Les programmes de fidélisation – réductions et remises proposées aux consommateurs – soulèvent des questions fiscales, notamment en matière d’impôt sur les sociétés.
Franchiseurs et franchisés sont amenés, pour dynamiser leurs ventes, à mettre en place des programmes de fidélisation : lors d’un premier achat, le vendeur s’engage à accorder une remise (ou un cadeau) pour l’achat d’un deuxième produit ou à l’issue d’un cumul d’achats ultérieurs.
En matière d’impôt sur les sociétés, deux problématiques fiscales se posent, sur l’engagement contracté par l’entreprise vis-à-vis du client :
- doit-on rattacher la charge à l’exercice du premier achat, ou de l’achat ultérieur qui permet la réduction effective ?
- comment évaluer la probabilité d’exercice de ses droits par le client ?
Lorsqu’une entreprise promet une réduction sur un achat ultérieur, la traduction comptable de cet engagement est soit une provision1, soit un produit constaté d’avance. En effet, on considère que la charge doit être rattachée à l’exercice au cours duquel nait l’engagement de fournir la réduction. Si l’entreprise choisit de constater une provision, se posera la question de la déductibilité fiscale de cette provision.
L’administration fiscale va suivre un avis du Conseil d’Etat
En 2006, le Conseil d’Etat2 a sécurisé la position du contribuable, s’agissant d’un coupon de réduction apposé sur un baril de lessive, donnant droit à une réduction lors de l’achat ultérieur du même produit. Il a jugé que la provision destinée à faire face à la charge potentielle correspondant à l’utilisation d’un bon de réduction était déductible.
Mais l’administration fiscale, interprétant strictement cet arrêt refusait la déduction des provisions constituées pour faire face aux réductions ou aux cadeaux accordés en contrepartie d’un cumul d’achats.
Dans un avis rendu le 27 octobre 2009, le Conseil d’Etat précise dans quelles conditions de telles provisions peuvent être déduites fiscalement. La provision pour charges doit être (i) évaluée sur la base des droits à récompense octroyés au client et non sur la base de la récompense promise, en fonction de la probabilité d’exercice de ces droits, et (ii) au fur et à mesure de l’attribution de ceux-ci et non pas seulement à compter de l’exercice au cours duquel le dernier achat permettant d’atteindre le nombre minimum de points requis pour l’utilisation de ces droits, a été réalisé. L’administration fiscale entend vraisemblablement se conformer à cet avis.
Comment les franchisés peuvent-ils justifier leurs provisions ?
Toute la difficulté pour les entreprises est de justifier le montant de leurs provisions sur la base de statistiques fiables, élaborées à partir de leur propre expérience, à l’exception des références statistiques concernant le secteur ou la profession3.
Un franchisé pourrait-il bénéficier de statistiques issues de précédentes opérations de fidélisation menées par d’autres franchisés ou par le franchiseur du réseau auquel il appartient ?
Bien que la jurisprudence n’ait pas eu à se prononcer sur ce cas particulier, on pourrait soutenir qu’un franchisé qui vient de démarrer son activité peut s’appuyer sur les données statistiques de son réseau puis affiner le mode de détermination de ses provisions en fonction de sa propre expérience. En revanche, l’utilisation de statistiques fournies par le réseau pour un franchisé installé depuis plusieurs années ne devrait pas pouvoir remplacer l’utilisation des données issues de sa propre expérience.
1 CU CNC n°2004-E du 13 octobre 2004
2 CE 2 juin 2006, n°269997, Lever-Fabergé
3 CE7 novembre 1975 n°86-136