Depuis 2008, la loi interdit l’existence de déséquilibres significatifs dans les contrats entre professionnels. A la lumière de la jurisprudence récente, l’auteur dessine les contours de cette notion et son impact sur le contrat de franchise.
Adoptée le 4 août 2008, la loi de modernisation de l’économie (LME) a introduit dans le code de commerce la notion nouvelle de déséquilibre significatif. Engage ainsi la responsabilité de son auteur, qu’il soit producteur, commerçant, industriel ou artisan, le fait de « soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties« .
Le Conseil constitutionnel a validé cette disposition en 2011, considérant qu’elle renvoyait à celle de « clause abusive » du Code de la consommation, installée dans notre paysage juridique depuis près de 40 ans.
Ainsi dotée d’un cadre, la notion de déséquilibre significatif se dessine peu à peu en jurisprudence depuis 3 ans, le contentieux étant désormais réuni devant 8 juridictions spécialisées de première instance et, en appel, devant la Cour de Paris.
Les franchiseurs sont particulièrement concernés
Bien qu’adoptée en premier lieu pour réguler les relations entre la grande distribution et ses fournisseurs, cette disposition n’en couvre pas moins l’ensemble des relations des acteurs économiques, à tout le moins ceux qui entretiennent une relation de partenariat commercial (CA Bordeaux, 27 mars 2014, n° 12/05105).
Les franchiseurs sont particulièrement concernés car le contrat de franchise est un contrat d’adhésion, qui n’a vocation à être discuté qu’à la marge. Or, l’impossibilité de négocier le contenu du contrat est un critère pris en compte par les tribunaux pour caractériser le déséquilibre significatif (CA Paris, 18 déc. 2013, n°12/00150).
Tous les contrats de franchise entrés en vigueur ou renouvelés (même tacitement) depuis l’entrée en vigueur de la loi, le 6 août 2008, sont concernés par ces dispositions. Il en va de même des avenants postérieurs à cette date.
Toutes les clauses du contrat peuvent être concernées
Le déséquilibre significatif n’est bien sûr pas tout déséquilibre contractuel : c’est uniquement celui qui traduit l’abus, la contrainte, dans le cadre d’un rapport de force économique déséquilibré.
Ainsi, par exemple, le franchiseur peut – et doit – conserver ses pouvoirs de direction et de sanction à l’intérieur du réseau. Il en va d’ailleurs de l’intérêt des franchisés. Mais l’excès doit être évité.
Il ressort de la jurisprudence que toutes les clauses du contrat peuvent être concernées, y compris, semble-t-il – cela est d’ailleurs fort discutable – celles relatives au prix (CA Paris, 23 mai 2013, n°12/01166). Sont particulièrement visées les clauses qui mettent à la charge d’une partie une obligation lourde, ou qui la privent d’un droit (par exemple à réparation), sans réciprocité ni contrepartie.
Cependant, la jurisprudence considère que le déséquilibre doit s’apprécier par référence à l’économie générale du contrat plutôt que clause par clause. Une clause significativement déséquilibrée peut ainsi, en théorie, être contrebalancée par d’autres clauses (CA Paris, 4 juil. 2013, n°12/07651), ce qui rend l’analyse à fois subtile et complexe.
L’action en responsabilité peut être intentée par tout franchisé
Qui peut engager l’action et pour quelle sanction ? L’action en responsabilité peut être intentée par tout franchisé mais le texte permet également au Ministre de l’économie d’engager une procédure afin de demander la répétition de l’indu, la cessation de la pratique et une amende civile qui peut atteindre 2 millions d’euros (CA Paris, 18 sept. 2013, n°12/03177). La nullité de la clause créant un déséquilibre significatif est par ailleurs fréquemment prononcée.
L’enjeu n’étant pas neutre, le rédacteur du contrat de franchise sera avisé de faire preuve de modération.