La notion de savoir-faire en franchise est difficile à appréhender. Un récent arrêt de la Cour de Cassation, commenté par l’auteur, avocat et conseil en réseaux, vient d’en préciser les contours.
En dehors d’une marque, de signes distinctifs et d’une assistance, tout franchiseur se doit de mettre à disposition de ses franchisés un savoir-faire.
Par un arrêt du 8 juin 2017, la Cour de Cassation contribue à démystifier cette notion de savoir-faire, dont elle précise qu’il peut être constitué par un « savoir-sélectionner » et un « savoir-vendre« [1].
En l’espèce, un franchisé Spar (Groupe Casino) ne règle pas ses factures, et continue de commercialiser des produits à marque Casino dans son magasin après la cessation du contrat, au mépris de son engagement de non- concurrence post-contractuel.
Le franchiseur l’attaque en paiement des factures restant dues, ainsi que d’une indemnité au titre de la violation de la clause de non-concurrence post-contractuelle.
L’ancien franchisé contre-attaque : il soutient que le contrat de franchise serait nul car aucun savoir-faire ne lui aurait été transmis, et essaye ainsi d’être déchargé de ses obligations de paiement et de non-concurrence.
A l’appui de son argumentation, l’ancien franchisé expose que le franchiseur lui aurait transmis un savoir-faire « dépourvu de toute originalité« , « ne se distinguant pas des règles de l’art que le Franchisé peut apprendre par ses propres moyens ».
La définition théorique du savoir-faire en franchise est difficile à appréhender
La Cour de Cassation ne l’entend toutefois pas de cette oreille :
– elle reprend d’abord la définition du savoir-faire donnée par le Règlement européen d’exemption relatif aux accords de distribution[2] et le Code de déontologie, à savoir qu’il s’agit d’un « ensemble d’informations pratiques … résultant de l’expérience du franchiseur et testées par celui-ci, ensemble qui est secret, substantiel et identifié ». Définition un peu théorique, difficile à appréhender ;
– ajoutant ensuite que le savoir-faire se caractérisait en l’espèce par (a) un « savoir-sélectionner » : le franchiseur met à disposition du franchisé une offre de « produits sélectionnés conditionnés spécialement et bénéficiant d’une notoriété incontestable », (b) un « savoir-vendre » : qui correspond à la « délivrance de conseils adaptés » pour la vente de ces produits.
Les demandes de l’ancien franchisé sont ainsi rejetées, ce d’autant qu’il ne semblait pas s’être plaint d’une absence de savoir-faire pendant la durée du contrat de franchise. Délicat en effet de soulever soudainement une absence de transmission d’un savoir-faire le jour où l’on est attaqué en paiement de factures que l’on n’a, jusqu’alors, pas contestées devoir…
Par suite : le franchisé ne pourra être déchargé du paiement des factures dues au titre du contrat de franchise… ni de la pénalité mise à sa charge en raison du manquement à son obligation de non-concurrence (160.000 euros tout de même).
Un arrêt qui permet de préciser les contours de la notion de savoir-faire en franchise
Cet arrêt permet ainsi de préciser les contours de la notion de savoir-faire, dont il convient de retenir :
– qu’elle est appréciée par les juges du fond, et qu’il est donc nécessaire de s’en ménager la preuve, au travers des manuels (bibles ou autres) et supports de formation ;
– qu’elle peut recouvrir (a) un savoir-faire conservé par le franchiseur : le « savoir-sélectionner« , tel que la sélection des produits mis en vente dans une supérette, ou encore la sélection des articles d’une collection dans le domaine du prêt-à-porter, (b) et un savoir-faire mis à disposition du franchisé : le « savoir-vendre » que la Cour de cassation définit comme « la délivrance de conseils adaptés » qui est lui transmis et enseigné au franchisé.
– qu’elle implique un caractère secret : le savoir-faire ne doit pas être connu de tous ;
– qu’elle doit porter sur des éléments substantiels, c’est à dire suffisamment importants et qui n’étaient pas connus dans leur globalité par le candidat franchisé, et spécifiques au secteur donné ;
Enfin, il convient de rappeler que le savoir-faire doit avoir été expérimenté au préalable. A ce sujet, la jurisprudence a récemment précisé[3] que l’existence d’une unité pilote, lieu par excellence de l’expérimentation, n’était toutefois pas indispensable pour pourvoir justifier de l’existence d’un savoir-faire, dès lors que le savoir-faire avait déjà été expérimenté dans un réseau voisin.
[1] Cass. Com 8 juin 2017, n° 15-22.318
[2] Règlement 330/2010 du 20 avril 2010
[3] CA Paris, 7 décembre 2016, n°14/09212