Même quand la faute du franchiseur a été reconnue par la justice, les franchisés n’ont pas toujours obtenu d’importantes indemnités en 2018, pas plus que la condamnation des banques qui les ont financés. Quant aux litiges sur le savoir-faire et l’assistance, ils ont tourné plutôt à l’avantage des franchiseurs.
2>Indemnisation, banques, savoir-faire et assistance : des sujets qui fâchent
En 2018, l’indemnisation décidée par les tribunaux a déçu plusieurs franchisés. S’ils réclament, par exemple, l’annulation de leur contrat c’est en général parce que cela peut leur permettre d’obtenir le remboursement du droit d’entrée et des redevances, voire des investissements spécifiques au concept réalisés au démarrage, plus des dommages et intérêts aussi importants que possible. Leur objectif étant de tenter de compenser les pertes subies qui se chiffrent parfois en centaines de milliers d’euros.
Une indemnisation souvent décevante pour les franchisés
Mais sur ce plan, les décisions rendues en 2018 ont souvent douché les espoirs des plaignants.
Les magistrats ont plutôt fixé des montants faibles et ont même parfois considérablement réduit les sommes attendues, voire infligées initialement.
Ainsi, statuant sur renvoi de la Cour de cassation, la cour d’appel de Paris a, le 20 juin 2018, divisé par 4 les indemnités qu’elle avait décidées en 2015 en faveur d’un franchisé. La plus haute juridiction française a en effet indiqué que, par principe, une faute précontractuelle du franchiseur (c’était le cas selon la justice) ne pouvait entraîner le remboursement des pertes subies par le franchisé pendant le contrat. Mais seulement « la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses ». Résultat : 360 000 € d’indemnités pour le multifranchisé au lieu de 1,6 M€.
Dans le même esprit, alors que la condamnation du franchiseur était confirmée, la cour d’appel de Paris a, dans un arrêt du 17 octobre, divisé par 10 les sommes demandées par le franchisé après 13 années de procédure. Les magistrats ont notamment jugé que l’argent qu’il avait librement réinjecté en compte courant pendant le contrat pour tenter de relancer son affaire ne pouvait lui être reversé. Ils ont en outre refusé de lui accorder un préjudice moral alors que, placé en liquidation judiciaire, il avait dû vendre sa résidence principale pour rembourser son crédit et que son échec avait, selon lui, entraîné son divorce.
Certes, la même cour a condamné, dans un arrêt du 23 mai, le franchiseur à verser un total de près de 300 000 € à son ex-franchisé, soit une partie importante des investissements perdus. De même, le 24 octobre, elle a infligé au franchiseur le remboursement de 80 % des pertes subies par la société franchisée en litige, plus 80 % des salaires promis que le franchisé n’a pas pu se verser. Mais ce type de décision est resté rare.
Deux banques sur trois exonérées de responsabilité dans l’échec des franchisés
Ce n’est pas tout. Bien que décidée par la justice, l’indemnisation des franchisés est parfois rendue impossible, tout simplement parce que le franchiseur condamné est, au fil de la (souvent longue) procédure, devenu insolvable étant lui-même placé en liquidation judiciaire.
C’est la raison pour laquelle les avocats de franchisés, confrontés à la question, ont décidé depuis quelques années de mettre en cause aussi les banques qui ont financé les franchisés en litige.
Mais, en 2018, les décisions prises sur ce sujet ont plutôt exonéré les établissements bancaires.
Le 17 janvier, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi d’un franchisé qui reprochait à sa banque (et à son pôle franchise) d’avoir manqué à son devoir de mise en garde et de conseil. Pour le franchisé, la banque connaissait la (mauvaise) situation financière du franchiseur et du réseau. Pour les magistrats, au contraire, il n’était pas prouvé que le banquier ait « disposé d’informations privilégiées ignorées du franchisé » et donc qu’il ait «fait preuve de déloyauté » en le laissant contracter « en absence de rentabilité du réseau ».
Dans la même veine, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a estimé, dans un arrêt du 22 novembre, que la banque n’était pas en faute, contrairement à ce qui avait été jugé en première instance, dans un litige où la responsabilité du franchiseur a par ailleurs été reconnue. Les juges ont estimé que le franchisé était, au vu de son parcours professionnel, un « emprunteur averti ». Pour eux, la banque n’avait donc pas à le mettre en garde, sauf si elle avait disposé d’éléments d’information qu’il aurait ignorés. Ce qui, selon la cour, n’était pas le cas. Cet arrêt d’appel peut, bien sûr, faire l’objet d’un pourvoi en cassation. Mais, pour l’instant, la banque est exonérée de toute responsabilité dans l’échec du franchisé. Et n’a donc pas à lui verser les 300 000 € auxquels elle avait été condamnée en première instance.
En revanche, le 13 décembre, la cour d’appel d’Orléans a épinglé une autre banque spécialiste de la franchise pour avoir fait prendre à un des associés d’une société franchisée des « engagements de caution disproportionnés par rapport à ses biens et revenus ».
A noter aussi sur le sujet la précision de la Cour de cassation, dans un arrêt du 10 janvier 2018, selon laquelle l’annulation d’un contrat de franchise n’entraînait pas celle du crédit bancaire contracté par le franchisé.
Savoir-faire et assistance : des terrains plutôt favorables aux franchiseurs
Parmi les autres sources de litiges entre franchiseurs et franchisés, les questions liées au savoir-faire et à l’assistance, deux piliers de la franchise, ont aussi été examinées par les tribunaux en 2018.
On a vu ainsi, le 12 septembre, la cour d’appel de Paris annuler un contrat de franchise pour absence de savoir-faire. Mais c’est plutôt l’exception qui confirme la règle. Le plus souvent, le savoir-faire a été validé par les magistrats. Cela a été le cas par la cour d’appel de Paris le 28 février comme par la Cour de cassation le 7 mars, au vu de la taille et de l’ancienneté du réseau.
Et le 11 octobre par la cour d’appel de Caen, où le savoir-faire du franchiseur a été jugé à la fois substantiel (un « ensemble d’informations pratiques relatives à une technique spécifique »), confidentiel et identifié (transmis à travers divers documents et formations). L’ancienneté du réseau, sa phase de test en propre pendant trois ans et l’apport de chiffre d’affaires au franchisé en litige ont aussi été pris en compte. Même si la faiblesse de son originalité a été pointée par les juges, l’existence d’un savoir-faire conforme aux définitions des textes (européens notamment) a été établie.
Même tendance plutôt favorable aux franchiseurs, en matière d’assistance pendant le contrat. A l’instar de la Cour de cassation le 17 janvier, et le 7 mars 2018, la cour d’appel de Paris a débouté, le 24 janvier, un franchisé qui réclamait la résiliation de son contrat aux torts du franchiseur pour défaut d’assistance.
Dans un autre litige, la même cour refusait à nouveau le 7 novembre de considérer qu’il y avait eu un manque d’assistance du franchiseur. Et rappelait sa position de principe sur le sujet, « le franchiseur a l’obligation de transmettre au franchisé des moyens susceptibles de reproduire la réussite éprouvée par lui : savoir-faire, assistance et signes distinctifs de clientèle. S’agissant d’une fourniture de moyens, si le franchiseur a effectivement apporté cette aide, le franchisé est seul responsable de son éventuel échec. »
A partir du moment où un franchiseur a, par exemple, organisé des visites du point de vente franchisé et formulé des conseils, les juges considèrent qu’il a rempli ses obligations en matière d’assistance, quelles que soient par ailleurs la qualité et la pertinence de ces interventions. Les décisions de 2018 l’ont encore amplement démontré.