Commentant un jugement récent du Tribunal de Commerce de Paris dans un litige entre un franchiseur et un de ses ex-franchisés, l’auteur, avocate spécialisée dans le conseil aux franchisés, précise les limites des clauses de non affiliation et de non création de réseau dans les contrats de franchise.
Un franchiseur avait inclut dans le contrat de franchise une clause de non affiliation et de non création de réseau ainsi libellée : « Le franchisé s’interdit de créer un réseau concurrent (dans le même domaine) sur toutes les villes où sont implantées les instituts franchisés et ce, pendant un an à compter de la cessation du présent contrat ».
A la fin de son contrat, le franchisé avait continué la même activité et avait choisi d’apposer une enseigne qui était celle déjà utilisée par un ancien franchisé qui avait également quitté le réseau. Si les anciens franchisés avaient une enseigne commune, il n’existait entre eux aucun accord commercial.
Le franchiseur assignait le franchisé en considérant que l’adoption d’une enseigne commune contrevenait à l’obligation de non création et de non affiliation à un réseau concurrent à laquelle le franchisé était tenu.
Le franchiseur réclamait plus de 30 000 euros de dommages et intérêts.
L’adoption d’une enseigne commune contrevient-elle à l’obligation de non création et de non affiliation ?
Le franchisé rétorquait qu’il n’avait pas violé les deux clauses post contractuelles au motif qu’il ne s’était pas franchisé, affilié ou associé à une enseigne concurrente et qu’il n’avait pas créé un réseau concurrent.
Le franchisé démontrait que :
- Il n’avait signé aucun contrat, de quelque nature que ce soit (contrat de franchise, contrat d’affiliation, licence de marque ou tout autre accord commercial).
- Il ne s’était associé ni à une société, ni à une personne physique, ni à une opération de quelque nature que ce soit.
- Il n’avait pas créé de réseau et encore moins un réseau concurrent à celui du franchiseur.
- Il avait uniquement apposé sur son centre l’enseigne d’un ancien franchisé situé sur une autre région.
- Il utilisait des signes distinctifs (notamment en termes de couleurs) qui lui étaient propres et qui n’étaient communs à aucun autre centre.
- Il faisait appel à un fournisseur de produits de manière indépendante et isolée. Il n’avait pas recours à une centrale d’achat avec d’autres commerçants.
- Il appliquait de nouvelles techniques de soins pour lesquelles l’équipe d’esthéticiennes avait suivi des formations spécifiques.
- Il avait mis en place sa propre publicité sans passer une nouvelle fois par un fournisseur commun avec un autre commerçant.
- Il avait défini sa propre politique de prix.
Le franchisé avait donc uniquement une enseigne commune avec un ancien franchisé du même réseau.
Cette seule communauté d’enseigne ne permettait pas de conclure à la participation du franchisé à un réseau commun et concurrent du réseau du franchiseur.
Non, a estimé le Tribunal de commerce de Paris
Le réseau est une notion très clairement définie en Doctrine : ‘Ce mot désigne en franchise l’ensemble constitué par le franchiseur et les franchisés. N’en font pas partie les autres points de vente dès lors qu’il n’y a pas usage des seuls signes de ralliement du réseau et mise en œuvre de la totalité du savoir-faire.
« Le réseau est le résultat d’une collection de contrats qui lient la tête du réseau (le franchiseur) aux distributeurs (les franchisés) qui ont un même objet et poursuivent une même fin ».
Par jugement du 1er juin 2016, le Tribunal de commerce de Paris a débouté le franchiseur de sa demande au motif qu’il « n’établissait pas que le franchisé avait créé un réseau de franchise concurrent comprenant des franchisés liés par contrat, avec transmission d’un concept, d’un savoir-faire, liés par une communication commune« .
Le Tribunal a été plus loin en ajoutant que « la faiblesse de l’argumentation du franchiseur excluait qu’il ait pu croire de bonne foi au bien-fondé de ses prétentions« .
Le Tribunal a condamné le franchiseur à payer au franchisé des dommages et intérêts pour abus du droit d’agir en justice et le remboursement des frais d’avocat.
Franchisé et franchiseur se sont in fine rapprochés et ont fait le choix de ne pas exécuter la décision rendue.