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      Franchise : l’incontournable combat du chiffre d’affaires

      Tribune publiée le 14 mai 2014 par Jean-Louis MOCHAMPS
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      Comme beaucoup d’acteurs économiques de la distribution, la franchise est confrontée à une baisse tendancielle et sensible des chiffres d’affaires, rappelle l’auteur, lui-même franchiseur. La période actuelle ouvre selon lui « trois fronts dans la bataille pour le chiffre d’affaires » : la consommation, l’immobilier commercial et le e-commerce.

      Le mauvais temps économique persiste. La franchise est sous tension. Comme beaucoup d’acteurs économiques de la distribution, elle est confrontée à une baisse tendancielle et sensible des chiffres d’affaires. Mais voilà, le chiffre d’affaires dans la franchise, c’est le cœur du réacteur. La franchise organise en effet un partage de la valeur ajoutée dont la part qui revient au franchisé dépend directement du chiffre d’affaires. C’est donc parce que la franchise a développé une capacité à générer du chiffre d’affaires dans des environnements géographiques et commerciaux variés qu’elle est devenue un système puissant et répandu. Les charges répétées d’un environnement économique chahuté, de la création tout azimut de mètres carrés commerciaux et de la prise de parts de marché par l’e-commerce fragilise le système de la franchise. Au point que la question fondamentale émerge : la franchise tiendra-t-elle le choc ?

      Il faut dire que la franchise est avant tout un outil de développement, de conquête commerciale et territoriale. Elle se développe aux Etats-Unis dès la fin de la seconde guerre mondiale et en France à partir des années 1970. C’est-à-dire pendant la période des 30 glorieuses. Elle profite pleinement de trois facteurs d’expansion : un contexte de croissance économique favorable à la consommation, le besoin de développement commercial des territoires locaux et enfin, l’émergence d’une population d’entrepreneurs disposant d’une capacité d’investissement. Pour accélérer encore plus leur développement, les franchiseurs ont également fait deux choses.

      Premièrement, ils ont concentré le champ d’intervention de la franchise aux métiers de la distribution et du retail, excluant ou limitant les activités liés aux achats et au sourcing. Deuxièmement, ils ont packagé ces activités dans un mode d’entreprenariat standardisé avec transfert de savoir-faire et accompagnement de manière à rendre le métier encore plus accessible. L’enjeu central de ces adaptations : développer l’expertise retail de manière à réaliser le meilleur chiffre d’affaires possible.

      Une atonie générale de la consommation

      La période que nous traversons ouvre trois fronts dans la bataille pour le chiffre d’affaires. Tout d’abord la franchise doit faire face à l’atonie générale de la consommation. L’enthousiasme réfréné des consommateurs disposant de moyens financiers baissiers entame le niveau d’activité. L’argent devient plus difficile à dépenser. Il faut donc augmenter la valeur de l’échange. Non seulement avec produits et des services de meilleure qualité, mais également concocter un antidote antimorosité à base d’enthousiasme, de gaîté et d’empathie envers les clients. Les magasins attentistes ont pour mission de devenir des lieux de vie où il faut bon aller. Ils doivent être ou redevenir d’autant plus séduisants et désirables qu’ils ne sont plus le maillon incontournable de l’acte d’achat. Cela signifie que la franchise, les commerçants et chefs d’entreprises franchisés se mobilisent et mobilisent leurs équipes pour faire en sorte que leurs points de vente soient réellement centrés sur le client. Heureusement, dans cette démarche, ils bénéficient d’un atout incomparable : la présence physique des clients dans les points de vente. Une chance extraordinaire et une exigence tout aussi importante. Dans le prêt-à-porter par exemple, on constate, selon le type et produits et de clientèle, qu’entre une équipe de vente investie et une équipe de vente démobilisée, l’écart de chiffre d’affaires peut atteindre 30 %.

      Un paysage commercial peu lisible

      Deuxièmement, la franchise doit affronter la complexité sans doute jamais atteinte d’un marché immobilier à la dérive. Ce dernier a produit et absorbé depuis plusieurs décennies une quantité phénoménale de mètres carrés commerciaux. A tel point que le paysage commercial s’en trouve aujourd’hui très modifié et peu lisible. Nul doute que ce fleuve de mètres carrés commerciaux alimente directement la dilution des chiffres d’affaires des points de vente. Sur ce marché, même avec des taux de rendement en baisse, les acteurs immobiliers continuent d’y être très actifs : les foncières du commerce, les investisseurs étrangers, les petits propriétaires devenus promoteurs, les collectivités territoriales en quête d’emplois et de revenus fiscaux, et même jusqu’à certains commerçants qui n’ont pu résister à suivre le transfert des gains du commerce vers l’immobilier. On aurait pu penser que les premières friches commerciales contribueraient à ralentir le rythme, mais la charge de cette cavalerie lourde semble bien difficile à stopper. D’autant que les acteurs historiques ont trouvé auprès de nouveaux entrants, souvent des fonds étrangers en quête de placements, les moyens de se délester de leurs casseroles. Bref le parc immobilier commercial français qui a progressé de 50 % durant ces 10 dernières années devrait encore progresser sensiblement. En conséquence, il semble bien qu’il ne faille attendre de personne sinon des commerçants eux-mêmes un peu plus de sagesse dans la stratégie de développement. A défaut d’une exigence accrue, ils en feront aussi les frais. Car si la franchise offre un potentiel de développement théorique infini, les territoires à couvrir ne le sont pas. Pour éviter le pire, la franchise doit faire partie du camp qui vise à donner aux réseaux de points de vente la juste dimension au regard des chiffres d’affaires à réaliser pour assurer leur pérennité. Ce qui implique de rationaliser et de repenser la quantité et la qualité des actifs magasins.

      Un parcours client bouleversé par le Web

      Restent enfin le grand méchant loup, que dis-je les quarante voleurs du chiffre d’affaires. Ceux qui ont pénétré au sein même de la bergerie du commerce et de la distribution : les acteurs Internet et surtout les pure-players du e-commerce. Comment en est-on arrivé à faire des ventes sans magasins ? se demandent les commerçants traditionnels. C’est vrai qu’en face des magasins les pure-players ont planté des entrepôts avec, en guise de vitrine et pour merchandising, leurs sites web. Le premier réflexe serait de décrier cette situation. Mais à y regarder de plus près, les clients n’ont pas trouvé sur le web que du ludique et du prix. Ils y trouvent aussi du service, du choix, de l’information, du conseil et des avis. Le Web a bouleversé le parcours clients et chamboulé la distribution. A quelle autre mission le commerçant peut-il s’attacher sinon à celle de s’adapter ?

      Ceux qui n’y voient donc pas là la fin du monde malgré les effets indéniablement très sensibles de cette révolution digitale, travaillent d’arrache-pied pour redonner au commerce physique sa place, redéfinir son rôle et ses missions. Puisque le client va sur le Net, il faut étendre les activités traditionnelles au monde numérique. Pour rester dans la course, reconstruire du chiffre d’affaires, le magasin doit se digitaliser. Il a commencé à le faire. Il devient ainsi un élément de la toile où surfent les consommateurs. La nouvelle forme de commerce qui émerge conduit à apprendre à gérer cette double exposition au monde digital universel et à la rencontre physique individualisée.

      Voilà certainement une nouvelle ère de conquête pour la franchise, spécialiste du retail et du commerce. En conséquence de quoi, il est nécessaire que la franchise s’appuie sur des partenaires qui portent eux-mêmes le bon niveau d’exigence. Car il ne s’agit plus comme par le passé d’accompagner une consommation naturellement croissante mais de devenir les acteurs et les coproducteurs du chiffre d’affaires nécessaire au bon fonctionnement du point de vente. La description de poste du commerçant franchisé change. Elle intègre plus d’exigence créatrice, plus d’initiatives et la nécessité d’une contribution  plus participative. Bref, tout un menu qui devrait ravir les commerçants-entrepreneurs et entrepreneurs-commerçants.