Depuis près de deux ans, la plupart des franchisés ont été déboutés devant la cour d’appel de Paris ou la Cour de cassation. Certains toutefois font exception. Il arrive que les juges se laissent convaincre par une accumulation de preuves et/ou un profil de néophyte.
La plupart des franchisés en situation d’échec qui assignent leur ex-franchiseur en justice se voient déboutés par les tribunaux. Qu’ils demandent la nullité de leur contrat pour tromperie (sur la rentabilité du concept par exemple) ou sa résiliation pour défaut d’assistance, ils n’obtiennent pas satisfaction. Et ce, notamment, au plus haut niveau des juridictions françaises, c’est à dire devant la cour d’appel de Paris et la Cour de cassation. Et depuis de longs mois.
Certains franchisés ont été entendus
Ainsi un franchisé a pu obtenir, le 16 janvier, devant la cour d’appel de Versailles, le remboursement de sa formation initiale. Parce qu’il a pu prouver qu’il avait été trompé par « la présentation grossière et approximative des conditions d’exploitation du point de vente » qu’on lui destinait.
De même, le 15 février 2018, la cour d’appel de Paris (Pôle 5, chambre 5) a annulé un contrat de réservation de territoire accordé par une enseigne. Motifs : un DIP incomplet et une confusion entretenue entre la licence de marque et la franchise. L’enseigne a été condamnée à rembourser les 30 000 € versés par le candidat.
Parmi les preuves qui ont convaincu les juges : plusieurs courriels adressés par le candidat au fur et à mesure qu’il découvrait des décalages entre ce qu’il avait compris des promesses de l’enseigne (des services comme une franchise) et ce qu’il rencontrait comme difficultés réelles sur le terrain dans l’avancement de son projet.
Les juges réclament des preuves écrites
Même si ce n’est pas la seule explication du verdict, cette « dénonciation récurrente par l’intéressé dans les mois qui ont suivi la signature » a compté dans la décision des juges, comme le précise l’arrêt.
Sans constituer une garantie absolue de succès, cette démarche consistant pour le franchisé à écrire, à conserver ces pièces, bref à pouvoir produire des preuves en cas de procédure peut s’avérer payante.
A l’inverse, sans preuve, il n’aboutit pas.
Comme les magistrats l’ont formulé à plusieurs reprises dans leur arrêt du 24 janvier dernier, par exemple, où ils ont débouté le franchisé : le rappel des obligations des franchiseurs en général, et/ou l’énumération de décisions d’autres cours d’appel favorables à des franchisés « ne peut pallier » l’absence de preuve.
Litiges sur la rentabilité : une justice très exigeante
Un franchisé ne peut pas se borner ainsi à dénoncer l’inexistence ou l’insuffisance d’un état du marché local dans son DIP. Encore faut-il qu’il cite l’information précise qui y manquait et qui aurait pu, si elle avait été connue du franchisé, lui faire renoncer à signer le contrat. Une démonstration pas toujours facile. Mais réclamée par les juges.
De même pour un prévisionnel. Même si l’écart est conséquent entre les chiffres transmis (comme éléments de base) par le franchiseur et la réalité atteinte par le franchisé, encore faut-il démontrer que le niveau visé était inatteignable. C’est à dire au moins prouver que la plupart des franchisés du réseau ne l’atteignaient pas au moment où le contrat a été signé ou que plusieurs autres franchisés de l’enseigne placés dans des conditions comparables ont connu au même moment les mêmes difficultés. Mais il suffit souvent que le franchiseur produise quelques contre-exemples pour ruiner la thèse selon laquelle la rentabilité du concept est en cause.
Indulgence pour les novices…
Et puis il y a la question du profil, de l’expérience du plaignant.
Le 17 janvier 2018, la cour d’appel de Paris (Pôle 5, chambre 4) a annulé un contrat de franchise pour tromperie. En partie parce que la franchisée avait 23 ans au moment de la signature du contrat, qu’elle était « novice en affaires » (et que cela excusait donc son erreur d’avoir signé son contrat).
De même, le 23 mai, la même cour a, de nouveau, annulé un contrat pour le même motif. Il faut dire que le franchiseur avait à la fois délivré des prévisionnels « grossièrement irréalistes » et validé un emplacement « trop grand et trop cher » qui a plombé la rentabilité d’un couple de franchisés. Mais bien que les deux plaignants aient été des commerçants, la cour a manifestement été sensible aussi au fait qu’ils étaient « novices dans le secteur concerné », contrairement au franchiseur qui, lui, en est l’un des acteurs majeurs.
…mais pas toujours
La perception du profil des franchisés par les juges varie toutefois sans que l’on en comprenne bien les raisons.
Ainsi, le fait qu’un autre couple de franchisés ait exploité pendant 10 ans un tabac-presse a suffi aux magistrats pour considérer qu’ils pouvaient parfaitement évaluer le potentiel de chiffres d’affaires… d’un restaurant de pâtes de 150 m² en centre commercial (un concept, qui plus est, nouveau à l’époque).
De même, le fait qu’un franchisé ait été comptable pendant une vingtaine d’années leur a suffi pour considérer qu’il pouvait valablement évaluer le potentiel de rentabilité… d’un centre d’amincissement.
Certes, sur ce point précis de l’expérience des franchisés, certains arrêts d’appel récents ont été cassés. Mais, sur renvoi de la Cour de cassation, la cour d’appel de Paris a maintenu sa décision.
Les candidats à la franchise doivent se montrer d’autant plus sélectifs
On l’aura compris, depuis près de deux ans maintenant, les litiges avec les franchiseurs devant les plus hautes juridictions françaises se terminent le plus souvent par des échecs pour les franchisés. Sauf s’ils apparaissent comme novices ou s’ils ont pu constituer au fil du temps un dossier et accumulé les preuves exigées par les juges. Ce qui n’est pas évident.
Le recours à la justice étant très peu souvent concluant pour les franchisés qui s’estiment victimes d’abus, une seule conclusion s’impose pour les candidats à la franchise : ils doivent se montrer très exigeants lors du choix du réseau. Après, il est souvent trop tard…