On assiste à une balkanisation des réseaux d’agence de voyages.
Il y a du mouvement depuis quelques mois entre les réseaux d’agences de voyages Thomas Cook, Jet Tours et Afat : que se passe-t-il exactement ?
Il y a quelques années, on avait d’un côté les tour-opérateurs (TO) tels Thomas Cook et Jet Tours, fournisseurs de voyages distribués par des agences indépendantes, et de l’autre des chaînes volontaires tels Afat ou Sélectour qui géraient des services communs pour ces agences tel que centrale de réservation, de paiement, etc. L’équilibre était maintenu par la complémentarité des acteurs et leur absence de concurrence frontale. Puis les TO se sont mis à développer leurs propres réseaux de distribution et à se racheter les uns les autres. Depuis trois ans, Jet Tours est ainsi passé de mains en mains avant d’entrer dans le giron de Thomas Cook en juin 2008. Le hic, c’est que Thomas Cook – qui est ouvertement dans une stratégie de monopole – a très mal pris l’annonce d’une fusion entre les deux chaînes volontaires Afat et Sélectour jugée menaçante dans sa course à l’hégémonie, et veut désormais réserver la distribution du produit Jet Tours aux seules agences qu’il se choisit.
Dans ce contexte, que vont devenir les agences Jet Tours ?
Elles ont été sommées d’abandonner leur adhésion historique avec Afat, et d’accepter de sacrifier leur indépendance en signant un contrat d’affiliation de type franchise avec des conditions d’approvisionnement et de quotas qui apparaissent draconiennes ou irréalisables dans un marché en crise et dont les avantages en contrepartie ne sautent pas aux yeux…
La situation est tendue : certains agents-mandataires ont deux, trois ou quatre agences Jet Tours et réalisent près de la moitié de leur chiffre d’affaires sur le produit Jet Tours. La moitié du réseau, qui était adhérente Afat, a vu son contrat rompu sans avoir commis la moindre faute. Ceux qui ont résisté à l’ultimatum de signer le contrat d’affiliation ont été sommés de descendre l’enseigne et de ne plus distribuer les produits Jet Tours. Une partie de la clientèle de ces agences va migrer vers celles qui offrent le produit, à savoir les réseaux Thomas Cook. Notez que la rupture du contrat est contestée, et que certains se mobilisent pour solliciter en justice sa continuation.
Pour les autres, l’ancien contrat Jet Tours se poursuit en théorie pour trois ans, bien qu’il soit désormais largement vidé de son contenu du fait de la disparition des services dédiés au réseau Jet Tours et d’une mise en concurrence accrue avec les agences Thomas Cook. Ajoutons un évident problème de doublons qui se pose dans nombre de villes. Une partie des agences Jet Tours va être sacrifiée sur l’hôtel des alliances ou mésalliances menées par le nouveau propriétaire de la marque.
Est-ce que cette concentration est bénéfique pour le secteur ?
Non, elle tombe mal car le secteur est déjà touché de plein fouet par la crise. L’effet produit est inverse à celui recherché : au lieu d’unir, elle conduit à la balkanisation du réseau ! Les agences sont liées à la même tête de réseau, vendent les mêmes produits mais sont soumises à des conditions contractuelles très différentes les unes des autres pour des services de surcroît inégaux. Chacun va essayer de négocier les avantages de l’autre. Même les franchisés Thomas Cook, qui semblent être du bon côté, ont perdu leurs marques et manifestent une forte inquiétude du fait de l’arrivée de concurrents au sein même du réseau : ils se sont fédérés en GIE !
Le cas Thomas Cook est une illustration flagrante d’une course accélérée pour gagner des parts de marché au détriment du dialogue et de la qualité. Le groupe a négligé les acteurs de la distribution traditionnelle et a sauté des étapes essentielles, notamment celle de consolider les services aux distributeurs. Il manque de lisibilité et de cohérence dans sa politique multi-enseigne. Dans ce secteur où les réseaux étaient déjà bien organisés, la franchise ne se développe pas de manière enthousiaste mais s’impose aux forceps !