Pour l’auteur, avocat conseil des franchisés, la réponse est… Non ! « En dépit de sa fermeté, l’arrêt du 29 juin 2010 repose en effet sur trois arguments dont aucun n’emporte la conviction » estime-t-il. Pour lui, la requalification d’un contrat de commission-affiliation en agent commercial est loin d’être définitivement condamnée.
A lire les premiers commentaires de l’arrêt du 29 juin 2010, la réponse paraît évidente : oui, la requalification d’un contrat dit de « commission-affiliation » en contrat d’agent commercial serait définitivement condamnée. Voilà qui relève néanmoins de la pure incantation.
Car, en réalité, ce nouvel épisode de la saga « Chattawak » ne saurait valoir épilogue. Ne serait-ce que parce qu’il n’émane pas de l’Assemblée plénière. Et que, sur le fond, la cour d’appel de Paris aurait quelques titres à poursuivre sa résistance…
En dépit de sa fermeté, l’arrêt du 29 juin 2010 repose en effet sur trois arguments dont aucun n’emporte la conviction.
Premier argument : sur la qualité de vendeur
Malgré les différents indices sur lesquels elle fondait sa décision, la cour d’appel n’aurait pas recherché laquelle des deux sociétés en litige avait la qualité juridique de vendeur. Mais celle-ci ne dépendait-elle pas justement de la qualification du contrat de distribution ? Le distributeur était-il agent ? Tiers aux contrats de vente conclus pour le compte du maître du réseau, celui-ci endossait la qualité de partie, de vendeur donc.
Etait-il en revanche commissionnaire ? Agissant en son nom personnel, il endossait seul cette qualité. Par où l’arrêt commenté reposerait sur une erreur de logique, confondant l’effet et la cause de la qualification litigieuse.
Deuxième argument : sur la clientèle
En retenant que le distributeur avait fidélisé une clientèle détachable de la marque Chattawak, la cour d’appel n’aurait pas tiré les conséquences de ses constatations puisqu’un agent commercial n’a pas de clientèle propre. Là encore, l’argument est très classique. Il n’en est pas moins contestable.
Sur la forme, d’abord, il convient de le rappeler : la cour d’appel de Paris n’a jamais affirmé que le distributeur avait fidélisé une clientèle détachable de la marque Chattawak. Ce n’est qu’à titre d’hypothèse, pour les besoins du raisonnement, que les magistrats du second degré envisageaient la possibilité qu’une clientèle fût attachée au distributeur. Peut-être faut-il relire l’arrêt rendu le 9 avril 2009 in extenso…
Sur le fond, ensuite, la référence à la clientèle n’est pas déterminante. Qu’un agent développe des liens particuliers avec les clients de ses mandants, cela ne saurait exercer aucune incidence sur son statut. Il importe assez peu qu’une personne se soit attaché une clientèle pour savoir si elle endosse la qualité de commerçant.
Qui ne connaît un salarié dont les compétences, la gentillesse, les qualités humaines en somme, concourent à fidéliser une véritable clientèle ? Une clientèle qui suivra ledit salarié si celui-ci change d’employeur. Le salarié n’en restera pas moins salarié et son ancien employeur, commerçant. Loin de mériter le label de pragmatisme que certains lui ont d’ores et déjà décerné, l’arrêt Chattawak II paraît donc assez dogmatique.
Troisième argument : sur le droit au bail
En retenant que la cession par le distributeur du droit au bail des locaux où était exploité le fonds de commerce n’était pas un élément essentiel du litige, la cour d’appel aurait à nouveau violé les articles L 134-1 et L 132-1 du Code de commerce. Selon la haute juridiction, « la circonstance que le distributeur ait été titulaire du bail commercial » était au contraire un « élément essentiel pour déterminer si [celui-ci] avait la qualité de commerçant qu’un agent commercial ne peut posséder ».
Mais en quoi la qualification du bail était-elle de nature à débrouiller le litige ? Derechef, n’y a-t-il pas là quelque paralogisme ? Et pour cause : le bail commercial n’est pas réservé aux commerçants (C. com., art. L 145-1). De nombreux avocats jouissent même de leur local d’exploitation en vertu d’un bail commercial, les parties étant toujours libres de convenir d’une extension conventionnelle du statut des baux commerciaux.
En conclusion, le bras de fer n’est pas terminé. Seule l’Assemblée plénière pourrait l’arbitrer. Encore ne pourrait-elle régler d’un coup tous les problèmes posés par la commission-affiliation : requalification en contrat de travail, application du droit du travail sans requalification, article 2000 sur les pertes d’exploitation etc…
Si l’on comprend fort bien que certains se réjouissent de cet arrêt du 29 juin 2010, il est dès lors beaucoup plus contestable que les mêmes affirment sans ambages que le problème est résolu. Jamais la méthode Coué ne pourra tenir lieu d’argumentation.
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