Commentant un avis de la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) sur la clause de non-concurrence, l’auteur, avocat, met en garde les franchiseurs contre « ce qui ressemble bien à de nouvelles conditions de validité ».
Par Maître Frédéric Fournier, avocat spécialisé en droit de la distribution, Cabinet Redlink
Saisie par une personne publique sur la clause de non-concurrence stipulée par un prestataire de référencement (hébergement social) d’hôtels, la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) rend un avis complet (n°16-9 du 12 mai 2016) sur la clause de non-concurrence avec quelques écarts inattendus, voire inquiétants.
Rappelons qu’en matière de franchise, la Loi Macron applicable au 6 août 2016 (Article L341-2 C.Com.) n’autorise les clauses de non-concurrence et non réaffiliation post-contractuelle dans la ligne des principes prétoriens et de droit de la concurrence, qu’en présence des conditions cumulatives suivantes : mentions des biens et services en concurrence avec ceux qui font l’objet du contrat, limitation aux terrains et locaux de l’exploitation ; caractère indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique (dans le droit de la concurrence, on évoque « identifié ») et secret et pour une année seulement après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats.
Dans les autres contrats, la clause de non-concurrence ou non-réaffiliation doit être limitée dans le temps, l’espace et la durée, autant que proportionnée aux intérêts légitimes. La CEPC le rappelle en soulignant le risque de nullité sous le visa de l’article 1131 du code civil.
De nouvelles conditions de validité
En revanche, la CEPC va beaucoup plus loin et, cela ressemble bien à de nouvelles conditions de validité. La CEPC précise que la clause est susceptible de provoquer un déséquilibre significatif (article L. 442-6-I 2° du code de commerce), dès lors que la clause :
- n’est pas réciproque ou ;
- est dépourvue de contrepartie ou ;
- apparaît dépourvue de justification objective et qu’elle n’est pas compensée par d’autres avantages.
Elle précise encore pour le cas d’espèce que « ni la nature de la relation d’entremise, ni l’examen du contrat de collaboration [objet de l’Avis] ne révèle d’élément qui serait susceptible de justifier un besoin de protection par une interdiction de non-concurrence. En tout état de cause, il reviendrait au créancier de rapporter la preuve de l’intérêt légitime qui serait le sien et du caractère proportionné de l’interdiction de concurrence contractuellement prévue, que ce soit dans le temps ou dans les personnes visées par cette interdiction. »
« En l’état limité des informations disponibles », la CEPC ne relève pas de déséquilibre significatif, dont la recherche « requiert un examen in concreto des stipulations en cause, en prenant en compte le contrat dans sa globalité (Cass. com. 3 mars 2015, n°14-10.907, Provera France ; Cass. com., 29 septembre 2015, n° 13-25043, EMC) ».
En revanche, observant l’absence de réciprocité et ou de contrepartie, la CEPC l’estime disproportionnée et ne pas répondre à un motif légitime tenant au besoin de protection du créancier.
Des enseignements pour la franchise
Quels sont les enseignements pour la franchise ? Très probablement, au-delà des exigences de la Loi Macron, la stipulation d’une clause de non-concurrence devra être utilisée avec parcimonie, en justifiant son caractère réciproque (aberrant en matière de franchise), l’existence d’une contrepartie (mais l’on sait que la jurisprudence ne l’a jamais requis, sauf en droit social ou dans des hypothèses de pactes d’associés avec des salariés actionnaires) ou une justification objective et compensée par d’autres avantages. Le savoir-faire effectif, consistent et les bénéfices apportées par le système de franchise seront alors les gages de la validité de la clause de non-concurrence ou de non-réaffiliation.
Le franchiseur conservera à l’esprit que les nouvelles dispositions de l’article 1171 du code civil à venir au 1er octobre 2016, réputera non-écrite toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation, dans un contrat non négocié (qualifié « d’adhésion« ).