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      Têtes de réseau : pourquoi rédiger un rapport de durabilité ?

      Tribune publiée le 10 février 2025 par Christophe GRISON
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      « Une grande majorité des têtes de réseau seront directement ou indirectement concernées par les nouvelles dispositions de la Directive CSRD », explique l’auteur, avocat, qui explique pourquoi.

      Christophe Grison, Avocat d'affaires, cabinet FidalPar Christophe Grison, Avocat d’affaires, FIDAL

      La Corporate Sustainability Reporting Directive, dite Directive CSRD, du 14 décembre 2022, applicable depuis le 1er janvier 2024, est une directive visant à renforcer les obligations de publication d’informations des entreprises en matière de durabilité. Les entreprises concernées[1] devront établir un rapport de durabilité intégrant les thématiques suivantes : la Gouvernance, le Social et l’Environnement. Des normes dites normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards) ont été créées afin d’encadrer et d’harmoniser les publications des entreprises permettant ainsi de comparer leur performance extra-financière.

      Une grande majorité des têtes de réseau seront directement ou indirectement concernées par les nouvelles dispositions de la Directive, soit parce qu’elles dépassent ou dépasseront les seuils fixés par la Directive, soit parce que certaines de leurs parties prenantes seront concernées par ces nouvelles dispositions.

      En effet, ces parties prenantes prendront certains engagements en matière de durabilité dans leur chaine de valeur conformément à la Directive ; engagements qui seront susceptibles d’impacter les têtes de réseau même non soumises à des obligations de reporting extra-financier.

      Prenons l’exemple de l’accès au financement et à des supports médias.

      Les banques et les médias constituent, dans l’écosystème d’une tête de réseau, des parties prenantes majeures, au côté des distributeurs.

      Les banques permettent à la tête de réseau d’assurer le financement des investissements nécessaires aux évolutions de son savoir-faire et/ou de développer de nouveaux produits et services. En outre, elles jouent un rôle majeur dans l’octroi de prêts aux distributeurs du réseau (franchisés ou adhérents d’une coopérative) et favorisent ainsi la densification du maillage territorial de l’enseigne.

      Les médias, quant à eux, assurent la promotion des produits et des services distribués dans le réseau de distribution et participent à l’amélioration de la performance de chaque point de vente.

      Or, de nombreuses banques ont pris des engagements en matière extra-financière, notamment en faisant de la transition environnementale une priorité[2]. Certains médias prennent, quant à eux, des engagements en matière de diffusion d’espaces publicitaires sur leurs supports[3].

      Quelles répercussions pour une tête de réseau ?

      Il est probable que les engagements des têtes de réseau dans la transition socio-écologique constitueront dans les années à venir l’un des critères pour octroyer des crédits bancaires à la tête de réseau mais aussi à ses (futurs) distributeurs.

      Autrement dit, les têtes de réseau qui auront mis en œuvre une telle transition pourraient bénéficier d’un accès plus facile aux prêts bancaires et ainsi assurer la pérennité et le développement de leur réseau de distribution.

      De la même manière, il est probable que les médias accorderont de plus en plus de visibilité aux produits et services et entreprises responsables.

      Ainsi, les têtes de réseau, qui auront mis en place des actions pour limiter voire supprimer l’impact de leur activité sur l’environnement, pourraient bénéficier d’un accès prioritaire pour présenter leurs produits et/ou services dans certains médias.

      Pour démontrer l’engagement de l’enseigne en matière extra-financière, le rapport de durabilité constituera un outil précieux qui pourra être communiqué à des banques, des médias ou à tout autre partenaire commercial (futur candidat franchisé/adhérent de la coopérative).

      Précisons que les têtes de réseau, qui ne seraient pas soumises à la Directive, peuvent s’y soumettre volontairement[4] et rédiger leur rapport de durabilité.

      A notre sens, la rédaction d’un rapport de durabilité devrait être conçu par les têtes de réseau comme un outil de pilotage stratégique. En effet, ce rapport devrait leur permettre de :

      • Évaluer les impacts que leur activité a ou est susceptible d’avoir sur les personnes et l’environnement,
      • Évaluer les risques et opportunités financiers qui peuvent découler des enjeux liés à la durabilité (sur les aspects gouvernance, environnement et social),
      • Améliorer leurs produits et/ou services ou en développer de nouveaux répondant à des défis environnementaux ou sociaux,
      • Réduire leurs coûts opérationnels et éviter des amendes, litiges et atteintes à leur réputation,Améliorer leurs performances financières, leurs flux de trésorerie, leur accès au financement ou le coût du capital à court, moyen ou long terme,
      • Faire évoluer leur modèle d’affaires pour rester compétitives et plus résilientes face aux crises.

      La prise en compte d’éléments extra-financiers – au côté d’éléments financiers – invitent les têtes de réseau à un changement de paradigme afin d’adapter leur stratégie à court, moyen et long termes en entrant dans une démarche systémique pour prendre en compte les attentes de leurs parties prenantes.

      [1] Avec une entrée en vigueur échelonnée des dispositions de la Directive selon des seuils définis par celle-ci.

      [2] Dans son rapport annuel 2023, le Groupe BPCE indique s’engager « à aligner la trajectoire de ses portefeuilles avec l’objectif de neutralité carbone en 2050. Il veut accompagner tous ses clients dans leur transition environnementale et accélérer la réduction de son empreinte carbone propre. » Dans le rapport 2022-2023 de LCL, il est indiqué que « En matière de finance durable, LCL a mis en place en 2022 un plus grand nombre de financements à impact avec plusieurs entreprises clientes, c’est-à-dire des financements indexés ou sustainability linked loans (SLL) qui sont des opérations de financement dont la marge est indexée à des critères de performance ESG propres à l’entreprise. » Il est ensuite précisé que : « L’objectif de LCL est d’atteindre plus de 50 % de financements à impact dans la production de crédits aux entreprises à horizon 2025. A fin 2022, ce taux était déjà de 26 %. »

      [3] « signataire d’un « Contrat Climat » en 2022, [le groupe France Télévisions] réserve un certain nombre de ses espaces publicitaires à des écrans « Greenspirit » (promotion de produits respectueux de l’environnement) et « Territoires responsables » (discours des entreprises sur leurs engagements). » (Rapport annuel France Télévisions 2022).

      « Nous accélérons notre transition vers une publicité plus responsable en visant l’exclusion progressive des produits et services les plus polluants. Nous augmenterons de 15 % par an le volume de publicités consacrées aux produits, services et entreprises responsables, mesuré par un organisme extérieur. Nous élargissons notamment le nombre d’espaces publicitaires offerts aux organisations engagées dans la transition (+ 20 % d’espaces « transition en commun »). » (Rapport d’activité de Radio France 2022 : engagements de Radio France dans son programme Le Tournant qui est un manifeste réunissant 10 engagements pour faire de Radio France un média de service public responsable face à la crise climatique).

      [4] Un projet de normes dites normes VSME est en cours d’élaboration permettant d’offrir à ces têtes de réseau un outil de reporting simple et standardisé fixant les informations qu’une entreprise soumise à la Directive CSRD est susceptible de demander à une PME faisant partie de sa chaîne de valeur.