Au lieu du « choc de simplification » promis, les articles 19 et 20 de la nouvelle loi, qui concerne les franchiseurs et les franchisés, ajoutent selon les auteurs, avocats, une contrainte supplémentaire dans le processus déjà complexe des cessions d’entreprises.
La loi du 31 juillet 2014 sur l’Economie Sociale et Solidaire contient l’obligation d’information des salariés lorsque le propriétaire d’une entreprise veut la céder. Et cette information a pour objet de permettre aux salariés de présenter une offre d’acquisition.
Quelles sont les entreprises concernées ?
1) les entreprises qui n’ont pas l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise ;
2) les entreprises qui ont l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise mais qui emploient moins de 250 personnes et qui ont un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d’euros (critères essentiels d’une PME).
Autrement dit : quasiment tous les franchisés sont concernés par ce texte ; la majorité des franchiseurs également.
Quelles sont les opérations visées ?
1) Cession d’un fonds de commerce (article 19)
La loi impose une information des salariés lorsque le propriétaire d’un fonds de commerce envisage de le céder. Ce dispositif permet à un ou plusieurs salariés de l’entreprise de présenter une offre pour l’acquisition du fonds dans un délai de deux mois à compter de la notification du projet de cession.
L’information des salariés peut être effectuée par tout moyen de nature à en rendre certaine la date de sa réception (le décret en attente apportera des précisions).
Si les salariés sont tenus à une obligation de discrétion, ils peuvent se faire assister notamment « par un représentant de la chambre de commerce et de l’industrie régionale … et par toute personne désignée par les salariés, dans des conditions définies par décret« : en clair, il est peu probable que la confidentialité soit préservée…
La cession du fonds de commerce peut intervenir avant l’expiration du délai de deux mois, dès lors que chaque salarié a fait connaître sa décision de ne pas présenter d’offre.
2) Cession de droits sociaux (art. 20 de la loi)
S’agissant des cessions de droits sociaux, un dispositif similaire s’applique en cas de cession « d’une participation représentant plus de 50 % … » du capital.
Quelles sont les sanctions ?
Si l’information n’est pas réalisée, une action en annulation de la cession se prescrivant par deux mois est ouverte à tout salarié.
Quelles sont – concrètement – les conséquences prévisibles ?
L’objectif de la loi est de « de donner la possibilité aux salariés de présenter un projet de reprise et ainsi d’éviter la disparition de nombreux emplois ».
Loin de nous l’idée de combattre tout ce qui peut permettre la reprise d’une entreprise par ses salariés ; et encore moins le maintien de l’emploi.
Mais, notamment en cette période de crise, des entreprises franchisées peuvent se trouver confrontées à la nécessité d’une réaction très rapide (bien plus rapide que le délai de deux mois offerts aux salariés pour se prononcer sur la reprise…), le plus souvent en relation avec le franchiseur ou d’autres franchisés : la cession du fonds est parfois la solution ; pas facile à admettre mais souvent préférable à un redressement ou à une liquidation judiciaire.
Le législateur semble d’autant plus être passé à côté de la réalité du terrain qu’il prévoit que la cession peut intervenir dans un délai de deux ans à compter de l’expiration du délai de deux mois. En pratique, il est pourtant fort probable qu’une cession qui n’aboutit pas dans les quelques mois suivant son projet n’aboutira probablement jamais.
Et qui peut croire que ce nouveau texte (48 pages au Journal Officiel) dont nous ne commentons ici qu’un principe qui s’appliquera à compter du 1er novembre 2014, va faciliter la reprise d’entreprises de petite taille (et ce n’est pas péjoratif) comme les franchisés ?
La même conséquence va s’appliquer pour les franchiseurs notamment à raison de la faible étanchéité de l’information.
L’expérience démontre d’ailleurs en pratique que, lorsqu’une entreprise est reprise par l’un de ses salariés, ceci est le fruit d’un travail préalable et progressif d’implication du salarié dans la gestion de l’entreprise (voir de cession progressive du capital social). Il est ainsi rare qu’un salarié se dise soudainement à l’annonce de la cession de l’entreprise « et si je rachetais mon employeur ? ».
Cette loi prêche la poursuite d’un autre but « que le seul partage des bénéfices » et la notion de « gouvernance démocratique »… en oubliant toutefois qu’un chef d’entreprise (franchisé ou franchiseur) a au plus profond de lui la volonté de maintenir l’exploitation et les emplois qu’elle soutient, sans nécessité d’une contrainte législative supplémentaire.
Il est vrai que la loi a prévu des exceptions : les entreprises faisant l’objet d’une procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire …
Mais il n’en demeure pas moins que celle-ci devrait sans nul doute aboutir à un blocage de la cession des entreprises, au mépris de la réalité économique actuelle.
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