« A Paris, le groupe Casino possède une part de marché en surface supérieure à 60 % », a estime l’Autorité de la concurrence dans son avis du 11 janvier 2012. Avocat conseil en droit de la distribution, l’auteur examine les arguments de l’Autorité et leurs conséquences pour les réseaux.
L’Autorité de la Concurrence saisie par la Ville de Paris vient de rendre un avis n° 12-A-01 du 11 janvier 2012 relatif à la situation concurrentielle dans le secteur de la distribution alimentaire à Paris, en particulier celle de Casino. L’ADLC relève que l’importance de la part de marché en surface de Casino dans Paris intra-muros est due à l’acquisition des enseignes Franprix et Leader Price, puis au contrôle conjoint du groupe Monoprix avec les Galeries Lafayette (validé par le Ministre de l’économie en 2000 dans le cadre du contrôle des concentrations).
Ayant procédé par estimation (point 64 de l’Avis), en l’absence de données de certaines autres enseignes, l’ADLC estime que les enseignes du groupe Casino lui donnent à Paris intra-muros un poids prépondérant, de 61,7% en part de surfaces de vente et de 54 à 66% en part de chiffre d’affaires.
L’ADLC estime que les hypermarchés, 4 dans Paris intra-muros (bientôt un nouveau à Paris à la Madeleine), les supermarchés, superettes et petits libre-service ne sont pas en situation de concurrence sur le marché avec les commerces de bouche spécialisés et l’e-commerce pourtant animé par les enseignes de grande distribution.
Casino défend une approche plus large du marché
Casino défend une approche plus large du marché permettant de définir sa part de marché avec Casino et Monoprix à 36,5%.
Quant au marché géographique (zone de chalandise), l’ADLC retient la distance d’accès de 500 mètres du domicile du client et 2 km pour les hypermarchés. Le maillage est en faveur du groupe Casino. L’ADLC indique alors que « l’incitation des magasins du groupe Casino à réduire les prix pour attirer de nouveaux clients est naturellement faible : vraisemblablement, une forte proportion des clients qui seraient attirés par les prix bas d’un magasin Franprix proviendrait d’un autre magasin du groupe Casino » (point 144). La concurrence mais dans le même groupe…
Cependant, aucun effet de cette situation sur les prix n’est véritablement démontré, à l’exception de l’existence de prix élevés.
Le débat sur le projet de loi Lefebvre relancé
Par ailleurs, l’ADLC s’est interrogée sur les barrières à l’accès au marché. L’essentiel tient non à Casino mais aux lois, réglementation municipale (PLU, zones protégées…) et coûts d’investissement pour s’implanter à Paris. Cependant, le coût ainsi supporté n’est pas pris en considération à « décharge » de Casino, par l’ADLC, sauf au point 162de l’Avis : « L’installation d’un magasin à Paris supposerait des coûts importants pour un chiffre d’affaires inférieur à celui réalisé dans des supermarchés de périphérie ».
L’ADLC recommande la suppression des autorisations administratives d’implantation pour les surfaces de plus de 1 000 m² cause d’ »incertitude » et « délais » et, par un tropisme défavorable à la grande distribution, oubliant que les franchisés ou affiliés sont rares à Paris, la suppression des clauses de préférence, préemption, de non-concurrence, de non-réaffiliation selon l’avis n° 10-A-26 relatif aux contrats d’affiliation de magasins indépendants. C’est tout le débat du projet « Lefebvre » que l’on relance. Cependant, mettre en cause Casino ici, c’est se voiler la face sur des entreprises bien plus vigoureuses en termes de contraintes contractuelles et post-contractuelles.
Que déduit l’ADLC de ces constatations ? Une loi devrait être prise pour lui permettre d’imposer des cessions à des entreprises en position dominante. C’est faire fi de l’exigence élémentaire d’un abus en matière de position dominante.
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