La Cour d’appel de Paris vient de se prononcer sur renvoi après un arrêt largement débattu sur notre site de la Cour de cassation daté du 4 octobre 2011. L’auteur, avocat des franchiseurs, rappelle son point de vue sur la question et commente la dernière décision.
Par arrêt en date du 12 septembre 2013 (RG : 11/19074), la 5ème Chambre du Pôle 5 de la cour d’appel de Paris vient de se prononcer sur renvoi après le fameux arrêt de la Cour de cassation du 4 octobre 2011 qui avait fait couler beaucoup d’encre (Cass. com, 4 oct. 2011, pourvoi n° 10-20956).
Annulant l’arrêt qui avait été rendu le 19 mai 2010 par la 4ème Chambre du Pôle 5 de la cour d’appel de Paris, la Cour de cassation avait fait grief à cette dernière de ne pas avoir recherché, « après avoir constaté que les résultats du franchisé s’étaient révélés très inférieurs aux prévisions et avaient entraîné rapidement sa mise en liquidation judiciaire (…), si le consentement du franchisé avait été déterminé par une erreur substantielle sur la rentabilité de l’entreprise ».
En octobre 2011, une décision saluée par les avocats des franchisés
Les avocats des franchisés avaient immédiatement et unanimement salué cette décision qualifiée par l’un d’« excellente décision » qui faisait entrer la rentabilité de l’entreprise franchisée « dans le champ juridique du consentement donné par le franchisé lorsqu’il signe le contrat » et par un autre d’arrêt « qui ne passera pas inaperçu » et qui – « au visa de l’article 1110, siège de l’erreur » – justifierait l’annulation du contrat, « peu important l’attitude du franchiseur ».
Un auteur – par ailleurs également conseil des franchisés – tenait même cet arrêt pour « subversif » en ce que « l’erreur sur la rentabilité de l’activité entreprise apparaît a priori comme une erreur sur la valeur et qu’admettre la nullité d’un contrat de franchise pour une telle erreur n’allait pas de soi » (N. Dissaux, Revue de Droit des Contrats, juillet 2012, p. 1081).
Il était cependant permis de ne pas partager ces analyses et de se demander si cet arrêt constituait vraiment une « bombe contre les franchiseurs ».
L’enjeu était de taille : fallait-il admettre que l’annulation d’un contrat de franchise pourrait découler, non pas de manoeuvres du franchiseur, mais du seul fait que le franchisé aurait commis une « erreur sur la rentabilité » ?
Les franchiseurs allaient-ils devenir débiteurs d’une obligation de rentabilité, alors même qu’ils ne doivent, ni ne peuvent s’immiscer dans la gestion des franchisés ?
L’arrêt de janvier 2013 ne reprend pas la notion d’erreur sur la rentabilité
Non sans souligner que « la formule passablement elliptique, qui justifie la censure de l’arrêt attaqué, n’est pas dépourvue d’ambiguïté, ce qui peut justifier plusieurs interprétations et explique sans doute la non publication au Bulletin », un auteur faisant autorité relevait que « l’inexactitude, même involontaire, des prévisions fournies peut être invoquée pour établir, rapprochée des résultats obtenus et de la rapide mise en redressement judiciaire du franchisé, l’inaptitude de l’objet à sa destination » (J. Ghestin, La Semaine Juridique, éd. G, n° 6, 06/02/12, 135).
Or – et l’on ne peut que s’en réjouir pour les franchiseurs, surtout en cette période de morosité économique – l’arrêt de renvoi ne reprend pas cette notion d’erreur sur la rentabilité pour fonder l’annulation du contrat de franchise.
Reprenant un raisonnement classique et relevant que « le franchiseur ne démontre pas que le franchisé a commis des fautes de gestion qui seraient à l’origine de ses résultats mais évoque des circonstances qui auraient dû être intégrées dans un prévisionnel sérieux » et que par ailleurs « le chiffre d’affaires réalisé n’a jamais dépassé 30 % du prévisionnel », la cour de renvoi s’est attachée à établir un « déficit d’analyse (…) aggravé par un manque de rigueur dans l’analyse des charges auxquelles le franchisé allait devoir faire face ».
Ainsi et loin de faire de l’erreur sur la rentabilité le motif de sa décision, la cour de renvoi fonde sa décision d’annulation du contrat de franchise sur le fait que « le franchisé a été déterminé à conclure (…) sur la base d’éléments trompeurs, lui laissant escompter des résultats bénéficiaires ».
Par où l’on voit que l’erreur a été provoquée et qu’il ne suffit pas à un franchisé de se plaindre d’un défaut de rentabilité pour prétendre voir annuler son contrat.
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