pour les franchiseurs le maître étalon dont il faut tenir compte en la matière.
Il est ainsi constaté :
– Qu’une part du savoir faire est ‘observable’ dans les lieux de vente, visible aux yeux de tous. Il est nécessairement d’ores et déjà ‘divulgué’ aux concurrents, tombé dans le domaine public des enseignes en quelque sorte. La clause de non-concurrence ou de non-affiliation est donc inutile car vaine à sa protection.
– Qu’une part du savoir-faire, bien que non visible, n’a rien de spécifique ni d’original puisque pratiqué par toutes les enseignes. Il s’agit ni plus ni moins des règles de l’art et compétences que se doivent d’avoir ou d’acquérir les exploitants.
– Que s’agissant encore de ces compétences acquises, elles font partie intégrante de l’expérience de l’exploitant, dont on ne saurait l’amputer en le privant pour l’avenir d’en faire bon usage.
Ce ne serait donc que pour la partie de savoir-faire qui serait effectivement spécifique à l’enseigne, non visible des concurrents, telle que la politique promotionnelle, que pourrait se justifier à la rigueur la clause de non-concurrence. Mais, là encore, l’autorité de la concurrence estime que la clause de confidentialité généralement prévue dans les contrats suffit à la protection du savoir-faire.
Il est de surcroit constaté que ces spécificités relèvent généralement de stratégies propres à chaque enseigne. Or le franchisé, qui n’est pas maître de la stratégie, doit, s’il vient à changer d’enseigne, adopter celle du nouveau franchiseur sans reproduire celle de son ancien franchiseur. En réalité, le risque de transfert de ce savoir-faire spécifique d’une enseigne à une autre est très limité.
Au regard des arrêts de la Cour de cassation rendus ces dernières années, nous avions pour notre part attiré l’attention des franchiseurs sur la nécessité de revoir sur ce point leur ingénierie contractuelle.
Nous avions émis de sérieux doutes sur la validité des clauses de non-concurrence systématisées par les rédacteurs, reproduites de contrats en contrats dans des termes généraux, sans qu’il soit mené une réflexion destinée à caractériser pour chaque franchise ce sur quoi doit porter exactement la protection recherchée. Nous écrivions en particulier : « Pour tenir la route, la clause de non-concurrence doit être hyperspécialisée, viser au plan concret les applications opérationnelles que l’on veut protéger » sous peine d’invalidité, et donc d’inefficacité. (voir article Mauvais temps pour les clauses de non affiliation dans les contrats de franchise , du 20.02.2008.
L’avis de l’Autorité de la concurrence va certainement renforcer l’opinion générale en défaveur des clauses de non-concurrence. Or, si elles sont inefficaces au plan juridique pour la protection des franchises, parce que trop générales et non justifiées, il ne faudrait pas que la seule efficacité qui demeure soit celle de dissuader les candidats à signer le contrat.
Lire aussi :
Frédéric Fournier : les recommandations de l’Autorité de la concurrence concernent-elles tous les réseaux de franchise ?,
Gilbert Mellinger : « L’avis de l’autorité de la concurrence est perturbant »,
Jean-François Tessler : « Un avis intéressant »