Dans une décision récente, l’Autorité de la Concurrence (ADC) précise sa lecture d’une clause de non-réaffiliation post-contractuelle. Pour l’auteur, cette décision plaide pour la validité du principe.
L’Autorité de la Concurrence a rendu une décision n° 11-D-03 le 15 février 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du commerce de gros des fruits et légumes et produits de la mer frais concernant une clause de non-réaffiliation et un droit de préférence à égalité de prix et de conditions, en cas de mise en location-gérance de tout fonds de commerce ou transfert de propriété, tous deux stipulés au contrat d’adhésion au groupement de grossistes.
L’ADC rappelle son avis n° 10-A-26 du 7 décembre 2010 relatif aux contrats d’affiliation de magasins indépendants et aux modalités d’acquisition du foncier commercial dans le secteur de la distribution alimentaire et la jurisprudence (notamment l’arrêt de la cour de cassation du 28 septembre 2010), qui distingue les clauses de non-réaffiliation et les clauses de non-concurrence post-contractuelles (restriction v. interdiction).
Ceci caractérise un critère d’analyse important pour l’ADC : « Dès lors que l’interdiction de réaffiliation rend, non pas impossible, mais très difficile la poursuite de l’exploitation du fonds de commerce en compromettant sa rentabilité, la clause de non-réaffiliation peut valablement être assimilée à une clause de non-concurrence ».
Une clause utile à la pérennité du réseau
Pour apprécier la validité de la clause de non-réaffiliation, l’ADC a donc estimé nécessaire de rechercher, d’une part, si un ancien adhérent « peut, sans l’appui d’une affiliation à une structure de référencement nationale, poursuivre son activité et concurrencer les autres grossistes et, d’autre part, si la clause litigieuse est susceptible de remettre en cause la capacité des concurrents à se développer sur le marché ».
L’ADC souligne que la clause de non-réaffiliation post-contractuelle n’empêche pas les membres du groupement de le quitter mais rend un tel départ moins probable. Néanmoins, cette clause permet d’assurer la pérennité du groupe et de répondre « à l’attente de la clientèle des grands comptes en ce qui concerne la fiabilité de leur partenaire ». Ceci est gage d’animation de la concurrence.
L’ADC souligne l’existence des barrières à l’expansion ou à l’entrée relativement faibles sur ce marché de grossistes. L’ADC distingue là cette configuration de marché avec celle du commerce de détail où les contraintes à l’installation (conditions d’emplacement, coûts d’installation, barrières réglementaires) sont selon elle plus sensibles.
Une clause qui ne freine pas la concurrence
Dans ces conditions, la clause de non-réaffiliation post-contractuelle « ne paraît pas constituer un obstacle dirimant au développement des concurrents sur le marché des grossistes » (point 116) et la durée courte de la clause de 24 mois conforte pour l’ADC cette validité. Aucune mention n’est faite de la justification par la protection du savoir-faire.
Cette décision plaide à nouveau pour une validité de principe des clauses de non-réaffiliation, qui ne souffrira d’exceptions que dans le cadre d’une analyse au cas par cas de rentabilité de la partie soumise à la clause de non-réaffiliation.
L’ADC n’examine pas le droit de préférence post-contractuel puisque la saisine n’en évoquait les effets anticoncurrentiels qu’en complément à ceux allégués, mais non retenus, de la clause de non-réaffiliation. Les droits de préférence et préemption font actuellement l’objet de discussions nourries du fait de la volonté de légiférer prochainement en la matière. A suivre donc…
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