« Il ne suffit pas de gagner de l’argent avec une activité pour se proclamer franchiseur. Le statut exige du sérieux, de la compétence et de la loyauté », rappelle Charlotte Bellet, avocate, qui commente un arrêt rendu le 9 octobre dernier par la cour d’appel de Chambéry.
Par Maître Charlotte BELLET, Avocat associé, BMGB & Associés
C’est une grande victoire ! Justice est faite et cela mérite quelques lignes. D’autant que l’arrêt rendu par la cour d’appel de Chambéry est un modèle de motivation.
L’affaire portait sur un contrat de franchise conclu dans le secteur de la promotion immobilière. Le franchisé, qui s’était vite rendu compte que son contractant n’avait de franchiseur que le nom et qu’il projetait de lui soutirer de substantielles sommes sans apporter de réelle contrepartie, a résilié le contrat de franchise. Le franchiseur l’a assigné en résiliation abusive. Dans un jugement du 3 novembre 2016, le tribunal de commerce d’Annecy avait suivi ce dernier et condamné le franchisé à lui verser plus de 130 000 € de dommages-intérêts.
La cour d’appel donne ici une véritable leçon de droit au franchiseur
Ce jugement a été censuré par les magistrats de la Cour d’appel. Et quelle censure !
La cour d’appel donne ici une véritable leçon de droit au franchiseur. Elle pose d’abord une définition limpide et réaliste du contrat de franchise : « le contrat de franchise est un contrat synallagmatique à exécution successive par lequel une entreprise dénommée franchiseur confère à une ou plusieurs autres entreprises dénommées franchisées le droit de réitérer, sous l’enseigne du franchiseur, à l’aide de ses signes de ralliement de la clientèle et de son assistance continue, le système de gestion préalablement expérimenté par le franchiseur et devant, grâce à l’avantage concurrentiel qu’il procure, raisonnablement permettre à un franchisé diligent de faire des affaires profitables ». Puis la cour rappelle que « le franchiseur doit permettre au candidat à la franchise de s’engager en pleine connaissance de cause » et « doit ainsi démontrer que lui-même a réussi à générer une activité profitable et que celle-ci est reproductible grâce au savoir-faire spécifique qu’il a mis en place, et ce, dans le secteur concédé au franchisé ».
Or en l’espèce, le « franchiseur » avait confondu franchise et rente de situation. Il n’avait manifestement pas respecté les exigences de cette technique de distribution, dont il ne s’était servi qu’à titre de label marketing.
Aucun savoir-faire susceptible de procurer un avantage concurrentiel n’avait été communiqué
D’une part, aucune information précontractuelle sérieuse n’avait été transmise. Un DIP avait bel et bien été transmis mais son contenu était indigent. Concernant l’état du marché et ses perspectives, la cour relève ainsi que ce document se bornait à un vague énoncé, sans aucun intérêt. Ces généralités n’éclairaient en rien le consentement du candidat. Au reste, les spécificités de la zone dont l’exploitation était envisagée n’étaient pas analysées.
D’autre part, aucun savoir-faire susceptible de procurer un avantage concurrentiel n’avait été communiqué. A cet égard, la cour le relève très nettement : certes, le franchiseur « a pu mener à bien de multiples programmes immobiliers de construction de logements sociaux. Mais ces opérations n’ont été effectuées que dans la région bordelaise, et le franchiseur n’a pas en réalité développé un savoir-faire spécifique tel qu’il puisse à la fois être reproductible dans d’autres régions françaises, chacune d’elle ayant ses particularités, et donner au franchisé un avantage concurrentiel lui permettant de s’implanter sans difficulté majeure ».
Les Juges annulent purement et simplement le contrat de franchise et dégagent le franchisé de toutes les obligations financières qu’il avait souscrit dans le contrat.
C’est qu’il ne suffit pas de gagner de l’argent avec une activité pour se proclamer franchiseur. Le statut exige du sérieux, de la compétence et de la loyauté.
obs. sous Cour d’appel de Chambéry, ch. civ., 1ère section, 9 octobre 2018, n° RG 16/02631