Le défaut de dépôt des comptes annuels est susceptible de sanctions prévues par le Code de Commerce. En condamnant un franchiseur qui s’était abstenu de publier ses comptes sur le fondement de la concurrence déloyale, la Cour d’Appel de Versailles a récemment ouvert la voie vers une nouvelle sanction, soulignent les auteurs, avocats.
Par Maître Thomas JAHN, Avocat associé, cabinet Grützmacher/Gravert/Viegener
Et Maître Caroline BLONDEL, Avocat, cabinet Grützmacher/Gravert/Viegener
Conformément aux dispositions des articles L.232-21, L.232-22 et L.232-23 du Code de commerce, les sociétés commerciales françaises (SA, SCA, SAS, SARL et certaines SNC) sont tenues de déposer leurs comptes annuels au Greffe du Tribunal de commerce du lieu de leur siège social.
Les sanctions du défaut de publication de comptes annuels sont expressément prévues par la Loi. Elle peut consister en une injonction de publier, sous astreinte, prononcée par le Président du Tribunal de commerce, saisi à la demande de tout intéressé ou d’office, en la mise en jeu de la responsabilité civile des dirigeants et/ou de la responsabilité pénale de la société matérialisée par une amende de € 1.500, pouvant être portée à € 3.000 en cas de récidive.
Un franchiseur condamné pour défaut de publication de ses comptes annuels
Il arrive toutefois que les tribunaux, par leur jurisprudence, étendent le champ d’application de la Loi. C’est ainsi que récemment, la Cour d’Appel de Versailles a ouvert la voie vers un nouveau type de sanction, dans un cas de défaut de publication de ses comptes annuels par un franchiseur.
Par un arrêt du 18 mars 2014, la Cour d’Appel de Versailles a ainsi condamné un franchiseur, dont les comptes annuels n’avaient pas été publiés, au paiement de dommages et intérêts au profit de son franchiseur concurrent, au titre de son préjudice commercial.
La Cour d’Appel a retenu qu’en s’abstenant de publier ses comptes, le franchiseur avait empêché les candidats à la franchise d’apprécier les résultats de son réseau et de les comparer avec ceux de la concurrence.
La Cour d’Appel a de ce fait considéré que ce comportement faussait le jeu de la concurrence loyale, dès lors que le candidat potentiel ne peut obtenir des informations sur le réseau de franchise qu’en prenant contact avec le franchiseur, l’empêchant ainsi de comparer préalablement les résultats financiers des franchiseurs et de leurs réseaux, avant d’arrêter son choix parmi les réseaux existants dans le secteur d’activité concerné.
Des actes « déloyaux » ayant entraîné un préjudice commercial pour le franchiseur concurrent
La Cour d’Appel a ainsi estimé qu’en agissant ainsi le franchiseur avait capté déloyalement des candidats à la franchise et manqué au principe même de la transparence et de la loyauté qui doit régir les rapports commerciaux.
Pour la Cour, les actes déloyaux constatés ont nécessairement entraîné un préjudice commercial pour le franchiseur concurrent, étant précisé que pour la Cour, le préjudice ne doit pas nécessairement être financier, mais peut être un préjudice simplement moral. En l’espèce la condamnation prononcée s’est élevée à € 20.000. L’arrêt de la Cour ne précise toutefois pas si le préjudice est financier ou seulement moral.
Nous ne savons pas à ce jour si l’arrêt de la Cour d’Appel de Versailles a fait l’objet d’un pourvoi en cassation.
Il s’agit pour le moment d’une décision isolée. Si toutefois elle était reprise par d’autres juridictions ou éventuellement confirmée par la Cour de Cassation, elle pourrait ajouter une sanction nouvelle à celles prévues par le Code de commerce et le Code pénal en cas de défaut de publication des comptes annuels.