Le franchiseur est tenu de fournir un Document d’information précontractuel ou DIP à tout candidat à la franchise. Mais qu’en est-il en cas de cession du contrat ? Sandrine Richard, avocat, explique la position de la Cour de cassation.
La Cour de cassation s’est récemment prononcée sur cette question par un arrêt du 21 février 2012 concernant un contrat de concession, espèce totalement transposable au contrat de franchise (Cass. com., 21 février 2012, pourvoi n°11-13.653, publié au Bulletin).
Dans cette affaire, un concessionnaire avait cédé son fonds de commerce à un tiers, en ce compris son contrat de concession ; le cessionnaire avait été agréé par la tête de réseau, par un avenant à ce contrat de concession. Aucune des informations prévues par les articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce n’avait été communiquée au concessionnaire repreneur.
Le cessionnaire du contrat a-t-il droit à une information précontractuelle ?
Invoquant le non-respect par le concédant de l’obligation précontractuelle d’information prévue par l’article L. 330-3 précité, la société cessionnaire l’avait assigné en paiement de dommages-intérêts.
La cour d’appel rejeta cette demande considérant que l’obligation d’information précontractuelle, édictée par l’article L. 330-3 du code de commerce, s’impose au concédant avant la conclusion du contrat de concession, et « non lors d’une cession d’un contrat en cours entre concédants prédécesseur et successeur » (CA Poitiers, 11 janvier 2011, RG n°08/03425, Juris-Data n°2011-015457).
La position de la cour d’appel pouvait s’entendre dans une stricte application de l’article L. 330-3 précité, qui ne vise que la seule « conclusion » du contrat, donnant ainsi à penser que l’application de ce texte à la cession du contrat serait contra legem, c’est-à-dire contraire à la loi.
Le pourvoi formé contre cette décision faisait notamment valoir que le concédant a le devoir d’informer le concessionnaire substitué sur les conditions de la concession, en particulier sur l’état du réseau qu’il s’apprêtait à rejoindre, et qu’en disant que le concédant n’avait aucune obligation d’information à l’égard du concessionnaire substitué, aux motifs qu’il n’y avait pas « conclusion » d’un nouveau contrat de concession mais « cession » de ce contrat, la cour d’appel de Poitiers avait donc violé ensemble l’article 1134 du code civil, et les articles L.330-3 et R.330-1 5° du Code de commerce.
Oui, répond la Cour de cassation
L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation tranche le débat : la haute juridiction précise : « en statuant ainsi, alors que le concédant avait agréé la société cessionnaire en qualité de nouveau concessionnaire et qu’une telle modification du contrat initial imposait que le concédant fournisse à son nouveau cocontractant les informations lui permettant de s’engager en connaissance de cause à exécuter le contrat de concession, la cour d’appel a violé le texte précité ».
Par le passé, la chambre commerciale avait déjà affirmé cette solution (Cass. com., 7 janvier 2004, pourvoi n°02-12.366, Let. distrib. février 2004), mais celle-ci était demeurée relativement inaperçue. Une jurisprudence postérieure ne l’avait d’ailleurs pas suivie, cette dernière ayant considéré au contraire qu’en cas de cession par un franchisé de son contrat de franchise, il incombait à ce dernier de donner au cessionnaire du contrat les informations suffisantes pour qu’il contracte en connaissance de cause.
Cette jurisprudence rendait ainsi le franchisé cédant débiteur de l’obligation d’informations précontractuelle édictée aux articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce (CA Metz, 23 septembre 2008, Juris-Data n°2008-371948), ce qui était tout à fait surprenant puisque le franchisé ne détient pas nécessairement l’ensemble des informations exigées par la loi.